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École et religion

Le N° 36 de la Revue Internationale d’Education de l’Institut de Sèvres, dont le directeur M. Albert Prévos fut attaché culturel à l’ambassade de France au Caire, a publié un dossier consacré à l’enseignement du fait religieux dans les établissements scolaires de 14 pays, 8 européens, 4 du Proche Orient, 1 du Maghreb et des Etats Unis. A part la France, les treize autres Etats dispensent un enseignement des religions qui peut être imposé, ou jumelé avec des cours de morale civique. L’étude, cas par cas, des motivations des gouvernements,pour introduire dans les programmes scolaires des établissements publics deux heures hebdomadaires consacrées à la connaissance du religieux, et qui s’accompagne de la prise en charge par l’Etat des salaires des enseignants, parfois non fonctionnaires, doit nécessairement faire réfléchir ceux qui préconisent, en France, un jusqu’auboutisme laïciste, à la manière d’Astérix, dans le respect sacralisé de la séparation de la religion et de l’école. Dans un pays qui vient de loin comme la Russie, où le volume horaire consacré aux cours d’athéisme a été donné, en 1992, aux deux nouvelles matières intitulées « histoire religieuse » et « théologie », une enquête a révélé que 80 % des élèves se déclaraient « croyants ». Un concours pour l’élaboration d’un manuel consacré aux « Religions de Russie » a été institué en 2003. D’ores et déjà les élèves juifs sont dotés de manuels importés d’Israël.

La Belgique, Etat « neutre » en matière religieuse, finance six cultes. En Allemagne fédérale, l’article 7 de la Loi Fondamentale (1999) stipule que « l’instruction religieuse est une matière d’enseignement régulier ». L’Angleterre subventionne les écoles privées confessionnelles et propose aux établissements un manuel décrivant six religions (christianisme, judaïsme, islam, hindouisme, bouddhisme, sikkhisme).

La Turquie, qui fut un modèle laïque pour les pays musulmans, rétablit les écoles confessionnelles (« imam khatib ») en 1945, imposa dans les lycées, en 1967 le cours des « connaissances religieuses », et inscrivit dans la Constitution, en 1982, le caractère obligatoire des cours de religion. Les manuels scolaires de cette matière distinguent les « croyants » des « infidèles » ou des « pécheurs » (sic) et cet enseignement strictement sunnite est refusé par les Alevis, qui représentent 20 % de la population. En Egypte, l’article 2 de la Constitution de 1971, implique que « l’islam est la religion de l’Etat ». Les parents ne peuvent ni dispenser les enfants de l’enseignement religieux, ni choisir leur religion. Au Maroc, la réislamisation prônée par le roi Hassan II, dès 1970, avait pour but de lutter contre l’idéologie de gauche et l’occidentalisation. Les manuels y sont plus idéologiques que cognitifs, et les attentats de 2003 ont conduit les autorités à les réexaminer et à mieux contrôler l’enseignement de cette matière.

Au Liban, comme le souligne le Pr Antoine Messara, l’enseignement religieux a été introduit dans les écoles publiques de 1968 à 1997. En 1995 le Centre National libanais de documentation pédagogique a multiplié ses efforts pour réunir les pédagogues chrétiens et musulmans afin de les convaincre de rédiger un livre commun « des religions du Liban » Jusqu’à maintenant, il n’y a pas eu de résultat concret. Et le Pr Messara le regrette dans ces termes : « Ce n’est pas en entretenant l’ignorance en matière de religion qu’on arrive à développer les aptitudes au discernement et à la pacification des relations ».

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C’est sans doute pourquoi, les programmes des Instituts Universitaires de Formation des Maîtres ont introduit, en France, en 2002, des cours d’histoire du fait religieux, couplés à des cours de philosophie de la laïcité (30 heures sur 450 pour les futurs professeurs des écoles et 70 heures sur 216 pour les futurs professeurs du secondaire). Les auteurs relèvent le taux d’inculture religieux entre autres chez les journalistes, et exigent une réforme des cours de littérature, la discipline des lettres ayant été victime trop longtemps de la « rigidification d’ordre techniciste » (sic). Les professeurs de lettres et les parents qui nous lisent devraient en être ravis.

Cette prise de conscience d’un enseignement du fait religieux se généralise, et les courants du dialogue islamo-chrétien n’y sont pas étrangers.

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