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Des valeurs universelles et du voile… (partie 2 et fin)

d) La Voie

D’une manière plus positive, le Coran nous parle de la véritable liberté humaine en faisant appel à des images comme celle de la voie.

– Dieu montre à l’homme deux voies (an-najdayni)1, celle du bien et du mal. Il s’agit de la liberté de choix.

– Le dictionnaire franco-arabe traduit la liberté de choix par « khayâr » étymologiquement à partir du meilleur (khiyâr). Dieu propose à l’homme la voie droite (sirata al-mustaqîma), la meilleure mais il a le choix.

– La foi est un don de Dieu que l’homme accepte librement. C’est bien l’homme libre qui a reçu de Dieu les moyens d’accomplir ses fins (sabab)2 Nous lisons ces deux versets dans la sourate Al-Kahf (La caverne) :

« Vraiment, Nous avons affermi sa puissance sur la terre et Nous lui avons donné une voie libre pour toutes choses. »

« Inna makkannâ lahu fî al-ârDi wâ ’âtaynâhu min kulli shay-in sababân »

sababân : un moyen efficace d’accomplir, d’où une voie libre.

Le verset suivant :

« Il suivit donc une telle voie »

« Faatba’a sababân »

Il s’agit de la voie de la liberté, liée certes à la responsabilité. Nous pouvons conclure par cette réflexion venue de Dieu dans la sourate préhégirienne Yûnus3 :

« Qui choisit de suivre la voie droite le fait pour son propre bien ; et quiconque choisit de dévier le fait aussi pour soi. »

Tel a été le résultat d’une première recherche subjective : la vraie liberté vient de Dieu qui invite l’homme à se libérer, c’est à dire à choisir le meilleur, la voie droite. Il lui a offert des moyens efficaces.

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TEMOIGNAGES ET REFLEXIONS

La demande féminine de porter ou non le voile est celle de lectrices du Coran. Nous verrons sans peine qu’elles font usage de ces références. La question de la relation entre la liberté et le voile (littéralement hijab et jallaba) restant posée. Revenons à celles qui décident de le porter au nom de la liberté :

Premier témoignage :

Un dialogue avec Hayyat, jeune femme française d’origine marocaine m’a appris que « son voile est simplement un signe d’adoration de Dieu  ». Elle revendique ainsi la liberté d’adorer Dieu en public et de Le reconnaître comme son seul maître. Un jeune imam m’a expliqué que ce ne sont pas les hommes qui les ont décidées à porter le voile, qu’elles sont des femmes libres. Pour Hayyat et le jeune imam, sans conteste, c’est Dieu qui délivre y compris l’homme « libre »4

Deuxième témoignage :

Le récit que fait Dounia Bouzar5 d’une jeune fille qui s’est voilée pour obtenir le respect de son père et de son frère nous émeut. C’est un autre témoignage. Elle a dit : « à la grâce de Dieu » ( inshallah ). Sa vie était alors devenue vivable dans sa famille et dans sa cité. Elle priait Dieu, préférant en Son nom la paix à la guerre. Un morceau d’étoffe avait été pour elle un moyen de réduire sa souffrance même si le véritable moteur de sa réussite était différent. Elle comptait davantage sur la poursuite de ses études que sur le voile pour évoluer. Elle exprimait clairement l’idée que « Dieu nous donne une voie libre pour toutes choses6 »

Troisième témoignage :

Au Bourget, j’ai rencontré des jeunes filles militantes à l’UOIF. Elles portent le foulard d’une manière plus canonique afin que leur foi musulmane soit reconnue tout comme leur communauté. Elles se souviennent de la vie du Prophète : pour épouser une esclave, il l’avait d’abord libérée. Deux êtres humains également libres s’étaient unis. C’est dans la communauté qui conserve cette tradition qu’elles désirent se marier : un mariage lié à la liberté. Elles veulent qu’y soient respectés leurs droits d’épouses musulmanes. Il ne peut avoir lieu qu’avec leur consentement. Ce régime matrimonial dépend d’un contrat dans lequel elles peuvent demander, devant notaire, à être l’unique conjointe de leur époux. Hayyat, l’ amie franco-marocaine du premier témoignage m’avait déjà parlé de ce contrat7 et en 1976, Mohammed Hamidullah l’a évoqué devant mes élèves de terminales. Le non respect de cette clause justifiant un divorce le cas échéant. Leur mari doit assurer l’entretien de la famille et des enfants qui peuvent naître de cette union. Leur voile représente réciproquement la promesse qu’elles feront leurs devoirs d’épouse musulmane. Un contrat légal est alors la source de leur libération. Il pourrait bien revendiquer en outre l’égalité.

Nous avons relié sans problème les 2 premiers témoignages au Coran. Le troisième est plus complexe. Le devoir de témoigner est certes religieux et musulman. Le contrat en faveur de la monogamie est possible à partir d’un texte du Coran 8 mais ce n’est guère un produit de la Tradition. C’est une revendication réformiste et elle est en France et dans les pays européens protégée par la loi. Les musulmanes d’Afrique et d’Orient vivent autre chose : le nombre de femmes épousées reste un signe de puissance dans des sociétés où certaines sont recluses et voilées pour nous. La télévision nous a montré que leur réclusion dans le désert s’accompagne pour quelques privilégiées de séjours en Europe où elles font des études et conduisent elles-même leur voiture9. Leur plus grande liberté n’est qu’exceptionnelle. Toutes les femmes n’en bénéficient pas.

Ces témoignages manifestent la complexité de la relation entre le voile et la liberté. Elle est chaque fois revendiquée, que ce soit pour adorer Dieu, pour réduire la souffrance, pour trouver un époux et vivre en sa compagnie. La source de leur libération est pourtant sans commune mesure avec un voile (jallabab) ou même un foulard (hijab en arabe moderne) : une décision volontaire préside au port d’un vêtement dans le premier cas ; une soumission efficace justifie le second. Houria a elle-même précisé que son désir de réussir passait davantage par la poursuite de ses études que par le voile ; quant au troisième, la volonté de témoigner d’un Islam moderne est forte. Un contrat légal qui libère les plus faibles en est un élément moteur : ces sources véritables sont à découvrir derrière le voile10. Ce sont elles qui animent celles qui portent le voile librement. Sont-elles à l’écoute de Dieu qui nous propose une vie plus facile (sahl) ?

D’autres libres également refusent de le porter au nom cette fois de l’égalité. Nous étudierons dans un prochain article, cette autre valeur universelle toujours au service de la Vie.

Notes

1 90,10 : sourate Al-Balad (La cité). Cette sourate fait partie de l’ « amma », des sourates les plus souvent récitées dans la liturgie musulmane.
2
18,84-85 : sourate Al-Kahf (La caverne)
3
10,108 Yûnus (Jonas)
4
cf. ci-joint La liberté I Références : premier paragraphe.
5
L’une voilée, l’autre pas (éd.Albin Michel 03) par Dounia Bouzar.
6
18,84-85 : sourate Al-Kahf (La caverne)
7
cf. Mohammed Hamidullah Initiation à l’Islam (1968)
8
(Q 4,3). Sourate An-Nisa’ : Les femmes
9
Emission FR3 sur L’Arabie saoudite février 03
10
Dounia Bouzar. L’une voilée, l’autre pas (éd.Albin Michel 03)

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