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État de Palestine, Islamophobie et aliénation

Pour pérenniser sa domination, l'oppresseur a trois méthodes. La plus radicale est certainement l'extermination. C'est celle qu'utilisa (et utilise encore) l'"homme blanc" en Amérique du Nord et du Sud et en Océanie pour "nettoyer" ces vastes territoires et se les approprier entièrement.

L'aliénation est la deuxième méthode. Elle est beaucoup plus efficace car elle permet de se préserver du "coût politique" de l'organisation d'un génocide et elle exerce une violence sur les esprits et les cœurs qui est évidemment moins visible que l'extermination de toute une population.

C'est, en particulier, ce que nous vivons actuellement dans notre système productiviste qui engendre des travailleurs serviles et des consommateurs aliénés. L'objectif est de faire croire aux populations qu'elles sont totalement libres de leur choix. Ainsi l'aliéné, tout en souffrant de sa condition, œuvre lui-même à sa propre domination. Il est le premier à défendre cette société de consommation qui ne reconnaît que l'épaisseur de son portefeuille et il est le premier à aduler son travail qui le martyrise au quotidien.

L'objectif, le summum, c'est de parvenir à ce que l'aliéné observe et comprenne le monde à travers les lunettes de la "vérité" subjective du système dominant qui devient la réalité objective du dominé.

Arrivés à ce niveau d'aliénation, les contradictions et aberrations évidentes ne nous choquent plus, nous n'arrivons même plus à les percevoir. Les populations du Nord sont les premiers consommateurs d'anxiolytiques, nous sommes les premiers consommateurs de drogues cultivées dans les pays du Sud que nous contrôlons (Aghanistan, 80 % de l'héroïne mondiale), nous fournissons la quasi totalité des armes utilisées dans tous les conflits importants de l'hémisphère Sud ; mais malgré ces horreurs qui constituent notre quotidien, l'Occident n'a aucune gêne à se revendiquer du "belle héritage des siècles des Lumières".

La France et l'Occident en général nous parlent d'amour, de liberté, de démocratie, d'égalité, de paix, de laïcité, du primat de l'individu ou de la raison, etc. Mais la réalité du monde, c'est la haine, le non-droit, l'injustice, la guerre, le racisme, l'individualisme et l'égoïsme.

Le fil de l'actualité, nous le prouve tous les jours, notre quotidien vient nous confirmer dans notre chair ce qu'on pressentait de plus en plus clairement dans nos cœurs : les idéaux dits "universels" proclamés ne sont que la paravent à des logiques d'intérêt et de domination.

Mais on fait semblant de ne pas voir, et au lieu de poser publiquement et sans complexe notre différence pour résister et réformer, on continue à vouloir se revendiquer de cette "nation" égoïste, de cette "république" discriminante, à vouloir réclamer notre place… Nous aussi.

Notre aliénation ne nous permet même plus de comprendre qu'aujourd'hui ces idées des Lumières aveuglent plus qu'elles n'éclairent. Et que si, quelques siècles auparavant, elles ont permis l'émancipation, aujourd'hui elles justifient l'oppression.

Car il ne faut pas être trompé par l'éloquence même sincère des discours pompeux de l'aliéné sur la compatibilité d'un Islam avec la République et ses idéaux. En fait, toute sa rhétorique est basée sur l'affectif. Il a besoin que son combat soit reconnu. Sa lutte n'est plus dans le changement graduelle des réalités pour imposer le respect, il n'est que dans la demande de reconnaissance publique, à travers ces symboles et gratifications qui lui permettent de se sentir aimé.

Sur un autre registre mais toujours avec cette même vision aliénée de notre réalité, on applaudit à la reconnaissance à l'ONU d'un état de Palestine qui n'existe plus dans la réalité à cause de… cette même ONU qui s'est empressé de reconnaître l'état sioniste le 14 mai 1948. Soixante-quatre années de colonisations plus tard, l'ONU reconnaît (en partie) l'existence d'un État palestinien qui n'existe pas du fait de ces soixante-quatre années de déni permanent. Une véritable farce !

On aurait préféré que cette instance internationale reste fidèle à ses propres statuts et reconnaisse la légitimité de la résistance armée du peuple palestinien face à l'oppression sioniste, qu'il reconnaisse qu'il y a un agresseur et un agressé, un colonisateur et un colonisé, un état oppresseur et un peuple opprimé, un état occupant et une résistance populaire.

On applaudit quand l'ONU reconnaît la légalité d'un état palestinien qui est fictif et on se tait docilement quand il se refuse à reconnaître la légitimité d'une résistance qui, elle, est pourtant bien réelle.

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Néanmoins, l'aliénation comme le mensonge n'existe jamais de manière générale et permanente au sein d'une même population. Et cela reste un véritable souci pour le système dominant car des peuples les plus aliénés, des populations les plus martyrisées peuvent émerger les résistances les plus nobles et les luttes les plus émancipatrices.

Alors, quand l'extermination n'est plus politiquement possible et que l'aliénation n'est plus intellectuellement suffisante, il reste l'arme de l'émotion, la peur. Si l'aliénation est la méthode de domination la plus efficace, la peur est certainement la plus subtile.

La peur permet de réduire à néant les petites velléités de résistances qui persistent quand l'aliénation se généralise. Quand la peur nous taraude, la raison se tait et les passions se déchaînent.

Entretenir la domination, c'est entretenir un climat de peur. L'écroulement brutal du bloc communiste a été une véritable catastrophe pour l'impérialisme américain. Comment allons-nous justifier la présence des bases "yankee" en Europe, en Allemagne, au Japon et dans le reste du monde ? Comment justifier l'OTAN ? Comment justifier les énormes budgets militaires occidentaux ?

Car officiellement cela se justifiait par la peur des pui
ssances communistes qui risquaient de mettre en péril les belles démocraties occidentales. Dans la réalité, c'est durant cette "guerre froide", dans la peur de la guerre atomique que s'est justifiée l'américanisation de tout l'Occident (Europe et Japon), préalable à l'occidentalisation du monde (ou mondialisation).

Aujourd'hui pour pérenniser l'impérialisme collectif occidental qui ne veut jamais s'avouer, on a besoin d'un ennemi qui doit faire peur. Car la peur réduit au silence les peuples, fait se soumettre les consciences des justes aux actes les plus ignobles.

L'Islam a donc pris la relève du bloc communiste pour entretenir cette peur. Pour rendre l'entreprise plus crédible, les services de renseignement occidentaux, israéliens et arabes ont infiltré et parfois ont pris le contrôle des organisations terroristes qui par leurs attentats aveugles ont permis la promulgation de lois liberticides et sécuritaires dans les pays du Nord et le déclenchement de nouvelles guerres impériales dans les pays du Sud.

L'entreprise de domination a besoin de la peur pour se pérenniser, l'ennemi choisi après le communisme est l'islam. Entretenir la peur à travers l'Islam est ce que nous appelons l'islamophobie.

Le problème dans notre discours aliéné sur la question de l'islamophobie est de croire que le sujet du débat est l'Islam. Ce qui conduit certains à croire que c'est notre visibilité trop provoquante qu'il faudrait revoir, ou qu'il faudrait la compenser par un attachement beaucoup plus visible et expressif à cette nation et à ses valeurs.

En fait quand on parle islamophobie, l'Islam n'est pas le vrai sujet du débat, il n'en est que l'objet. L'Islam est utilisé pour créer cette peur qui permet de mettre sous contrôle sa propre population bien au-delà des simples musulmans.

Pour l'impérialisme collectif occidental, l'entretien d'un climat de peur au sein de sa population est une nécessité structurelle, et donc l'entretien d'un climat islamophobe est intrinsèque à une nation qui n'a pas encore renoncé à ses alliances impérialistes.  

C'est la raison pour laquelle, je pense, qu'il est contre-productif de faire appel à la Nation ou à sa République pour combattre toutes les discriminations auxquelles nous faisons face. Tout au contraire, il serait peut être beaucoup plus judicieux de mettre en débat ces concepts de "Nation" ou de "République" au lieu de les accepter comme une évidence quasi naturelle.

Nous avons besoin d'être respectés, pas nécessairement d'être aimés. Notre islam doit être serein mais décomplexé. C'est en assumant sereinement notre visibilité et en posant avec pertinence le cadre des enjeux que nous mériterons le respect, même de ceux qui peuvent ne pas nous aimer.

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