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Carnet américain – A l’heure où le siècle commença

Trois minutes ce n’est pas grand chose. Comme pour tous les autres électeurs dans cette école c’est le temps qu’il m’aura fallu pour dire non au passé et cocher la case qui portait le nom d’Obama. C’est fait. Il a gagné. Les quelques dix-huit mois de campagne se seront résumés à ça, chronique d’une victoire annoncée en dépit des coups bas d’une droite devenue dysfonctionnelle, des menaces de mort aussi. Même pas sommeil après une heure du matin ici.

Je commence de comprendre qu’en devenant américain je n’aurai pas fait le voyage pour rien. L’histoire, la grande, se plante là devant nous. Un fils d’immigré africain, au sang mêlé, va devenir le prochain président du plus grand pays du monde. Ce qui fait l’homme ce n’est pas l’éloquence, les programmes taillés au scalpel, les conseillers à la pelle, non, il faut simplement parler de sa capacité à rassembler et de son fort sens de la modération.

Le vieux record de participation à une élection présidentielle, en 1960 avec 63%, a été pulvérisé de prés de quinze points. Les groupes minoritaires ont retrouvé un soir durant leur dignité, les 18-25 ans ont abandonné leurs consoles vidéo et leur cynisme anti-establishment, les femmes jadis conquises à Hillary, et les blancs de la classe moyenne qui avaient fraîchement accueilli la candidature d’un noir au nom imprononçable ont pourtant choisi à plus de 40% cet Obama qui, il y a un an à peine, ne payait pas de mine.

Victoire écrasante, servie par un peuple qui dès lors assume sa révolution permanente. En huit années on sera passé d’une élection volée par un candidat dont la personne entière fut tournée vers l’incompétence, à un homme dont la présomption politique aura été d’être à l’heure au rendez-vous du siècle.

L’intrigue de l’histoire de cette campagne a suffi à faire de millions d’Américains humiliés, appauvris, de nouvelles légions sous l’autorité, celle qui ne somme pas mais guide, d’Obama qui, de New York à la Californie, a trouvé des défaites nationales, pour aujourd’hui offrir la victoire historique. Le courage n’a rien à voir. Il fallait le faire c’est tout. Bien sûr, une fois à la Maison Blanche, le 20 janvier, Obama trouvera peut-être incongru, voire exagéré, qu’on attende de lui des miracles. Il saura enfin si son monde, le nôtre, fut celui d’une réflexion ou d’un rêve. Face aux défis astronomiques l’engagement va avoir une autre résonnance que celle où on y entend les promesses de campagnes.

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Obama ce n’est plus tout à fait la politique : c’est l’ambition. Une ambition qui fait de tout un chacun le sujet. Les républicains, eux, se sont crus rationalistes, alors qu’ils n’étaient mêmes plus réalistes. Tout leur aura échappé la guerre, le marché, finalement la cause nationale. Obama travaillera de concert avec un Congrès dévoué à sa cause, grâce à la confortable majorité démocrate.

Un jour viendra où de ce pouvoir hypnotique, puisque sans opposition, naîtra une inquiétude. Si le bonheur aujourd’hui continue de fabriquer Obama, il faudra que ce que le message que nous lui avons confié devienne intelligible, c’est-à-dire que la foi se transpose en talent. Pour de vrai, pour une fois.

Vue sur un écran de télévision une vieille dame noire. Elle ne pleure pas. Elle reparle de sa petite enfance où elle devait s’asseoir à l’arrière du bus. Les médias reprennent en choeur le nom de l’émotion, comme si un peu de non-dit raciste avait été vaincu. Oui, nous revenons de loin et nous n’allons pas ménagé nos sentiments. La vieille dame semble dire qu’hier elle était de nulle part. Aujourd’hui, cet aujourd’hui qui en vaut des milliers, nous l’offrons au monde en provision de sagesse et d’espoir.

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