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Entretien avec Sandrine Moulères, seconde compagne de Liès Hebbadj

Sandrine Moulères est la seconde compagne de Liès Hebbadj qui avait été verbalisée en avril 2010, alors qu’elle roulait en voiture vêtue d’un niqab. Une contravention qui deviendra rapidement une affaire d’Etat, suivie le 14 septembre 2010 du vote d’une loi interdisant le port du voile intégral dans l’espace public. Dans cet entretien accordé à Oumma.com, elle revient sur cette histoire racontée dans tous les médias , et qui a été selon Sandrine Moulères, “plus ou moins concise, plus ou moins arrangée”. Elle évoque également dans cette interview, sa conversion à l’islam, le harcèlement des journalistes, mais aussi pourquoi elle a décidé de porter le niqab. Sandrine Moulères est par ailleurs auteure du livre “Les boucs émissaires de la république” aux éditions Michalon.

Vous évoquez dans votre livre ce fameux PV qui devient une affaire d’Etat. Pouvez-vous revenir sur ce contrôle de police qui se transformera en affaire “Liès Hebbadj” ?

Je roule tranquillement, lorsque deux motards de la police arrivent dans le sens opposé. Ils passent à côté de moi et jettent un coup d’œil à travers la vitre. Je les aperçois alors dans mon rétroviseur faire demi- tour à un rond-point quelques mètres plus loin. Arrivé à ma hauteur, l’un d’entre eux me fait signe de m’arrêter. Je m’exécute aussitôt. Il s’approche de moi et, à ma grande stupeur, me dit sur un ton agressif : “Je ne sais pas comment ça se passe dans votre pays, mais sachez, nous on ne s’habille pas comme ça.”

Je suis estomaquée. Mais, fidèle à ma force de caractère je ne me laisse pas démonter, je réplique du tac au tac :

“Votre pays est aussi le mien, car je suis française de souche.”

Il n’insiste pas et effectue son contrôle, auquel je me soumets sans rechigner, lui présentant mes papiers et ceux du véhicule avant de soulever mon niqab. Me dévoiler dans ce cas ne me pose pas de problème car pour l’islam, lorsque les autorités me le demandent, je dois m’y soumettre. Mais il n’en a pas encore fini avec moi : le voilà qui effectue attentivement tout le tour de la voiture, à la recherche de je ne sais quel pneu, phare ou rétroviseur défectueux. Mais elle est impeccable. Lorsqu’il revient vers moi, il m’annonce pourtant qu’il va me verbaliser. Je lui demande tout à fait surprise :

  •  “Pour quelles raisons, s’il vous plait ?”

    -“Votre tenue vestimentaire”

    Je n’en reviens pas. J’essaie de rester calme. Il ne manquerait plus que je me retrouve verbalisée, pour outrage à agent- mais choquée, je lui rappelle fermement qu’il s’agit d’une discrimination et qu’aucune loi à ce jour n’interdit en France le port du niqab. Il s’emporte alors et, abusant de l’autorité qu’il représente, me répond en postillonnant qu’il fait ce qu’il veut.

    ” Dans ce cas, précisez sur le procès-verbal que la faute que j’ai commise est d’avoir porté le niqab au volant, s’il vous plait”

    Je veux savoir s’il est capable d’assumer le motif qu’il avance pour me verbaliser et , surtout ,s’il lui permet réellement de me pénaliser.

    Il refuse sans ciller , préférant se référer à un article de loi (R-412.6- du code de la route) qui stipule que “Tout conducteur doit se tenir constamment en état et en position d’exécuter constamment et sans délai toutes les manœuvres qui lui incombent (…)

    Outrée par le comportement du policier, je lui donne un rendez-vous au tribunal. Ironique et n’ y croyant pas une seconde, il me répond à peu près : ” Ouais, ouais c’est ça !”

    Mon avocat , Maître Polllono, m’explique que l’article utilisé par l’agent est un véritable fourre-tout et qu’en raison du principe de laïcité qui prévaut actuellement en France, il n’ avait aucun droit de me verbaliser. Je conteste donc l’amende le 13 avril, dans un but précis : savoir si on peut conduire avec un niqab en France. Parce qu’il s’agit d’une discrimination qui remet en cause les principes de la République. Mon avocat décide d’informer France 3 et Presse Océan, auxquels j’accorde une interview pour raconter les faits et faire part de mes réactions, sans imaginer le déluge que cela allait provoquer. Sans imaginer non plus que, ce même jour, une enquête était diligentée à mon égard…

    Vous parlez dans votre livre d’un harcèlement des journalistes qui ont été jusqu’à vous déranger dans votre vie privée ?

    Effectivement, on peut parler d’un acharnement médiatique, après avoir contesté l’amende, les journalistes se sont littéralement installés devant chez moi. Des hélicoptères tournaient au dessus de ma maison. Un jour, alors que j’étais au téléphone avec ma mère dans le jardin, des journalistes étaient cachés derrière la palissade afin d’épier ma conversation téléphonique. Ils avaient encerclé le quartier pavillonnaire. Mais j’explique tout cela dans mon livre avec plus de détails que vous pouvez reprendre.

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    Vous revenez sur les raisons qui vous ont incité à vous convertir à l’Islam. Parmi celles-ci, vous insistez sur les “vérités scientifiques” du Coran ?

    Ma conversion s’est faite suite à de nombreuses lectures et à une longue réflexion sur différents sujets de l’islam. Moi qui étais chrétienne, lorsque j’ai porté le Coran dans mes mains pour la première fois, j’ai eu le sentiment d’avoir quelque chose de sacré entre les mains. Les personnages de Miriam et Jésus dans le Coran m’ont confortée et rassurée : Miriam sur le rôle de la femme en Islam, en effet, une sourate porte son nom et c’est un personnage merveilleusement décrit dans le Coran, j’ai ressenti un immense respect.

    Quant à Jésus, en tant que prophète envoyé par Dieu aux hommes et non fils de Dieu, était pour moi plus logique que la trinité. Etant passionnée par les sciences modernes, de voir que le Coran, écrit il y a plus de 1400, coïncidait avec les sciences découvertes récemment a vraiment joué un rôle moteur dans mon choix de conversion. Comment un illettré au 7ème siècle pouvait connaître le développement de l’embryon ventre de sa mère alors qu’il n’a reçu aucun enseignement scientifique ? Ce sujet est vaste et ne manque pas d’exemple.

    Cette conversion à l’islam a été refusée par vos parents ?

    Je pense que c’est compliqué pour des parents de voir son enfant prendre un chemin complètement différent de celui qu’ils lui ont inculqué. Cela a été le cas pour mes parents. Ce qui ne nous empêche pas de nous aimer.

    La rencontre avec Miriana (une convertie à l’Islam) sera décisive. Elle contribue à votre initiation à l’islam. Miriana qui est déjà la compagne de Liès Hebbadj vous propose alors de devenir la seconde compagne de ce dernier. N’est-ce pas plutôt votre absence de culture religieuse qui vous incite à accepter cette proposition alors que la polygamie est fait ultra-minoritaire dont la pratique doit être contextualisée socialement et historiquement ?

    Votre question me dérange, insinuez-vous que ceux qui ont choisi de vivre en situation de polygamie ont une “absence de culture religieuse” ? Dans ce cas, vous insinuez aussi que les femmes du Prophète (saw) étaient incultes, que les femmes des Prophètes polygames comme Ibrahim, Souleyman… l’étaient aussi. Que les femmes des compagnons l’étaient aussi. Je me permets de vous rappeler que la polygamie est un droit de Dieu dans le Coran pour l’homme et pour la femme. Elle est peut- être minoritaire en France, mais majoritaire dans d’autre pays comme l’Arabie saoudite. Cette pratique était majoritaire aussi dans des communautés meilleures que vous et moi, comme celles des compagnons… De plus en France, on est choqué lorsqu’on entend parler de polygamie , mais parler de maîtresses, de fornication, de tromperie ne choque personne.

    Vous décidez également de porter le niqab, alors que la grande majorité des écoles juridiques de l’islam ne le recommande pas ?

    Ceux dont vous me parlez ne le recommandent peut-être pas, mais ne l’interdisent pas non plus. Mon école juridique, est la vie des femmes du Prophète et celles des femmes des compagnons qui le portaient d’après l’unanimité des savants musulmans y compris les savants des 4 écoles juridiques sunnites. J’ai choisi de le porter afin de me rapprocher de Dieu et de suivre celles qui ont été agréées de leur vivant par Dieu. Ce qui n’est pas la majorité en France, mais il suffit de voyager un peu pour voir que le niqab est très répandu en Arabie Saoudite par exemple, aux Emirats arabes Unis, en Somalie, au Pakistan, à Oman, au Qatar, au Yémen ou encore en Iran etc…. Le port du niqab est également de plus en plus répandu dans des pays où l’ on étudie plus l’islam qu’auparavant, comme l’Egypte par exemple. Mais encore une fois, je ne me réfère pas à des pays comme la France ou l’Arabie saoudite, mais aux femmes du prophète bien guidées.

    La loi contre le port du voile intégral en France a été définitivement adoptée. Le portez-vous toujours actuellement ?

    Oui je le porte toujours actuellement. Je vous rappelle qu’elle sera effective au printemps 2011 au moment de sa promulgation.

    Propos recueillis par la rédaction


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