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Entretien avec Jérôme Oliveira: “Nous sommes très heureux de publier les trois textes sacrés de l’islam”

Jérôme Oliveira, directeur de collection de livres Bien-Être aux éditions J'ai Lu (Flammarion)

Acteur clé de l’édition de poche en France depuis plus de cinquante ans, on ne présente plus les très éclectiques et accessibles à tous Editions J’ai lu. Une grande maison d’édition, dont l’immense variété du catalogue vient de s’enrichir d’une nouvelle collection, en tout point inédite, qui fait la fierté de l’un de ses principaux artisans : Jérôme Oliveira.

A l’approche de la célébration du mois béni de Ramadan, c’est un éditeur non musulman particulièrement heureux d’avoir parachevé un beau projet, cher à son cœur, de surcroît unique dans les annales du monde de l’édition généraliste française, qui a accepté de répondre aux questions d’Oumma. Un projet éditorial, hautement spirituel et riche d’enseignements, qui fera date, destiné à tous, musulmans comme non musulmans.

Qu’est-ce qui vous a poussé à réunir, dans une collection destinée au grand public, le Saint Coran, la Sîra et les Hadîths ?

Nous sommes très heureux de publier aux Éditions J’ai lu ces trois textes sacrés de l’islam car, curieusement, aucune grande maison d’édition mainstream n’a publié ces trois œuvres sous cette forme, en les réunissant dans un triptyque.

C’est une grande première dans le paysage de l’édition française et c’est le fruit d’un travail qui a duré quasiment trois années.

Face aux éditeurs spécialisés, il s’agit de s’adresser à un public différent, comme ceux qui ne maîtrisent pas l’arabe. Dans les jeunes générations, beaucoup ne savent pas lire la langue du Coran, par exemple. C’est Hélène Fiamma, directrice des Éditions J’ai lu, qui a eu l’idée de ce projet et m’en a confié la responsabilité quand je suis arrivé au sein de la maison.

À l’époque, nous ne savions pas du tout quels ouvrages nous allions publier. Et puis se sont imposés à nous, comme une évidence, ces trois textes majeurs du patrimoine religieux, littéraire, historique et spirituel pour des millions de gens à travers le monde.

Cette collection inédite a-t-elle été pensée et conçue exclusivement pour les non-musulmans et comme une œuvre de vulgarisation des grands textes de l’islam ?

Absolument pas. Nous souhaitons nous adresser en premier lieu aux personnes musulmanes qui vivent en France. C’est très important pour nous, en tant que maison d’édition populaire et légitime par sa position et ses collections sur le terrain de la spiritualité, de proposer des livres dédiés à l’islam.

Jusqu’alors, les personnes musulmanes qui s’interrogeaient sur leur foi, leur identité religieuse, leurs croyances et leur chemin spirituel devaient se tourner vers des maisons d’édition spécialisées. Forts de ce constat, nous avons souhaité donner une nouvelle impulsion qui, je l’espère, trouvera d’abord un écho chez les musulmans qui vivent en France, et ensuite auprès de toutes les personnes qui ne sont pas musulmanes mais curieuses de comprendre.

L’une des grandes difficultés de la publication de ces textes a été de bien choisir les traductions. Nous nous sommes donc tournés vers des traductions canoniques et avons collaboré à cette fin avec un professeur agrégé de langue et de civilisation arabe pour nous aider à identifier les meilleures traductions, en vérifiant leur fidélité et la correspondance avec les textes arabes d’origine.

Pour le Coran, vous avez choisi la traduction de l’orientaliste polonais, Albert Kazimirski (1808-1887). Pour quelles raisons précisément ?

C’est l’une des meilleures traductions disponibles mais aussi l’une des plus accessibles, qui offre au lecteur toute la richesse du texte original, tant dans son contenu que sa langue. Nous publions la dernière version de la traduction de Kazimirski, telle qu’elle a été publiée en 1865, revue et annotée par ses soins.

Cette version a été pour lui le fruit d’un travail de plusieurs décennies. Il a traduit le Coran directement à partir du texte arabe, même s’il reconnaît s’être appuyé sur certaines traductions antérieures qu’il jugeait fiables. Il se trouvait d’autant plus qualifié pour entreprendre un tel travail qu’il était un philologue arabisant hors pair, comme en témoigne son célèbre Dictionnaire arabe-français, qui demeure encore aujourd’hui une référence incontournable.

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Après avoir réalisé une première traduction, publiée en 1840, Kazimirski ne s’en est pas satisfait. Il a tenu à en corriger les fautes et à en améliorer la qualité. Aussi peut-on s’étonner que toutes les éditions de la traduction du Coran par Kazimirski, parues au siècle dernier, aient repris la première version de 1840 plutôt que la dernière, que nous avons choisie de publier.

Sur quels critères avez-vous sélectionné les 50 Hadîths du Prophète Muhammad sur lesquels vous invitez les lecteurs à méditer ?

C’est probablement le texte qui nous a le plus inspirés. Plonger dans la lecture des hadîths a été une expérience très riche en réflexions personnelles pour moi.

La sélection que nous avons souhaité présenter ici est extraite du plus célèbre recueil de hadîths, le Sahîh (littéralement « L’Authentique ») de Boukhârî, traduit de l’arabe par Octave Houdas et William Marçais et publié dans Les Traditions islamiques. Les critères qui nous ont permis de rassembler ces hadîths, dont beaucoup sont méconnus, étaient la spiritualité, l’ouverture du cœur, la profondeur en soi, l’élévation de l’être, la relation à Dieu. Cette sélection se veut une invitation à méditer.

Curieusement, aucun ouvrage dans ce sens n’existe en français. D’une certaine façon, il s’agit vraiment d’un livre inédit qui va, je crois, aider les lecteurs à éclairer leur foi, leur pratique religieuse et leur chemin spirituel à travers les paroles, les faits et les gestes du Prophète Muhammad.

Vous insistez sur le fait que l’expérience de ces œuvres dépasse leur dimension religieuse et spirituelle. Pouvez-vous être plus précis à ce sujet ?

Ces textes appartiennent à l’histoire et au patrimoine de la civilisation humaine, que l’on soit musulman ou non, croyant ou non. C’est en ce sens qu’ils s’adressent à chacun d’entre nous.

À une époque où le vivre ensemble est remis en question chaque jour, comprendre l’autre à travers ses origines, son identité, sa culture ou sa foi me semble faire partie d’un travail profond de conscience de soi et d’acceptation de l’altérité. On ne peut pas véritablement accepter l’autre tant qu’on ne le connaît pas. Ces livres m’apparaissent non seulement comme une main tendue vers les musulmans, mais aussi une marque de respect absolu envers leur foi et leur culture.

Puisque votre cœur de cible prioritaire est le grand public, ces trois ouvrages seront-ils commercialisés dans les grandes surfaces ?

Les Éditions J’ai lu sont incroyablement populaires. Tout le monde a un livre J’ai lu chez soi. Et l’une des grandes forces de J’ai lu, c’est de voir ses livres diffusés absolument partout, de la petite librairie de quartier aux grandes surfaces.

Propos recueillis par la rédaction Oumma

Le Coran, La Sira – Biographie du Prophète Muhammad – et un choix de 50 Hadîths du Prophète Muhammad pour méditer (Editions J’ai lu)

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