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Deux attentats suicides à Alger

Les tragiques rappels

Attentats sanglants dans la capitale, flambée des prix de produits de large consommation, mécontentement et émeutes de citoyens à travers le pays pendant que les politiques appellent à un troisième mandat pour le président de la République.

« Malgré le déploiement des forces de police, on ne peut prévoir des explosions de bombes ou de Kamikazes, ce sont les actions les plus simples à mener. On n’est pas à l’abri de ce genre d’actions et d’attentats, c’est pour cela que j’appelle les citoyens à être vigilants ». C’est le verdict qui est tombé hier de la bouche du ministre d’Etat, ministre de l’Intérieur et des collectivités locales. Noureddine Yazid Zerhouni n’a pas tout à fait tort parce qu’aucun Etat ne peut prévenir des actes terroristes en particulier s’il s’agit de kamikazes.

Sauf que pour le cas de l’Algérie, l’on ne peut se permettre de soutenir que ces attentats ont été perpétrés alors que le pays se porte bien. Sans trop réfléchir, à simple vue d’oeil, l’on pourrait trouver mille et une causes qui auraient poussé des kamikazes à se faire exploser devant le siège des Nations Unies et d’autres devant celui du Conseil constitutionnel qui fait face à la Cour suprême. Il n’est nullement question de justifier de tels actes, mais il devient vital pour les décideurs de ce pays d’en tirer des leçons, seraient-elle d’ordre primaire.

Ce qui se passe aujourd’hui en Algérie n’a peut-être rien à voir avec ce qui s’y est passé pendant plus d’une dizaine d’années, mais ressemble à plus d’un titre aux attentats qui ont ébranlé il y a huit mois, le Palais du gouvernement et la Division judiciaire de Bab-Ezzouar, ou ce qui est appelé le bureau d’Interpol. Pour la différence, durant les années 90, bien que soutenu par les bases arrières implantées en Europe et aux Etats-Unis, le terrorisme était bien de chez nous, de la tête pensante aux égorgeurs.

EL-QAÏDA, LE GSPC OU LE TERRORISME « INTERNATIONALISTE »

Aujourd’hui, il est inscrit dans une logique internationaliste puisqu’il a déclaré qu’il agissait désormais sous la bannière d’El-Quaïda. Le GSPC, lui, avait bien annoncé son allégeance depuis quelque temps. Ce qui signifie qu’il est actionné de l’extérieur pour atteindre des objectifs géostratégiques bien pensés. El-Qaïda a d’ailleurs, revendiqué les attentats d’hier à peine quelques heures après qu’ils aient été commis. Depuis que l’Amérique de Bush a décidé de régenter le monde musulman et arabe, en l’inscrivant sur ses tablettes sous l’intitulé « le Grand Moyen-Orient » ou « le Moyen-Orient élargi », El-Qaïda a, elle, déployé ses moyens de frappe dans le Maghreb pour se positionner en force de négociation face aux Américains, avec comme visées, pour les deux, d’accaparer des territoires et de s’assurer et préserver des intérêts.

Il n’est pas interdit de trouver quand même curieux que les groupes terroristes locaux puissent avoir des capacités et des moyens aussi lourds pour perpétrer des actes aussi spectaculaires, ciblant des institutions d’une importance prestigieuse pour l’Etat tel que le Conseil constitutionnel ou le siège des Nations Unies. Les deux attentats d’hier, faut-il le préciser, ont frappé deux quartiers — Hydra et Benaknoun – abritant des casernes des services de sécurité, le premier étant en plus le quartier résidentiel de nombreux « apparatchiks » des clans au pouvoir.

L’autre facette des faits – et c’est là où la leçon doit être tirée – est que les commanditaires « internationalistes » programment leurs crimes en référence à une situation donnée du pays qu’il cible. Sachant pertinemment que les choses ont atteint en Algérie, un seuil de dégradation intolérant, il est très aisé pour les réseaux terroristes de recruter sur place des « candidats » prêts à se faire exploser.

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QUAND LE POLITIQUE FAIT DANS L’INDECENCE

Il est des temps comme ceux actuels qui sont difficiles à vivre pour l’Algérien moyen et même au-delà, à telle enseigne que même des adolescents craquent au chant des sirènes pour devenir kamikazes ou harraga. N’est-ce pas le chef de l’Etat en personne qui, au début de son premier mandat, avait dit qu’a force de la persistance des problèmes dans le pays, lui-même aurait pris les armes et monté au maquis ? Bien que la phrase ait choqué les populations non prêtes à oublier les années de sang, il est permis aujourd’hui de penser que les attentats qui persistent sont des effets aux multiples causes. Un retour sur des faits récents s’impose.

Aujourd’hui, les temps sont durs pour les citoyens dont le pouvoir d’achat s’est effroyablement effréné. Les prix des produits de large consommation connaissent ces jours-ci des envolées de plus de 45 %, des émeutes émaillent le quotidien de nombreuses villes du pays, des quartiers entiers ont été inondés et leurs routes défoncées dès les premières gouttes de pluie. Construit à Aïn Benian en 2002, « le pont qui s’est écroulé était provisoire », a déclaré sans gêne, le Chef du gouvernement à la presse lors des dernières inondations qui ont endeuillé le pays.

Le ministre de l’Intérieur a dit hier plus inquiétant : « On n’excluait pas ce genre d’attentats, tout dépend de notre degré de vigilance et de mobilisation », a-t-il souligné face au désastre causé par les deux véhicules supposés kamikazes. Lors de la conférence de presse qu’il a animée en fin d’après-midi d’hier au Centre international de presse (CIP), il a confirmé le manque de vigilance et de mobilisation « que le pays peut connaître en ces périodes d’après-élections et les terroristes ont dû considéré que c’est le moment de perpétrer leurs actes ». Zerhouni a rendu hier hommage aux « enfants blessés dans les hôpitaux qui parlent comme les grands, conscients de la situation du pays ».

Il doit savoir que ces mêmes enfants ont vu des enfants comme eux, quitter le pays pour des cieux cléments. Autre déception, les décideurs devraient s’interdire de se donner bonne conscience en vantant les bienfaits de la charte pour la paix et la réconciliation nationale quand de nombreuses familles réclament toujours justice pour leurs enfants enlevés, à un Etat qui a pris la décision de les ignorer.

Il ne faut pas perdre de vue que c’est au Conseil constitutionnel que revient la prérogative de confirmer les résultats des élections locales du 29 novembre dernier. Il est donc temps de préparer les collectivités locales à travers leurs nouvelles assemblées, à s’investir dans un travail de proximité à même de freiner l’ampleur des problèmes sociaux.

C’est à ce prix que la vigilance et la mobilisation des citoyens pourraient être acquise. Autrement, instrumentaliser des organisations et associations pour appeler à un troisième mandat pour le président de la République relèverait de l’indécence.

Ghania Oukazi

Source : Le Quotidien d’Oran

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