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Comment faire tomber les barrières des préjugés pour édifier une coexistence pacifiée

Le récent ouvrage de Kamel Meziti m’a interpellé à maints égards. A sa découverte sur un rayon de la FNAC il y a peu, une pensée éffleura mon esprit : encore un livre de plus sur le djihad avec tous ces clichés et ces raccourcis auxquels nous sommes habitués. La couverture confortait cette pensée :  djihadistes armés, gouttes de sang sur fond blanc….

En outre, «Mission djihad» cotoyait d’autres ouvrages d’autres auteurs qui avaient construit leur  renommée sur le dénigrement de l’islam et les amalgames outranciers. L’affiche indiquant «Coup de  coeur de la FNAC» n’y changerait rien ! Malgré tout, dans un réflexe presque pavlovien je décidai de  survoler le résumé de l’ouvrage qui m’intrigua sur le moment : «2015 aura été une année très éprouvante pour la France : au total, 148 morts et des centaines de blessés. La tragédie du vendredi 13 novembre, qui a frappé tous les français sans distinction d'origine, de religion ou de couleur, a bouleversé l'équilibre précaire depuis les attentats parisiens de janvier 2015. Le 22 mars 2016, c'est le cœur de l'Europe qui est frappé par l'horreur à Bruxelles avec la mort de 28 personnes et plus de 300 blessés… Tous ces attentats ont constitué un coup de semonce à notre vivre-ensemble et on est enclin à penser que rien ne sera plus jamais comme avant. Panser les plaies prendra du temps pour toutes ces familles et les millions de personnes ébranlées par la Bête humaine ; penser l’avenir exigera un travail de longue haleine qui s’impose aujourd’hui plus qu’hier.

Une triste banalité est à rappeler : les musulmans sont de loin les premières victimes de la barbarie terroriste de ces nébuleuses autoproclamées « islamiques » : Boko Haram, Daech, al-Qaïda et  autres mouvements qui ont prospéré sur le lit de l'oppression et des dictatures soutenues par nos  démocraties occidentales ; qui ont fait leur nid sur le terrain du désarroi d'une jeunesse fauchée par la « dèche » économique et identitaire. Il est urgent de désamorcer les logiques de guerre de religions et de choc des civilisations que les marchands de la terreur et autres prêcheurs de haine  veulent nous vendre.»

«Tiens-donc !», m’étais-je dit spontanément. La lecture de la dédicace m’intrigua davantage : «À toutes les victimes de la Bête Humaine, sous toutes ses formes, en France, en Belgique, en Turquie, en Irak, en Syrie, en Indonésie, au Mali, en Côte d'Ivoire, en Tunisie, en Algérie, en Libye, en Somalie, au Nigeria, au Pakistan, en Afghanistan, au Soudan, au Yémen…

À tous ces innocents, où qu'ils soient, quels qu'ils soient, femmes, hommes, enfants morts dans l'anonymat, fauchés par la barbarie fanatique ou emportés par les vagues d'une géopolitique assassine.». L’auteur était présenté dans les termes suivants : «Kamel Meziti, historien, auteur et conférencier impliqué dans la promotion de la citoyenneté et du vivre-ensemble. Secrétaire général du Groupe de Recherche islamo-chrétien, il a participé au livre Rites : Fêtes et célébrations de l'humanité (Bayard, 2012), il a aussi publié, avec N. Senèze et P. Haddad, Les fêtes de Dieu Yahweh, Allah aux Editions Bayard (2011) ainsi qu’un Dictionnaire de l'islamophobie (2013).»

Or, j’avais entendu parler de ce dernier ouvrage sans savoir que Kamel Meziti en était l’auteur. J’optai donc pour l’achat de «Mission djihad» et en moins d’une semaine je le dévorai tant une page en appelait une autre. Cet essai est selon les termes de l’auteur la convergence d’un cri du cœur et d’un « coup de gueule » dans un contexte où le terrorisme devient un fléau planétaire. Son titre est «volontairement provocateur pour réhabiliter le « Djihad authentique, loué par l’Islam». L’auteur dénonce l’amalgame entre «djihad» et «djihadisme».

Kamel Meziti d’emblée prévient le lecteur : «S'il est une notion galvaudée, parmi tant d'autres, quand on parle d'islam, c'est bien celle du « djihad ». Les « djihadistes » qui ont ensanglanté le pays sont ces acteurs terroristes, adeptes d'une pseudo « guerre sainte » ciblant l’annihilation de l'Homme, créature noble que Dieu lui-même a honorée selon la formule coranique. « Djihad » : l'invocation de ce terme rappelle aux esprits des hordes barbares et destructrices en provenance du Sud, scandant « Allahou akbar », l'avancée conquérante d'un islam imposé par la violence et le glaive, affabulation historique générale démentie, même par un Voltaire en son temps :
« Cette religion s’appela l’Islamisme, c’est-à-dire, résignation à la volonté de Dieu, et ce seul mot devait faire beaucoup de prosélytes. Ce ne fut point par les armes que l’Islamisme s’établit dans plus de la moitié de notre hémisphère, ce fut par l’enthousiasme, par la persuasion, et surtout l’exemple des vainqueurs, qui a tant de force sur les vaincus… » [1].

Les écrivains déclinistes, islamophobes en vogue sont dénoncés avec virulence. Kamel Meziti évoque Zemmour («ex-journaliste mais toujours provocateur»), Houellebecq, «la star insoumise», Phillipe de Villiers, «ex politique, converti en écrivain croisé», Finkielkraut, «philosophe cathodique et accessoirement nouvel exégète du Coran», l'algérien Sansal, «faux visionnaire orwellien» ou encore son compatriote Kamel Daoud qui, à partir des tristes événements de Cologne nourrit les fantasmes islamophobes. Autant de littérateurs à la mode qui développent leurs thèses ou plutôt foutaises d'un islam conquérant, d'une violence qui serait consubstantielle à cette religion.

L’auteur dénonce aussi ce simplisme pathétique qui réduit des terroristes à leur appartenance supposée à l'islam et qui fait endosser à ce dernier des crimes qu'il condamne. «On retient à juste titre qu'Hitler était ce monstre responsable du génocide des juifs et des tziganes avant d'être chrétien ; tout comme les dirigeants Serbes étaient exterminateurs de plusieurs millions de musulmans en Bosnie avant d'être orthodoxes ; les colons européens étaient aussi les génocidaires des Indiens d'Amérique avant d'être protestants ; les Conquistadors espagnols derrière leurs atrocités commises contre les Incas et les Aztèques, étaient en second lieu catholiques ;

On pourrait multiplier les exemples à l'infini de ces glissements dangereux, de ces amalgames outranciers qui contribuent à jeter l'an
athème sur l'ensemble d'un groupe ou d'une communauté sans s'encombrer de détails. Chaque fois que la folie des hommes a pris en otage la religion, cela a donné lieu à des drames voire des tragédies. Pourquoi un traitement toujours différencié dans le cas des musulmans ? Pourquoi retenir que les terroristes, même s'ils se revendiquent de l'islam, sont des musulmans avant d'être des barbares sanguinaires ?  Les préjugés ont la dent dure et sont parfois confortés par le poids de l'histoire, une histoire qui s'écrit souvent par les vainqueurs ou les plus forts du moment. »

Mais le «jugement» de Kamel Meziti n’est à aucun moment partial et c’est là un autre mérite de sa réflexion qui intègre la notion d’une responsabilité partagée. Cet aspect transparait notamment dans un autre beau passage :

«En même temps, il ne manque pas à travers le monde de promoteurs de cette vision réductrice, qui balaient d'un revers de main le message de Paix de l'islam et l'histoire d'une civilisation islamique florissante sur laquelle se sont édifiées la Renaissance et les Lumières.  Pour notre plus grand malheur, ce sont ces marchands de la haine qui se font le plus entendre à coup de kalachnikovs, bombes ou roquettes, dans les discours d'anathèmes, à coup de diatribes littéraires, sur les plateaux télé où ils développent leur vison binaire, étriquée, d'un monde globalisé, devenu complexe, en mouvement perpétuel.  L'acception militaire du « djihad » n'est pas exclue de la doctrine islamique, comme d'ailleurs de celle des autres religions abrahamiques. Aux Xe et XIe siècles, les Croisades et la reconquête de l'Espagne avec son bras armé, l'Inquisition, menées par l'Église catholique ne se firent pas sans effusion de sang. Pour autant, si le Coran évoque bien le « combat dans le chemin d'Allah » dans le sens guerrier du terme (djihad fi sabîli-Llah), celui-ci n'est légitimé que dans le cas de guerre contre des pays musulmans et pour faire barrage aux oppresseurs.

L'usage de la force est autorisé, mais seulement à des conditions très strictes, dans le cas de la légitime défense et non pas de la violence aveugle, de la loi du plus fort ou de la vengeance.  Il y a une multitude de versets pacifiques dans le Coran et pourtant certains ne retiendront que quelques versets belliqueux, présents dans des sourates post-hégiriennes.» Nul n'est autorisé à faire usage de la force pour rallier les non-musulmans à l'islam. Ainsi, la notion de « djihad » en islam, réduite, travestie, instrumentalisée par les uns et les autres, est bien éloignée du sens que les médias en donnent aujourd’hui. Le djihad en tant que combat armé, n'est pas au centre de la doctrine musulmane. Il en est même éloigné. 

La guerre proprement dite est traduite par d'autres vocables : harb ou qitâl et n'est en fait qu'un acte secondaire du véritable djihad que tout musulman doit mener continuellement et sans répit jusqu'à la mort dans sa lutte contre ses propres passions. Dans la religion musulmane, il faut distinguer le "grand djihad" (al-djihad al-akbar) et le "plus petit djihad" (al-djihad al-asghar). Selon un célèbre hadith, lorsque les compagnons interrogèrent le Prophète sur le sens du « plus grand djihad », il répondit: « le combat des serviteurs d’Allah contre leurs vains désirs. » Les quelques versets coraniques bellicistes sur plus de 6200 (avec notamment le verset 29 de la Sourate 9) ne peuvent servir de caution pour légitimer la violence et encore moins le crime. Ils ne sauraient être instrumentalisés pour conclure à une quelconque violence intrinsèque à l'islam.

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Ils ne peuvent être appréhendés hors du contexte historique de leur révélation, dans la péninsule arabique du 7e siècle. Du reste, même lorsqu'elle ne peut être évitée, la guerre en islam est soumise à un code éthique. Ainsi, Le Prophète a interdit formellement de tuer les enfants, les personnes âgées, les femmes, les malades, les religieux, les combattants ennemis qui se rendent, les animaux (si ce n'est pour les consommer). Il a aussi proscrit la mutilation des morts, la destruction des synagogues, et des églises, des maisons, des végétaux (arbres, plantes…) ; il a, en outre, ordonné le bon traitement envers les prisonniers. 

La Bible comprend elle aussi des passages d'une extrême violence [7], ce qui ne remet aucunement en question le message d'amour intrinsèque du Christianisme ou du Judaïsme.  Les propos bibliques très durs attribués à Moïse n’entachent en rien le message de paix de ce grand prophète des trois religions abrahamiques. Les références violentes des Écritures, « utiles pour révéler la face sombre de l'humanité, doivent toujours être lues en regard d'autres passages bibliques » [8]. Cela est tout aussi vrai pour le Coran. C'est la manipulation arbitraire du texte coranique qui génère des contre-sens et des dérives tragiques. Soumettre le Texte à ses propres turpitudes et autres pulsions de mort, cela s'est déjà vu dans l'histoire, dans toutes les religions, sous tous les cieux. L’Inquisition n’est pas dans les Évangiles, le terrorisme n’est pas dans le Coran. Ce ne sont pas tant les références scripturaires que leur interprétation voire leur manipulation qui sont en cause.

Le djihad renvoie à « l’effort sur soi-même » et non à une supposée « guerre sainte » destinée à la conquête ou à l’élimination de l’autre, à l’annihilation de l’altérité. Il participe d’une vision humaniste visant à concrétiser un équilibre intérieur, l'épanouissement personnel et un vivre-ensemble harmonieux. Dès lors qu'il devient inévitable, le djihad armé, qui relève exclusivement des prérogatives des pays musulmans (et non de groupes ou groupuscules), ne vise ni à combattre les gens pour leur non-acceptation de l'islam, ni à les contraindre à l'embrasser. Les extrémistes obscurantistes tout comme les esprits étroits et autres islamophobes font une fixation sur l’exception en occultant la règle générale. Le djihad authentique, loué par les musulmans de la planète participe d’une vision humaniste visant la préservation de la vie et de la dignité humaine, la promotion d'un vivre-ensemble harmonieux respectant l'autre dans toute sa dimension.

La jurisprudence islamique classique fixe les objectifs et finalités supérieurs de la religion au nombre de cinq. Il s'agit de préserver la religion (ed-dine), la vie humaine (en-nafs), la raison (al 'aql), la progéniture ou filiation (an-nasl) et les biens des personnes (al mâl) [9].  Des exégètes contemporains ont rajouté
plusieurs objectifs supplémentaires : la liberté, l’égalité, l’union (al wahda), la sécurité (al amn) et le bien-être de la société (al jama'a).» La démarche humaniste de l’auteur transparait tout au long de l’ouvrage dans un style direct et un positionnement constant de modération.

«À travers leurs massacres programmés, nous sommes tous visés et touchés au plus profond de nous-mêmes. C’est l’essence même de nos sociétés, de notre humanité, qui est atteinte. L’extrémisme violent n’a pas de religion. Face au chaos et à la violence, l'alternative est d'unir la famille humaine. Candeur, naïveté suprême, utopie ? Mais comme le disait une grande figure de l'histoire de France : « l'utopie est une réalité en puissance ». Et nous sommes tous appelés à agir ensemble pour défendre les valeurs de justice, de fraternité et de solidarité qui nous rassemblent pour promouvoir un vivre ensemble profondément écorché par les assassins et les haineux en tout genre.
Quand le vrai djihad place l'Homme et sa dignité au centre, les djihadistes sanguinaires trouvent quant à eux leur confort dans la posture du bourreau et dans l'anathème de tout ce qui ne leur ressemble pas. Ils cultivent la mort ; les autres récoltent le deuil et la désolation. Ils prétendent être la main armée de Dieu. Ils n'incarnent en rien une prétendue « revanche de Dieu » ; ils sont l'instrument de la revanche du diable, n'en déplaise à certains « intellectomanes » et autres spécialistes cathodiques du djihadisme.»

Incontestablement «Mission djihad» oeuvre à déconstruire les discours de haine pour réhabiliter un vivre-ensemble aujourd’hui écorché par «les apôtres de la violence et autres pyromanes d’une certaine classe politico-médiatique qui s’appuie sur les extrémistes pour justifier des stratégies et postures islamophobes. Ce dernier point est patent notamment avec l’approche des élections présidentielles de 2017».  Il prend aussi à bras le corps la problématique de la radicalisation tout en précisant l’urgence de définir le terme. «Une personne radicale dans sa pratique religieuse n’est pas programmée ou prédisposée à la violence et encore moins au passage à l’acte. Je suis perplexe face à tous ces dispositifs de « déradicalisation » et aux « spécialistes » auxquels on fait appel pour remédier à un vrai problème. L’inculture ou la « sainte ignorance » de certains responsables politiques à l’endroit de l’islam. Il nous rappelle que sur les trois principales catégories de salafistes (piétiste ou quiétiste, politique et révolutionnaire) , seul ce dernier peut poser problème. En outre, selon lui, travailler sur un contre discours puisant dans la théologie musulmane pour désamorcer des pulsions de mort devient une urgence. «Mais pour ce faire, il faut que les pouvoirs publics et les préfectures s’appuient sur de bonnes expertises».

L’auteur dénonce des logiques partisanes, voire clientélistes qui sont autant d’obstacles à une gestion efficace du problème de la radicalisation et des replis identitaires. Le processus de radicalisation n’est que le sommet immergé de l’iceberg. La gestion sécuritaire du terrorisme est incontournable mais insuffisante si elle ne s’accompagne pas d’un travail en amont sur le plan de la prévention, de la justice sociale, du renouvellement de la classe politique et de la démocratie plus généralement. Sans langue de bois, les pouvoirs publics sont invités à faire preuve de plus de responsabilité dans l’appréhension du fait musulman en France, à créer les conditions d’une synergie dans l’intérêt général et la préservation de la cohésion nationale. Mais la sécurité ne doit pas devenir un prétexte pour stigmatiser davantage une population déjà fortement ébranlée. On ne doit pas lésiner avec l’apologie à la haine qu’il faut sanctionner fermement, d’où qu’elle vienne. Kamel Meziti interpelle les responsables politiques qui «ne doivent pas être immunisés et ont un devoir d’exemplarité». Il déplore que certaines langues se délient pour montrer du doigt les musulmans de France, voire les insulter ; la laïcité manipulée, galvaudée, travestie est devenue une arme de destruction massive du vivre-ensemble dans leur bouche. Ici et là, dans «Mission djihad», l’auteur se livre à des critiques ascerbes parfois teintées d’un brin d’humour. 

«Dès qu’un responsable politique prononce le terme (laïcité) on sait que les musulmans vont être convoqués ! Présumés incompatibles avec les valeurs républicaines, ils sont régulièrement sommés de se désolidariser du terrorisme alors qu’ils en sont les premières victimes quantitativement à travers le monde et symboliquement à travers le procès injuste qui leur est fait médiatiquement».  Dans un autre passage, l’auteur fustige aussi ces «salafistes qui déposent leur cerveau à l’entrée de la mosquée», justifiant l’urgence d’un «djihad de la connaissance».  « Mission Djihad » se veut aussi pédagogique en rappelant la signification étymologique, historique et contemporaine d’un concept central en Islam replacé dans différents contextes, dont il rappelle les métamorphoses, parallèlement aux évolutions de l’Islam, et son utilisation par certaines organisations qui ont pris en otage le qualificatif «islamique».

Il souligne aussi l’urgence de revenir aux sources, à l’essence du vrai Djihad : «il est impérieux pour tous, et notamment pour les musulmans de France et du monde, de réhabiliter le « Djihad de la connaissance », le « Djihad du vivre-ensemble » et le « Djihad de la citoyenneté ». Rejetant toute posture de victimisation, l’auteur réserve un chapitre à chacune de ces priorités et insiste sur l’importance d’être acteur de son propre destin et cesser de se complaire dans le rôle du spectateur passéiste.
Les musulmans vivent un cycle de régression historique depuis plusieurs siècles qui puise ses sources dans l’ignorance, le poids du colonialisme, l’oppression des régimes tyranniques et bien d’autres fléaux qui minent le monde arabo-musulman. 

«Mission djihad» souligne avec force que rien n’est irrémédiable. L’auteur y cite un verset coranique rappellant une vérité immuable et indiquant les conditions d’une renaissance possible :  «En vérité, Allah ne modifie pas l’état d’un peuple tant que les individus qui le composen
t ne modifient pas ce qui est en eux-mêmes.»
À ceux qui font l'apologie d'un soi-disant « islam de l'épée », Kamel Meziti oppose l’islam authentique de la Paix, souillé par les terroristes. Par l'assassinat d'innocents, l'enlèvement et la prostitution de jeunes filles, par le trafic d'armes et de stupéfiants, les braquages, le suicide d'hommes et de femmes prisonniers de l'ignorance, l'endoctrinement, les lectures littéralistes mortifères promues par quelques monarchies, alliées de nos démocraties bien pensantes. Un très beau passage du livre a particulièrement retenu mon attention lorsque l’auteur évoque son aversion de ces «meurtriers djihadistes» héritiers du sinistre Hassan Ibn Sabbah, gourou de la secte des assassins.

«La mort est leur métier, leur passion, leur identité, leur savoir-penser morbide, leur seul savoir-faire sanglant. Je refuse les logiques de choc des civilisations, de guerre des religions promues par les adeptes de Huntington. On ne battra pas Daech, Boko Haram et leurs acolytes avec des bombes. La seule bataille efficace se fera à coup de livres, de rencontres entre les peuples, en jetant des passerelles entre les hommes, en promouvant la culture et l’éducation pour désamorcer le choc des ignorances. Plus de justice, de liberté pour les peuples arabo-musulmans et des politiques étrangères plus cohérentes et moins hypocrites de nos démocraties occidentales sont autant d’urgences attendues. Les nébuleuses terroristes sont un peu les bébés de nos démocraties bien pensantes».

L’intérêt de «Mission Djihad» réside aussi dans l’expression décomplexée d’un raz-le-bol où presque tout le monde en prend pour son grade : responsables politiques, responsables musulmans, médias, institutions…Les grandes thématiques d’actualité y sont abordés sans fioriture : place de l’islam dans la société française, laïcité, «déchéance et errance républicaine», état d’urgence, radicalisation, responsabilité de l’Ecole, du CFCM… Il faut retenir de ce bel ouvrage fort éloigné du formatage intellectuel auquel on nous a habitué, que le développement du «djihadisme» puise ses sources dans l’histoire lointaine mais aussi dans l’ignorance, la stratégie du «diviser pour mieux régner», la géopolitique et bien d’autres terreaux. Ce livre que je recommande particulièrement constitue une oeuvre de salubrité publique par les temps anxiogènes qui courent. La conclusion édifiante de l’auteur lui-même dépasse le cadre franco-français et constitue un appel vibrant emprunt d’humanisme.

«Tel le Sisyphe de la mythologie grecque, nous sommes tous acculés à pousser perpétuellement le rocher du vivre-ensemble et de la fraternité alliés à la justice».
 

  

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