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Ces élections qui vont changer la France

Le premier tour des élections présidentielles continue d’attiser les attentions et de susciter un engouement populaire qui rompt incontestablement avec l’apathie des deux dernières décennies.Mais l’augmentation significative des inscrits sur les listes électorales, ainsi que l’évolution du nombre des téléspectateurs suivant les émissions politiques, ne traduisent pas nécessairement des transformations profondes et qualitatives dans les modes de perception des Français, de la politique en général, et de leurs représentants en particulier.

Et pour cause, la politique spectacle, où l’image prime souvent sur le contenu et où les idées s’effacent derrière les apparences, a envahi les espaces publics et privés et s’est emparée des esprits.

Des Français accros aux sondages

En ces temps de populisme ambiant et de course effrénée au sensationnel, les intentions de vote des Français sont scrutées, selon une cadence très soutenue, par des instituts de sondage à l’affût du moindre évènement, de la moindre déclaration et du moindre faux pas pour solliciter à nouveau l’avis de Français acculés désormais à consommer leur dose de sondages à chaque petit déjeuner.

Les sondages ont fini par rythmer la campagne et structurer le comportement électoral des candidats et des électeurs à la fois (plus de 300 enquêtes d’opinion depuis le début de cette campagne et 100 de plus par rapport à 2002), entraînant par la même occasion un déficit abyssal au niveau de l’analyse politique de la campagne et des programmes dont les Français savent réellement peu de choses.

Il est vrai que les commentaires des résultats de sondages omniprésents, souvent contradictoires et par conséquent « volatils » comme l’est le supposé « vote volatil » des Français, empêche toute analyse profonde et sérieuse.

Aujourd’hui, les sondages ont cessé d’être de « simples photographies de l’opinion à un moment donné » comme aiment à le répéter sondeurs et journalistes obnubilés par ce nouvel instrument de pouvoir aussi fascinant que déroutant. Les sondages, qu’on le veuille ou non, font et défont la campagne, décident des candidats, des thèmes, des priorités, des alliances, des tactiques et des stratégies de vote (comme par exemple raviver le réflexe du « vote utile » en insistant sur les différents scénarios du deuxième tour). En somme, un pouvoir inégalement réparti sur les candidats. Certains en bénéficient outrageusement pour asseoir une légitimité, rassurer les troupes ou imposer une thématique.

D’autres, faute de notoriété ou de moyens, en pâtissent…Réduits à une simple arithmétique comptable, ils sont obligés de constater que leurs efforts de campagne sont vite dilapidés quand des sondages, si peu soucieux de « petits candidats plantés dans le décor pour jouer le rôle de simples figurants », continuent d’attribuer les chiffres « selon la tête du ou des clients » !

Rien ne sera plus comme avant

Mais les sondages, s’occupent de l’actualité, ils ne s’occupent pas de l’avenir de la France. En focalisant presque exclusivement sur le premier et l’entre deux tours, ils privent les Français d’une vision d’avenir, de voir surtout que ces élections ne ressemblent pas à toutes les autres…que les enjeux qui en émanent risquent de bouleverser durablement un échiquier politique qui a agencé la vie politique française depuis la vague rose de 1981.

Énième manifestation des multiples frustrations engendrées par cette campagne, peu de Français se doutent qu’une fois leur bulletin dans les urnes, ils ne vont pas changer uniquement de président mais de système politique…et qu’au lendemain du 6 mai rien ne sera plus comme avant dans un pays réputé pourtant pour être frileux au changement.

Les élections de tous les dangers

Paradoxalement, les deux favoris du deuxième tour (annoncés- certains ironiseront « élus »- depuis des mois par la presse et les sondages) sont ceux qui ont le plus à perdre de ces élections.

Tout d’abord, le candidat de la droite républicaine, Nicolas Sarkozy, joue son va-tout dans ses élections ! Pour avoir commencé sa campagne très tôt (depuis son célèbre « pas seulement quand je me rase » en réponse au journaliste de France 2 qui l’interrogeait sur ses intentions présidentielles), le Président de l’UMP a dû mobiliser des moyens colossaux pour parvenir à ses fins. Ressources de l’Etat (place Beauvau, Bercy, ministres en campagne), parti taillé sur mesure, médias majoritairement favorables, soutien appuyé des grands patrons…Rien n’a été ménagé pour assurer la victoire de Sarkozy.

Cependant, la candidature de Nicolas Sarkozy n’a rien de consensuel. L’ancien ministre de l’Intérieur qui ne fait pas dans la tiédeur, a dû éliminer toutes sortes d’obstacles (humains entre autres) qui se dressaient sur le chemin de son sacre. Tant d’animosités, même au sein de son propre camp, qui risquent de rejaillir sur lui en cas de défaite et prolonger par conséquent le fameux TSS (Tout Sauf Sarkozy du premier et probablement deuxième tour) pour « un troisième tour vindicatif » !

D’autre part, l’éventuelle défaite de Nicolas Sarkozy plongerait l’Union Pour un Mouvement Populaire (UMP) dans une crise profonde. Il faut rappeler que ce parti (appelé à sa création Union pour la Majorité Présidentielle) a vu le jour par et pour le pouvoir, en vue de soutenir la candidature du Président Jacques Chirac à sa propre succession en 2002. Un parti créé par le haut et formant un ensemble hétéroclite (RPR, démocratie libérale, les dissidents de l’UDF, les sans étiquettes…) qui risque de s’effondrer si le ciment (Pouvoir) qui a permis un semblant de cohésion venait à manquer.

Car nul doute qu’une défaite de Sarkozy entraînerait une autre, celle de l’UMP. « Un parti de pouvoir » qui n’a jamais connu les bancs de l’opposition depuis sa création, qui serait défait aux présidentielles et aux législatives après s’être fait malmené aux régionales, risquerait de connaître à son tour une longue traversée du désert.

La candidate socialiste n’est pas en reste. Accusée d’être un « pure produit des sondages et des médias », son catapultage au devant de la seine a surpris même les vieux routards de la politique au sein du PS. Son intronisation brusque et inattendue aurait laissé des traces indélébiles sur le moral de ses adversaires qu’une défaite mettrait inévitablement à jour. Et pour preuve les primaires qui lui ont servi de tremplin démocratique se sont apparentées à un référendum contre les éléphants bannis un à un à coups de balai médiatiques.

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La recomposition, de circonstance, du PS avec le ralliement du NPS (Nouveau Parti Socialiste) et le remorquage des vaincus des primaires risquerait de partir en éclats si le scénario cauchemardesque du 21 avril venait à se reproduire. Le Parti socialiste se couperait dès lors en deux : ceux qui partiront vers d’autres cieux et ceux qui resteront pour ramasser les restes du parti.

La gauche libérale, habilement draguée par Bayrou, entamerait son exode vers un Centre vraisemblablement premier bénéficiaire de la déroute de la Gauche. Elle abandonnerait ainsi le parti à des courants pressés de s’entredéchirer dans des luttes intestines et appelés à résoudre une équation aussi difficile qu’inédite : comment faire du changement quand les ténors du renouveau (Ségolène, NPS et les nouveaux adhérents) ont été envoyés au front pour être massacrés à leur tour comme le furent leurs aînés cinq ans auparavant. Les « vieux » défaits à l’intérieur, les « jeunes » à l’extérieur ! Qui se remettrait le premier de ses blessures et engagerait le parti dans une refonte qui n’a que trop tardé ?

Le zapping idéologique

L’autre possible grand perdant de ces élections est Dominique Voynet, si on doit se fier aux sondages et à la campagne en demi-teinte que mène la candidate des Verts. Eclipsés par « le pacte écologique » de Nicolas Hulot signé par la majorité des principaux candidats, les écologistes peinent à trouver leurs marques.

Paradoxalement c’est au moment où la défense de l’environnement devient un enjeu national et planétaire, mobilisant des personnalités de tout premier plan (à l’instar de l’ex-vice-président américain Al Gore qui s’est mué en défenseur de l’environnement planétaire), que les écologistes français connaissent leur pire désillusion.

Ils viennent de l’apprendre à leurs dépens : l’écologie est devenue un enjeu si important qu’il ne faut plus le laisser au seul soin des Verts. Après le social sans le socialisme (Jacques Chirac et sa célèbre prétendue « lutte contre la fracture sociale » en 1995) et le libéralisme sans les libéraux (Le Gouvernement Jospin 1997-2002 avait plus privatisé que les gouvernements Balladur et Juppé réunis), l’exaltation du sentiment national et la stigmatisation de l’immigration sans le Front national…Aujourd’hui, c’est l’écologie sans écologisme qui confirme le dépassement des clivages traditionnels et l’extrême porosité du corps électoral français.

Force est de constater que les Français ne se situent plus par rapport à des idéologies (portées par des partis) qu’ils trouvent obsolètes mais plutôt par rapport à des thématiques qui les préoccupent dans leur vie de tous les jours. En faisant dans le populisme primaire et en pratiquant le zapping idéologique qui consiste à suivre les tendances de l’opinion en s’y accommodant, les partis politiques cessent d’être des points d’ancrage, des repères de lisibilité pour le présent et de visibilité pour le futur. La démocratie en pâtira.

Des élections dans l’élection

Faute de peser de tout leur poids sur l’issue des élections, plusieurs candidats se sont fixés d’autres objectifs dans cette campagne.

Tout d’abord il y a la bataille autour de la représentativité d’une extrême gauche qui commence à exaspérer par la multiplicité de ses candidats qui disent en gros la même chose. La bonne campagne d’Olivier Besancenot, les adieux d’Arlette Laguiller (LO), la déception du leader alter mondialiste José Bové de la Politique en général et des politiciens en particuliers à la suite d’une amère première expérience, la déperdition des communistes placent le candidat de la LCR (Ligue Communiste Révolutionnaire) en pôle position. Fort de cette légitimité populaire, Olivier Besancenot pourrait engager l’indispensable unification de la gauche de la gauche afin de préserver sa place dans le paysage politique français.

A la droite de la droite, les choses sont moins compliquées. Après le retour au bercail de Bruno Mégret président du MNR (Mouvement national républicain), la très probable déconvenue de Philippe de Villiers (Mouvement pour la France), Jean-Marie le Pen et à défaut de rééditer l’exploit de 2002, devrait se satisfaire de l’enracinement durable du FN dans la vie politique française en réussissant à chaque fois à éliminer les concurrents directs, et d’autre part en évitant à son parti une guerre de succession périlleuse par la désignation de sa fille Marine pour reprendre le flambeau. Une démarche fortement légitimée par la campagne dynamique qu’ils mènent en duo.

Une France au Centre

Surprise de cette campagne, François Bayrou aurait marqué ces élections de son empreinte quel qu’en soit le résultat.

Vainqueur, il provoquera un bouleversement dans la vie politique française et s’appuiera sur le verdict populaire pour débarrasser la France du clivage Droite/Gauche. Sa victoire signifiera que les Français veulent être gouvernés au Centre. Il s’y appliquera. Les partis s’y rangeront et les soft (centristes) de tout bord pourraient prendre le pouvoir partout.

Vaincu, il vendra la défaite électorale la plus chère. Courtisé par les deux finalistes, le mot d’ordre qu’il donnera pourrait décider de l’issue des élections présidentielles et législatives à la fois. Les enjeux sont tellement importants que les concessions pourraient être tellement énormes. Gauche ou Droite, le vainqueur sinon se ralliera avec le Centre, du moins il s’en approchera. Les idées centristes auraient triomphé ainsi de toutes les autres en traversant les frontières partisanes.

A défaut de prendre le pouvoir, François Bayrou en aurait balisé le terrain pour les échéances à venir.

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