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De l’accusation d’antisémitisme comme arme de dissuasion

I) Gilad Shalit, Arno Klarsfeld…..De la confusion des genres

Le mutisme est complet sur ce point, refoulé au tréfonds du subconscient national, un point noir de la conscience, telle une consigne implicite, comme la marque d’une connivence entre la classe politique française et la communauté journalistique.

Le sujet fâche, car il fait tache. Au risque de s’exposer à l’accusation d’antisémitisme, il importe toutefois d’assumer le risque de troubler la bonne conscience léthargique occidentale pour la placer face à ses responsabilités, tant il est vrai que la solidarité avec Israël, pour légitime qu’elle puisse être pour de larges secteurs de l’opinion occidentale, ne saurait occulter le débat de fond que cette question pose tant au niveau du droit que de la morale.

Cette question revêt d’autant plus d’actualité que la chorale de l’armée israélienne a organisé, fin décembre 2006, en France, une tournée de collecte de solidarité en compagnie de la famille du caporal Shalit, sans la moindre objection des pouvoirs publics ou de la presse, sans la moindre attention pour les dix mille prisonniers palestiniens et arabes détenus, parfois sans jugement, par les autorités d’occupation israéliennes.

Un citoyen français engagé volontaire dans une armée étrangère en opération de guerre contre un peuple ami, sans mandat explicite du gouvernement français, peut-il se prévaloir de la nationalité française ?

Autrement dit, Gilad Shalit, le caporal de l’armée israélienne capturé le 25 juin 2006 par les Palestiniens, peut-il se prévaloir de la nationalité française et réclamer ès-qualité l’intervention diplomatique du gouvernement français. Son engagement dans l’armée israélienne, sans mandat gouvernemental français, entraîne-t-il, sinon la déchéance de sa nationalité, à tout le moins la caducité de son droit à invoquer la protection de la nationalité française ?

Mutatis Mutandis, un Français de confession musulmane qui choisit d’effectuer son service militaire au Soudan en guerre contre le Tchad, ou un arabe chrétien de nationalité française qui sert dans les rangs de l’armée ivoirienne, continueraient-ils de bénéficier, eux, de la protection de la nationalité française dans l’hypothèse de leur capture où pèserait sur eux immanquablement la suspicion ?

Le cas de Gilad Shalit ne constitue pas un cas isolé. Ainsi un bi-national franco-allemand qui choisit de servir le drapeau d’un pays tiers par affinité religieuse, en exerçant non une option de nationalité mais une requête en naturalisation, a-t-il vocation à assumer des fonctions de conseiller ministériel dans son pays d’origine ?

Son statut de réserviste d’une armée en guerre contre un pays ami de la France, à tout moment réquisitionnable, lui confère-t-il la quiétude suffisante dans la gestion d’un sujet aussi épineux que celui des “sans papiers”. Cette situation juridiquement sinon exorbitante du moins insolite, ne le place-t-elle pas en porte-à-faux dans sa fonction, en cas de mobilisation de son armée d’affectation ?

La nomination de Arno Klarsfeld, juriste français et réserviste de l’armée israélienne, au poste de conseiller du ministre de l’Intérieur Nicolas Sarkozy sanctionne-t-elle la carence française dans le domaine des compétences ou relève-t-elle d’une manoeuvre électoraliste ?

La question peut paraître dérisoire au regard des enjeux de puissance que sous tend cette nouvelle guerre du Liban, des morts et destructions de l’été 2006 qui se sont ensuivis tant au Liban qu’en Palestine qu’en Israël même.

Sauf à considérer Israël comme le fer de lance du combat occidental contre l’ensemble arabo-musulman et que son service dans l’armée israélienne constitue une forme déguisée de coopération stratégique militaire franco-israélienne, le cas du caporal Shalit se doit d’être soumis pour avis aux autorités juridictionnelles compétentes et faire oeuvre de jurisprudence en ce domaine, car au delà de ce problème de droit se pose un problème de morale politique : La double allégeance justifie-t-elle la confusion juridique ? Exonère-t-elle de toute obligation de réserve ? Autorise-t-elle toute licence au point de constituer un “passe droit” ?

Le service militaire dans l’armée israélienne constitue-t-il désormais un passage obligé à des promotions politico-administratives en France ? Préfigure-t-il la collaboration future entre les diverses composantes de l’ « axe du bien », telle qu’elle est préconisée par les néo-conservateurs américains et leurs relais français ? Un axe constitué, selon ses promoteurs, par les Etats-Unis, Israël, au-delà, la droite française et le judaïsme institutionnel français, face à un « axe du mal » regroupant grosso modo le tiers monde arabo-musulman bariolé et dont le ralliement à sa cause de Philippe de Villers, représentant de la droite traditionnelle, le découvreur des mosquées souterraines de l’aéroport de Roissy, n’en est que la manifestation la plus pathétiquement symptomatique.

Les grandes civilisations se meurent des entorses répétitives qu’elles commettent à l’encontre de leurs propres principes.

A la faveur de la dégradation du climat international consécutive aux attentats anti-américains du 11 septembre 2001, de la guerre d’Afghanistan (2001-2002), de la guerre contre l’Irak (2003) et de la nouvelle guerre du Liban (2006), ainsi que de la transposition du conflit israélo-arabe en France, une bataille intellectuelle à coups de censure et d’accusation de racisme fait rage dans ce pays, qui constitue à la fois le plus important foyer musulman du monde occidental et le lieu d’implantation de la plus forte communauté juive d’Europe.

2) Une profusion d’experts occidentaux : Michel Houelbecq, Claude Imbert, Maurice Le Dantec, Alain Finkielkraut, Yves Charles Zarka, Yvan Rouffiol, Alexandre Adler, Georges Frèche, Pascal Sevran

Pas un jour ne passe sans qu’un ouvrage n’annonce des révélations sur les islamistes, objet certes de préoccupations des spécialistes mais dernier thème à la mode des marchands de sensation, pas un jour sans qu’un « islamologue », ces personnes qui se déclarent spécialistes de l’Islam, n’apparaisse sur les écrans de télévision pour donner sa propre explication du « phénomène du terrorisme islamiste » ou de l’arriération du monde arabe.

Cette littérature se nourrit d’ailleurs de l’actualité particulièrement abondante en ce domaine, dont les derniers en date sont l’attentat de Madrid, le 11 mars 2004 en représailles contre la participation de l’Espagne à la guerre contre l’Irak —et qui a conduit à la défaite électorale du premier ministre espagnol José Maria Aznar— ou encore les attentats de Londres en juillet 2005.

Les Arabes eux-mêmes ne se privent pas non plus de la nourrir par l’étalage de leur division, et beaucoup de commentateurs occidentaux ont puisé dans l’échec des derniers sommets arabes justification à leurs analyses ou à leurs préjugés anti-arabes, de même que la prise de distance opérée par les régimes sunnites arabes (Egypte, Arabie saoudite, Jordanie) contre la guérilla anti-israélienne du Hezbollah libanais.

Certes, les Arabes sont pour des raisons multiples responsables de la situation déplorable dans laquelle ils se trouvent. Il n’est, pour s’en convaincre, que de relire le remarquable « programme sur le développement humain » pour 2003 réalisé par un groupe d’experts arabes, qui y recense à l’origine du handicap arabe, plusieurs gros maux notamment l’analphabétisme, la pauvreté, l’autoritarisme des régimes politiques, l’absence de liberté, l’inégalité entre les sexes, l’intolérance à l’égard des minorités, etc.

Mais la profusion d’experts occidentaux est impressionnante, voire même préoccupante, au point de se demander si certains experts ne souhaitent mettre à profit ce regain d’intérêt pour la sphère arabo-musulmane pour y consacrer des stéréotypes dans l’imaginaire occidental.

Après le romancier français Michel Houelbecq, qui avait jugé « stupide » la religion musulmane, l’italienne Oriana Fallaci, qui avait dénoncé la saleté et l’arrièrisme des Arabes, et l’aveu d’un grand journaliste français Claude Imbert, directeur de l’hebdomadaire « Le Point », se déclarant « islamophobe » un ouvrage collectif, réalisé par une soixantaine d’universitaires français et arabes, consacré à « L’Islam en France », et édité par « Les Presses Universitaires de France » (PUF), apporte une touche intellectuelle et scientifique à cette nouvelle xénophobie anti-arabe.

Numéro hors série de la revue « Cités », la publication illustre sa couverture par une gravure reproduisant un musulman au nez crochu, tenant le Coran par la main et tournant le dos à la République. Curieux retournement des choses : l’ancien stéréotype d’identification des Juifs est désormais applicable aux Arabes et aux Musulmans. Curieux procédé qui consiste sous couvert de critique à pratiquer le dénigrement, sous couvert de lutte contre l’anti-sémitisme à favoriser un anti-arabisme.

Plus regrettable est que cette publication ait été cautionnée par un professeur de philosophie de la prestigieuse université parisienne « La Sorbonne », mais l’universitaire en question, Yves Charles Zarka, pense au contraire travailler à la mobilisation des esprits en France, qu’il considère comme le principal champ de bataille du conflit entre l’Occident et l’Islam. « Face à l’esprit de conquête, il faut développer l’esprit de résistance », écrit-il, en affirmant que la France est menacée par « la constitution d’une minorité tyrannique » qu’il importe de combattre.

Il ressort de la lecture de cet ouvrage le fait que l’image de l’Arabe se réduit à quelques images fortes, (délinquance, fanatisme, antisémitisme). Sous l’apparence scientifique, l’analyse est simpliste, sans que ces intellectuels n’aient jugé bon de se pencher sur les véritables raisons de la violence anti-occidentale du monde arabo-musulman, ou de la xénophobie anti-arabe ou musulmane des occidentaux.

Une lepénisation des esprits et du langage prend corps en France avec la banalisation du racisme ordinaire au quotidien cautionné par de grandes figures de l’intelligentzia ou de la classe politico-médiatique.

L’auteur fera grâce aux lecteurs des embardées répétitives et de leur impunité corrélative d’Alain Finkielkraut (l’équipe de France de foot black, black, black, risée de l’Europe), du parlementaire socialiste Georges Frêche sur le statut de « sous hommes » qu’il assigne aux Harkis, ces anciens supplétifs musulmans algériens de l’armée française, ou encore l’eugénisme préconisé par une vedette de la télévision publique, Pascal Sevran, en vue de réduire les capacités génésiques des Africains et de stériliser leur reproduction, dans la pire tradition hitlérienne, de même que celles les deux éditorialistes vedettes du “Figaro” le journal du grand capital, Yvan Rioufol sur le “nazi-islamisme” et d’Alexandre Adler sur le “fascisme vert” et de l’universitaire Robert Redeker.

La neutralité, l’objectivité et l’impartialité, qui caractérisaient jadis le travail universitaire, ne sont plus de mise face à la violence de la bataille, dont la polémique sur le port du foulard islamique et le tollé suscité par les biens pensants de l’équipe de l’hebdomadaire satirique Charlie hebdo, autour de Philippe Val, à propos des caricatures de Mahomet, l’hiver 2006. n’en sont que les derniers avatars.

Neufs intellectuels spécialistes de l’Islam, parmi lesquels Olivier Roy, grand connaisseur de l’Afghanistan, et Jocelyne Cesari, spécialiste de l’Islam européen, qui avaient pourtant contribué à ce numéro hors-série des PUF, ont admis dans un communiqué commun avoir été « piégé » par cet ouvrage de « propagande ». Le mensuel « le Monde diplomatique », dans sa livraison du mois d’Avril 2004, a dénoncé ce procédé considérant qu’il s’agit d’un nouvel habillage du racisme.

A noter qu’aucun de ces ouvrages, ni celui de Houellbecq, ni celui de Fallaci, pas plus que la revue « Cités », n’a fait l’objet d’une censure ou ses auteurs poursuivis en justice pour incitation à la haine raciale. Il n’en est pas de même pour les écrivains de l’autre bord.

L’exaspération du débat est telle que par un effet de transposition, toute critique vive de la politique israélienne, qu’elle émane d’arabes, de musulmans ou même d’intellectuels ou de personnalités de tradition culturelle ou religieuse juive, est assimilée à de l’antisémitisme.

Ainsi quand l’écrivain Renaud Camus, auteur d’un livre sur « la campagne de France », relève que les principaux chroniqueurs de France-culture, la radio de l’élite culturelle française, radio d’état tout de même, sont de confession juive, un tollé accueille ses propos, relayé par le Journal « Le Monde », qui l’accuse de favoriser l’antisémitisme ». Renaud mentionne ce fait dans quelques pages, d’une manière incidente, dans un volumineux ouvrage de 700 pages. Mais cela a suffi pour que soit déclenchée une campagne contre lui. Mais quand un auteur de roman policier, Maurice Le Dantec, se lie avec un groupe d’extrême droite française, et justifie la violence anti-arabe et anti-musulmane, son éditeur, la prestigieuse maison d’édition Gallimard, se contente de déplorer ses propos sans pour autant rompre sa collaboration avec lui.

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Cédant à l’esprit du temps, Jean Jacques Aillagon, l’ancien ministre de la culture, sur simple coup de fil de son ami l’écrivain Bernard Henry Lévy, a ainsi déprogrammé un film réalisé par un israélien, Eyal Sivan, et un palestinien, Michel Khleifi, intitulé « La route 181, fragments d’un voyage en Palestine-Israël » au motif qu’il présente une vision « unilatérale » du problème israélo-palestinien. L’ancien ministre a ordonné la censure sans même se donner la peine de visionner le film au préalable, sans même se rendre compte que ces deux cinéastes professionnels, venant de deux bords opposés, en entrecroisant leur regard, apportaient une vision synthétique du problème.

La complaisance mondaine ne saurait tenir lieu de politique. Aillagon a été écarté du gouvernement Raffarin à la suite de la déroute électorale de la droite aux dernières élections régionales françaises, le 28 mars 2004, recasé à Venise par l’ami de Bernard Henry Lévy, l’homme d’affaires François Pinault. Mais le film documentaire continue de développer son audience. Toutefois le cinéaste israélien Eyal Sivan n’a pu s’épargner l’accusation d’« antisémitisme » que lui a infligée, en toute impunité, l’un des chefs de file de ce courant Alain Finkielkraut.

Bien pire, Le CRIF, le Conseil Représentatif des Institutions Juives de France, qui se doit, en tant qu’instance d’intermédiation auprès des pouvoirs publics, favoriser la cohésion nationale et le dialogue interreligieux, dénature son rôle en se plaçant à l’avant garde de l’hostilité à l’égard des arabes. Le président du CRIF, en personne, M. Roger Cukiermann, s’est ainsi félicité publiquement, sans être désavoué, du succès du chef de l’extrême droite française, Jean Marie Le Pen, aux élections présidentielles de 2002, en considérant qu’il s’agit d’une « bonne leçon aux Arabes ». Nulle personnalité de premier plan française, ni politique, ni religieuse, n’a émis une protestation à cette occasion.

De même, lorsque des organisations juives organisent des concerts de gala pour récolter de l’argent pour l’armée israélienne et « le bien être du soldat juif », nul, non plus, ne se hasarde à critiquer cette opération de promotion d’autant plus inopportune et provocante que son principal bénéficiaire apparaît, tout de même, au regard du Droit international, comme une « armée d’occupation » en Cisjordanie, à Gaza et en Syrie. Pas une critique lorsque la chorale de l’armée israélienne organise, fin décembre 2006, une tournée de gala en France en compagnie de la famille du caporal Shalit et des deux autres soldats israéliens capturés par le Hezbollah, occultant le sort des dix mille prisonniers libanais, palestiniens et arabes croupissant dans les géoles israéliennes sous un régime qualifié par l’ancien président américain Jimmy Carter de « régime d’apartheid ».

Pas une critique non plus quand Israël se livre à une destruction systématique du Liban, en violation flagrante du Droit Humanitaire International, en représailles à la capture de deux soldats israéliens au sud-Liban.

Indice complémentaire de la dégradation du sens civique national, pas une objection n’a été soulevée pour contester la qualité de “Français” au caporal Shalit, “le nouveau soldat Ryan” des temps modernes. Plus grave, nul dans la classe politique ou la presse ne s’est hasardé à soulever le problème de la dualité d’allégeance des bi-nationaux franco-israéliens dans l’exercice de responsabilités politiques ou militaires en France ou en Israël, particulièrement en temps de guerre.

Le Quai d’Orsay a donné à savoir à diverses reprises qu’il s’impliquait dans la libération du caporal Shalit, —non pas tant pour des raisons humanitaires ce qui peut paraître concevable, mais du fait de sa “nationalité française”—, omettant de préciser que ce citoyen se trouvait en opération de guerre dans une armée étrangère contre un peuple supposé ami de la France, le peuple palestinien.

3) Une mise au point du Quai d’Orsay sur la situation juridique des bi-nationaux franco-israéliens servant dans l’armée israélienne :

Le Quai d’Orsay a précisé à l’auteur de cet article que « Le statut juridique des soldats israéliens qui disposent également de la nationalité française est réglé par la Convention entre la France et Israël relative au service militaire des doubles nationaux du 30 juin 1959.

En vertu de ce traité, les doubles nationaux sont tenus d’accomplir leur service militaire actif dans celui des deux Etats où ils ont leur résidence permanente (art. 2, 1°)). Ils ont également la possibilité de prendre volontairement du service dans les forces armées de l’Etat de leur choix avant d’avoir été appelés par l’autre Etat (art. 3) ; la suppression du service militaire obligatoire en France ne semble pas avoir d’autre incidence à cet égard que de permettre aux personnes considérées de s’engager volontairement dans les forces armées de l’un des deux Etats. L’article 7 de la Convention permet par ailleurs l’appel sous les drapeaux des doubles nationaux en cas de mobilisation.

Enfin, en ce qui concerne plus directement la nationalité des personnes visées par la convention, l’article 8 de celle-ci prévoit que “les dispositions de la présente convention n’affectent en rien la condition juridique des intéressés en matière de nationalité”.

Dès lors, l’engagement dans l’armée israélienne du caporal Shalit ne saurait en aucun cas entraîner une “double allégeance” justifiant “la confusion juridique”, pour reprendre les termes de votre message. La Convention du 30 juin 1959 a précisément pour objet de régler la situation militaire des doubles nationaux franco-israéliens, en préservant la “condition juridique des intéressés en matière de nationalité” (article 8) et, partant, l’ensemble des droits afférents à la possession de la nationalité française. Fin de citation du Quai d’Orsay))

Donnons acte au Quai d’Orsay en observant toutefois que cet accord, conclu en 1959, en pleine euphorie franco israélienne consécutive à l’agression tripartite de Suez (anglo-franco-israélienne-1956), a été signé à une époque où l’armée israélienne n’occupait pas de territoires arabes et ne constituait donc pas, au regard du droit international, une « armée d’occupation ».

4) Une haine imaginaire ?

De son côté, Le CRIF s’est opposé, dans le passé, à des opérations pédagogiques conjointes israélo-palestiniennes comme pour maintenir le clivage ambiant. Il s’est ainsi notamment opposé à la tenue d’une conférence de presse conjointe, dans un collège de Nice dans le sud de la France, entre Mme Leila Shahid, ancienne représentante de la Palestine en France, et de M.Michel Warshavski, écrivain israélien, opposant à la politique israélienne, au motif que l’école française ne devait être un lieu de débat en France. Ce qui donne à penser que pour le Crif, particulièrement pour son représentant dans le sud de la France , le député Rudy Salles, auteur de la demande d’interdiction, seuls les inconditionnels de Sharon et de ses successeurs ont droit de parole en France.

Sans risquer de se contredire, le CRIF avait pourtant demandé et obtenu que les élèves français du sud de la France, de toutes les confessions, (chrétiens, juifs et musulmans), se rendent à Auchwitz, en Pologne, en un voyage de recueillement dans cet ancien camp de concentration des Juifs du régime nazi. Ce voyage, auquel les parents des élèves arabes avaient donné leur accord, devait avoir une fonction pédagogique visant à dénoncer les horreurs de la guerre et du racisme.

La pédagogie ne saurait être à sens unique. L’annulation de la conférence de Leila Shahid à Nice a entraîné symétriquement l’annulation du voyage d’Auschwitz par les parents des élèves arabes, qui estimaient qu’il ne saurait y avoir deux poids deux mesures dans la lutte anti-raciste.

C’est au CRIF, d’ailleurs, que Jean Pierre Raffarin, a conféré, le 18 mars 2004, trois jours avant les élections régionales, le droit d’être associé à la police de l’ Internet pour dépister les sites « anti-sémites ». Un droit qui constitue un privilège exorbitant, en contradiction avec le principe de légalité, un des principes fondateurs de la République française.

Le CRIF n’a pas attendu cette faculté pour faire la police à l’égard de toute opinion dissidente, y compris au sein des intellectuels de culture ou de religion juive. C’est ainsi que coup sur coup, le sociologue Edgar Morin, qui s’était désolidarisé de la politique du gouvernement d’Ariel Sharon, de même que le politologue américain Norman Finkielstein, qui avait rédigé un ouvrage sur « l’industrie de l’holocauste », qui constitue une « réflexion sur l’exploitation de la souffrance des juifs », ont été poursuivis en justice par l’association France-Israêl pour diffamation à l’égard d’Israël.

Bravant l’interdit, un avocat du barreau de Paris, Guillaume Weill-Raynal, frère jumeau du journaliste Clément Weill-Raynall, un des chefs de file du combat communautariste, s’est livré à une « contre-enquête sur le nouvel antisémitisme en France » pour déplorer cette « haine imaginaire » nourrie par le judaïsme institutionnel, les médias et des intellectuels de renom, à base de constructions intellectuelles relevant de « l’ordre fantasmatique », et qui plonge la communauté juive dans la peur, plutôt que de l’inciter à affronter les défis du contemporain ». (1)

5) Une indignation sélective

L’indignation est sélective : Georges Frêche, Alain Finkielkraut, Pascal Sevran continuent d’avoir droit de cité, mais l’humoriste franco-camerounais Dieudonné est voué aux gémonies pour avoir caricaturé l’extrémisme de l’ancien premier ministre israélien Ariel Sharon, en adaptant le salut nazi « Heil Hitler » en « IsraHeil ». Interdit d’accès de certaines salles de concert, notamment le célèbre « Olympia » de Paris, il a été, lui, poursuivi en justice « pour incitation à une haine à caractère racial ».

Robert Menard, responsable de l’organisation « Reporters sans Frontières », a déploré, lors du procès Dieudonné, le 2 avril 2004, « l’espèce de régression de la liberté d’expression » en France, dénonçant une « communautarisation de la pensée », phénomène, qui aboutit, selon lui, à faire que « si vous n’êtes pas juif, vous ne pouvez parler des juifs ».

« La dernière passion du Christ », le film de Mel Gibson relatant le crucifixion de Jésus Christ, en est la dernière manifestation. Les grands producteurs français en ont refusé sa commercialisation au motif qu’elle relançait la responsabilité des juifs dans la mort du Christ et favorisait un renouveau de l’antisémitisme.

Comme si les actes de quelques rabbins qui passent pour avoir ordonné, il y a deux mille ans, la mort de Jésus engageaient la responsabilité de tous les Juifs, religieux ou athées, pour l’éternité et à travers le temps, de la même manière que les attentats anti-occidentaux d’Al-Qaida ou de toute autre organisation ne sauraient rejaillir sur tous les Arabes et tous les Musulmans, condamnés par l’opinion occidentale à en assumer la responsabilité pour l’éternité.

En raison de la collaboration dont ont fait preuve les autorités françaises avec le régime nazi, durant la 2me guerre mondiale (1939-1945), et de leur contribution à la déportation des Juifs de France vers les camps de concentration, l’antisémitisme est un sujet sensible en France. Accusation infamante, elle condamne quiconque en est l’objet à une sorte d’ostracisme.

L’accusation d’« anti-sémitisme » est en quelque sorte l’arme de destruction massive absolue et équivaut à une condamnation absolue. Elle constitue l’arme de dissuasion par excellence pour neutraliser toute critique à l’égard de la politique israélienne.

Mais à force de la brandir à chaque bout de champ, il est à craindre quelle ne perde de son efficacité. De la même manière, à force de vouloir substituer l’islamophobie à la judéophobie pour se dédouaner de l’antisémitisme traditionnel récurrent à la société française, il est aussi à craindre que l’on ne perpétue une autre forme de racisme, également hideuse, également condamnable.

Note :

1- « Une haine imaginaire ? contre-enquête sur le « nouvel antisémitisme » Guillaume Weill-Raynal- Armand Colin-Mars 2005 « le drame est qu’en entretenant ce mythe d’une haine antijuive sous-jacente, notamment dans le traitement du conflit israélo-palestinien par les grands médias, les apprentis sorciers font tout ce qu’il faut pour que la communauté juive, loin d’affronter les défis du contemporain, s’enlise dans une peur, voire un rejet de l’autre qui lui risque de lui faire perdre son âme », écrit notamment Weill Raynal.

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