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Des valeurs universelles et du voile… (Partie 1)

Qu’une femme chrétienne et française lise le Coran en arabe, ça paraît « extravagant ». L’émerveillement éprouvé très subjectivement m’a pourtant conduite à en faire part à mes frères dans la foi.

Je suis une femme libre et je n’ai pas peur de la censure, demandant simplement à Dieu que Satan n’intervienne pas dans la traduction des versets que j’ai cités avec l’aide d’Oumma1. Ma connaissance de la langue arabe est récente (4 ans), je me sens seulement l’égale des jeunes filles qui ont commencé à la même époque alors même que je suis une femme d’âge mûr et qu’elles parlent cette langue à la maison et moi non !

L’anthropologie religieuse que je pratique depuis déjà 10 ans demande de plus une telle démarche. Elle relie un travail linguistique, historique et philosophique : 3 disciplines utiles pour répondre à la question des valeurs universelles et du voile.

Nous verrons donc si vous le souhaitez en 2 parties :

1/ des références découvertes dans le Coran et la Sunna à 3 valeurs dites républicaines : la liberté, l’égalité et la fraternité.

2/ quelques réflexions appliquées à un domaine contemporain : le port du voile, informées par des témoignages obtenus par plusieurs voies disponibles en Ile de France : dialogues, livres, ordinateur, télévision… chacune demandant de revenir au Coran.

 

La Liberté (Al-Hurriya)

 

Dans l’ hexagone régi par une constitution laïque, c’est au nom de la liberté que des femmes musulmanes se voilent. Il convenait donc de rechercher le sens de cette valeur dans le Livre sacré des musulmans :

 

I. C’est Dieu qui libère y compris l’homme « libre »

 

Il ne suffit pas de dire que l’homme « libre » est libre parce que Dieu le veut. La liberté comme valeur à acquérir demande plus d’effort. Il y a plusieurs formes de liberté. Dans la seconde sourate, au verset 178, certaines sont présentées : l’homme libre (al-hurru) est différent de l’esclave (al-’abdu) et de la femme (al-unthâ’). Il se sent supérieur dans la société. Sa liberté est une valeur mais elle reste ici relative.

Dans ce verset, Dieu allège (takhfif), c’est à dire rend plus facile, l’application d’une loi juste. Il s’agit de la loi du Talion : une vie pour une vie si difficile à appliquer avec justice ! Dieu sait que l’homme est capable de pardonner même si certains disent le contraire. C’est alors cette capacité qui rend compte de sa liberté. Celui qui pardonne se libère ainsi pour soi-même de son ressentiment. Il est de plus l’instrument de la libération du criminel. Celui qui est pardonné (’ufiâ) est libéré mais il doit réparer les dommages (réparables). Sa libération est conditionnelle.

La liberté ne vise pas qu’à pardonner mais L’allègement divin à cette occasion nous fait découvrir la liberté comme une valeur universelle, c’est à dire valable pour tous les hommes qu’ils soient des hommes libres, des esclaves ou des femmes. Nous voyons que Dieu libère y compris les hommes dits libres.

« c’est un allègement de la part de Votre Seigneur et une Miséricorde. »

« takhfîfun min rabbikum wa raHmatun » 2 :

Il dépend de Sa Miséricorde, on peut dire de Son Amour. Il y a donc plusieurs formes de liberté qu’il faut distinguer de celle qui est universelle.

 

II. Réflexion sur les valeurs universelles :

 

Les valeurs universelles ne se contredisent pas. La liberté ne s’oppose ni à l’égalité ni à la fraternité. Les termes que nous venons de citer en rendent compte littéralement : L’allègement, « takhfif » exprime la liberté voulue par Dieu au service de la vie.

L’expression de la loi du talion : un homme libre pour un homme libre, un esclave pour un esclave, une femme pour une femme (« al-hurru bi al-hurri wâ al’abdu bi al ’abdi wâ al-ûnthâ bi al-ûnthâ »3 ) est égalitaire même si elle reste relative. (cf. article suivant sur l’égalité)

Celui qui est pardonné est un frère : « min âkhyhi ». Nous lisons :

Mais celui que son frère aura pardonné pour quelque chose

« …faman ’ufiâlahu min Akhiyhi shaâ’un… »

Trois expressions qui relient d’une manière étonnante les 3 valeurs introduites : un frère est libre de pardonner à un frère, son égal. Dieu donne Son autorisation en toute justice. La liberté, l’égalité et la fraternité fonctionnent ensemble dans le Coran.

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III. Continuons notre lecture.

Chacun sait que l’étymologie est trompeuse ! Nous ne saurions nous en tenir à une seule racine à propos d’une des valeurs étudiées. Au sujet de la liberté, la lecture du Coran nous fait découvrir d’autres termes précieux. Le texte nous parle parfois de la liberté définie à cette occasion par contradiction. Une thèse de doctorat du début du siècle nous a parlé de la réclusion, antonyme de la liberté, celle de femmes musulmanes. Il se fonde sur le texte sacré. Nous nous demanderons s’il ne s’est pas trompé. Le Coran présente de plus des images comme celle de la voie pour nous rendre sensible la liberté de tout homme.

 

a) La permission est libératrice

 

Un autre terme attesté pour la liberté est la permission (Halâl). Dieu met alors en cause son antonyme : l’interdit (Haram). Certains pourraient bien réduire notre liberté :

Dans la sourate Al-A’râf, Dieu demande au Prophète d’interroger les croyants : Qui a interdit la parure (la beauté) que Dieu a produite pour Ses serviteurs … ? :

« kul mîn Harrama ziynahi allahi…4 »

Dans la sourate La Lumière, Dieu donne un conseil aux croyantes, il est assorti de permissions. Elles rendent le voile inutile dans la « famille ». Nous venons de noter que Dieu n’interdit pas la parure (zîna), différente du péché (zinâ). Il dit au Prophète : 5

« …qu’elles ne montrent leurs atours (leur parure) qu’à leurs maris, ou à leurs pères, ou aux pères de leurs maris, ou à leurs fils, ou aux fils de leurs maris, ou à leurs frères, ou aux fils de leurs frères, ou aux fils de leurs soeurs, ou aux femmes musulmanes, ou aux esclaves qu’elles possèdent, ou aux domestiques mâles impuissants, ou aux garçons impubères qui ignorent tout des parties cachées des femmes…. »

Il s’agit d’une permission relative mais fondée sur une exigence universelle : femmes et hommes ainsi libérés conservent l’obligation de chasteté (yaHfaDû’ furûjahum (wa) yaHfaDna furûjahunna)6 que le début de ce verset énonce. Il reste à tous les êtres humains à maîtriser leurs pulsions sexuelles même si c’est plus facile en famille ou en famille « élargie ». La liberté n’exprime pas le laxisme. Ne pouvons-nous ajouter que la chasteté libère ?

 

b) La liberté est aussi présentée par contradiction

Le Coran et le Hadîth nous parlent de la liberté véritable en l’opposant à des aliénations multiples.

  • il invite à libérer les captifs7 en toute équité.
  • à libérer les esclaves : celui qui libère un esclave sera pardonné par Dieu.

Dans son sermon d’Adieu, le Prophète dit aux croyants que les femmes sont comme des « prisonnières »8 et qu’ils doivent bien les traiter.

Les captifs, les esclaves et les prisonnières aspirent à la liberté. Le Coran propose des moyens de les libérer.

c) La réclusion (autre contradiction).

On parle cependant de la réclusion de la femme en Islam et la réclusion s’oppose à son tour à la liberté. Dans une thèse sur la condition de la femme en Islam, Mansour Fahmy, un égyptien musulman nous parle de la doctrine de la réclusion 9. J’étais étonnée et je me suis interrogée sur ses fondements :

Il explique qu’ « Umar, l’un des amis du Prophète avait conseillé à celui-ci de séquestrer ses femmes ». Il donne en note la référence en arabe d’après Bukhari, rapporteur de hadiths authentiques :

Pour le verbe séquestrer, nous lisons « Hajaba » : ce verbe signifie seulement dérober au regard, mettre un rideau. Mansour ajoute qu’une révélation coranique date de la même période. Elle se trouve dans la sourate Les coalisés  10 :

« Quand vous demandez à ses épouses (celles du Prophète) quelque chose, adressez-vous à elles derrière un rideau (hijab). C’est plus décent pour vos cœurs et pour les leurs… »

Nous savons que le Prophète recevait dans sa maison des hommes plus ou moins sincères…mais hijab a ici le sens de rideau, différent d’un vêtement11. Il n’empêche pas la communication. Nous lisons que des invités peuvent leur demander quelque chose. Il n’est donc pas question non plus de réclusion au sens d’emprisonnement ! Cette « doctrine » m’est apparue un peu lourde et surtout sans fondement dans le Coran.

Mansour note pourtant dans son paragraphe intitulé histoire sociale du voile que l’Egypte a connu la réclusion des femmes. « En l’an 9 de l’Hégire, le sultan a promulgué l’interdiction de sortir pour toutes les femmes, sous quelque prétexte que ce fût, sauf pour les laveuses des femmes mortes. On était alors bien loin conclut-il de la liberté que Mahomet laissait aux femmes de faire la prière dans la mosquée laissant voir leur visage et leurs mains. »

Dès le début du 20ème siècle, la liberté de la femme musulmane était en question. Les réformistes musulmans voulaient revenir au Texte sacré.

 

 

 

Notes :

1 La translittération du Coran proposée sur le site Oumma.com a été pour moi un véritable moteur de recherche. Soyez remerciés !
2 2,178 : sourate Al-Baqarah
3 2,178 : sourate Al-Baqarah
4 7,32 sourate Al-A’râf (Le discernement)
5 24,31 : sourate An-Nür (La lumière)
6 24,30-31 : sourate An-Nûr (La lumière)
7 90,12-13 : sourate Al-Balad (La Cité)
8 Sermon d’Adieu du Prophète : traduction Mohammed Hamidullah in Le Prophète de l’Islam (édit. AEIF)
9 Thèse de sociologie prononcée à la Sorbonne en 1914 devant M. Levy Brühl
10 33, 53 : sourate Al-Ahzâb (Les coalisés)
11 cf. traduction de ce verset par Mohammed Hamidullah (1970)

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