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Elections législatives irakiennes

A moins d’une semaine des élections législatives irakiennes, notre correspondant en Irak fait à nouveau le point sur la situation politique et sécuritaire dans ce pays.

Les Irakiens voteront le 30 janvier prochain pour élire les 275 membres de la nouvelle assemblée nationale. Cette dernière sera notamment chargée de rédiger la future constitution permanente de l’Etat irakien. Ces élections constitueront les premières élections libres pour le peuple irakien depuis plus de cinquante ans. Depuis la chute de Saddam Hussein, le 9 avril 2003 et la fin du monopole du parti Baath, les partis politiques divers ont suivi un développement exponentiel accompagnant une liberté d’expression retrouvée. Ainsi plus de 6400 candidats répartis sur une centaine de listes vont s’affronter le 30 janvier 2005. 66 listes sont composées par des partis politiques constitués. 25 autres regroupent des personnalités politiques diverses. Enfin, 9 listes sont des listes de coalition de partis politiques.

Malheureusement, la dégradation de la situation sécuritaire ces derniers mois risque fort de troubler le déroulement de ce processus électoral. La communauté chiite représente 60% de la population irakienne. Malgré cette proportion majoritaire, les représentants chiites ont toujours été privés du pouvoir depuis l’occupation Ottomane jusqu’à la chute du régime de Saddam. Ce pouvoir a toujours été entre les mains des arabes sunnites qui ne représentent que 20% de la population irakienne. Ces derniers voyant le pouvoir leur échapper se sont radicalisés. Des groupes de résistance armée se sont développés avec l’appui d’anciens membres du régime baathiste et des mudjahidins venus combattre les forces d’occupation Américaines. Cette mouvance est farouchement opposée au processus électoral, fruit de la commission électorale mise en place par le gouvernement intérimaire d’Iyad Allaoui avec l’appui de l’administration américaine, l’ennemi déclaré.

Affiche d’incitation au vote

Les candidats aux élections.

La plupart des partis politiques chiites se sont regroupés au sein de la liste de Coalition d’Unité Nationale dirigée par Abdul Aziz Al Hakim. Cette liste a reçu le soutien du grand Ayatollah Ali Sistani, plus haute autorité religieuse chiite du pays. La coalition regroupe le Conseil Supérieur de la Révolution Islamique en Irak de Abdel Aziz Al Hakim et le parti islamique Da’awa du leader Ibrahim Al Jafari mais également le Congrès National Irakien d’Ahmed Chalabi et de nombreux petits partis et personnalités indépendantes issus des deux communautés. Cette liste de coalition d’unité nationale devrait normalement recueillir une part importante des voix chiites, en particulier dans les zones rurales du sud de l’Irak.

Le premier ministre, Iyad Alloui présente une liste d’accord nationale constituée de 233 candidats dont certains membres du gouvernement intérimaire actuel. Cette liste pourrait également recueillir un bon nombre de voix chiites et particulièrement chez les chiites laïques.

Les deux factions kurdes majoritaires, le PDK de Massoud Barzani et l’UPK de Jalal Talabani ont constitué une liste commune de 165 candidats. Massoud Barzani ne se présente pas aux élections législatives irakiennes. Il est par contre candidat aux élections du parlement autonome du Kurdistan. Jalal Talabani a donc pris la tête de la liste commune Kurde. Celle-ci peut espérer obtenir la quasi totalité des voix des 4 à 5 millions d’électeurs Kurdes sur les 15 millions d’électeurs irakiens. Le future parlement irakien devrait donc être très majoritairement Chiite et Kurde.

Un certain nombre de candidats sunnites se présentent aux élections du 30 janvier malgré l’appel au boycott des autorités religieuses et le retrait des principaux partis politiques représentant la communauté sunnite. Les principaux candidats sunnites sont donc Adnan Al Pachachi de l’Assemblée des Démocrates Indépendants, Ghazi Al Yawar, l’actuel président irakien à la tête de la liste Irakiens, Nasir Kamil al-Jadurji du Parti National Democrate et Sharif Ali bin Al-Hussein a la tête du mouvement pour la Monarchie Constitutionnelle en Irak.

Affiche de propagande Iyad Allaoui

Le boycott des élections.

Le leader chiite Moqtada Al Sadr a annoncé très clairement sa position. Il ne participera pas en tant que candidat au processus électoral et il ne votera pas non plus le 30 janvier prochain, car il ne croit pas à ces élections organisées sous l’occupation des troupes américaines. Cependant, il n’appelle pas au boycott du processus électoral et ses partisans sont libres de voter pour la liste de leur choix. Ils sont également libres de se présenter sur une liste électorale en tant que candidat indépendant sans faire valoir leur appartenance au mouvement de Moqtada Al Sadr.

Le Parti Islamique Irakien, dirigé par Mushin Abd Al Hamid présentait initialement une liste de 275 candidats. Ce parti sunnite s’est pourtant retiré du processus électoral fin décembre. Ses représentants ont demandé sans succès un report de 6 mois des élections législatives pour tenter d’améliorer la situation sécuritaire du pays et laisser plus de temps aux différents partis pour se préparer à ce scrutin. Les positions du Parti Islamique Irakien n’ont jamais été très claires pour ses détracteurs comme pour ses partisans. Le parti islamique a perdu beaucoup de crédibilité en changeant plusieurs fois d’avis sur des sujets sensibles comme les violences commises par la résistance ou le retrait des troupes d’occupation.

Le Comité des Oulémas Musulmans est un organisme religieux sunnite créé après la chute du régime de Saddam Hussein en 2003 qui gère environ 3000 mosquées en Irak. Le comité des Oulémas Musulmans a appelé la communauté sunnite à boycotter les élections législatives du 30 janvier prochain. Le cheikh Hareth Al Dari, à la tête de cet organisme a récemment reçu des diplomates de l’ambassade des Etats Unis en Irak. Ces derniers souhaitaient convaincre les représentants du Comité des Oulémas de revenir sur leur décision. Le Cheikh Hareth Al Dari a posé plusieurs conditions à ce sujet. Il a notamment demandé un calendrier de retrait des troupes d’occupation. Les autorités américaines ont alors refusé de s’engager sur le retrait de leurs troupes du territoire irakien anéantissant ainsi les espoirs de participation de la communauté sunnite au scrutin du 30 janvier.

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Campagne d’affichage

La campagne électorale

La campagne électorale a officiellement débuté le 20 décembre 2004 avec la clôture du dépôt des listes électorales. Mais cette campagne est quasiment inexistante en raison des menaces pesant sur les candidats. Les noms de ces derniers ne sont pas encore tous connus et ne seront peut être dévoilés qu’à l’issue du scrutin. Aucun parti politique n’a osé organiser de meeting électoral à l’exception du parti communiste au cours des premiers jours de la campagne. La commission électorale est réfugiée derrière les murs en béton de la « zone verte » qui regroupe toute les administrations du gouvernement intérimaire. Un certain nombre de membres de cette commission ont en effet payé de leur vie leur engagement pour l’organisation du processus démocratique. L’emplacement des bureaux de vote ne sera dévoilé qu’au tout dernier moment pour éviter leur destruction par les terroristes. Les citoyens irakiens sont d’une manière générale, très mal informés des modalités et des principes généraux du scrutin.

La campagne d’affichage semble cependant prendre de l’ampleur ces derniers jours. Il faut souligner que ces affiches sont généralement visibles dans les quartiers paisibles de Bagdad ou dans les secteurs chiites, favorables aux élections.

La participation.

Le taux de participation représente la plus grande inconnue des élections législatives du 30 janvier. Les plus hautes autorités religieuses sunnites ont en effet appelé au boycott. La plupart des partis sunnites se sont également retirés du processus électoral à l’image du Parti Islamique. La résistance armée particulièrement active dans les provinces de l’Anbar, Dyala, Ninive et Salaheddin va interdire le déroulement normal du scrutin dans ces provinces qui sont majoritairement sunnites. Le taux d’abstention au sein de cette communauté sera donc probablement très important.

La communauté chiite consciente de l’opportunité qui se présente à elle devrait par contre voter en masse si les conditions de sécurité le permettent. La plus haute autorité religieuse chiite du pays, le grand Ayatollah Ali Sistani a en effet appelé la communauté à participer massivement. Moqtada Al Sadr n’a quant à lui pas donné de consignes précises concernant le scrutin. Ses partisans sont donc libres de voter ou de s’abstenir. La plupart d’entre eux vont probablement choisir la deuxième solution car ils rejettent ce processus électoral organisé avec le soutien des troupes d’occupation américaines qu’ils ont combattu l’été dernier.

Les kurdes, farouches défenseurs d’un état fédéral irakien vont également participer massivement au scrutin du 30 janvier prochain. Ils sont favorables à la création d’une fédération Kurde qui constituerait pour eux un premier pas vers l’indépendance.

Risque de guerre civile.

Les électeurs de la communauté arabe sunnite ne participeront pas aux élections législatives du 30 janvier prochain. Certains d’entre eux sont en effet opposés au processus électoral parce que celui-ci est organisé sous l’autorité des troupes d’occupation américaines. D’autres, ne pourront pas voter car la situation sécuritaire dans les zones majoritairement sunnites ne le permet tout simplement pas. D’un autre côté, la participation des communautés chiite et kurdes devrait être massive. Or la communauté chiite représente 60% de la population irakienne. Si les élections législatives du 30 janvier ne sont pas l’objet de manipulations étrangères, le futur parlement irakien sera très majoritairement chiite et kurde. Cette absence de représentation politique d’une partie de la population irakienne qui possédait jusque là le pouvoir sera à l’origine d’un ressentiment accentué. La communauté sunnite évoluera alors vers une radicalisation déjà bien avancée.

Les attentats à l’encontre de la communauté chiite sont de plus en plus fréquents. Ainsi, le vendredi 21 janvier, un kamikaze a fait exploser son véhicule devant une mosquée chiite à l’heure de la prière, tuant 13 personnes et en blessant une quarantaine. Cette attaque survient une semaine après l’assassinat à Salman Pack du cheikh Mahmoud Al Madahaini, un des représentants d’Ali Sistani.

Les leaders religieux de cette communauté ont appelé au calme pour ne pas compromettre le processus électoral et une victoire politique tant attendue. Mais la patience des plus jeunes a des limites, et il existe bel et bien une ligne rouge qui ne devra pas être franchie. Les observateurs redoutent désormais une spirale de la violence dont l’issue probable serait une guerre civile entre les deux principales communautés irakiennes.

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