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Burqamania et autres fantasmes pseudo-républicains

Une douche froide au coeur de l’été. Les hérauts du combat pour une interprétation psycho-rigide de la laïcité sont encore désemparés par l’information révélée par Le Monde. Selon les premières estimations de la police, il y aurait 367 femmes seulement en France à porter la burqa. Objet de fantasme cher aux laïcards de tout poil, le vêtement avait fait sensation dans les débats politiques et parmi les éditorialistes comme s’il s’agissait d’un ovni géant planant au-dessus de la République, prêt à désintégrer la cohésion sociale.

La seule "théorie du complot" tolérable pour certains décideurs politiques et médiatiques, celle de "l’islamisme rampant des cités", avait enfin retrouvé sa vigueur, grâce aux efforts louables du député André Gérin. Celui-ci avait demandé le 8 juin dernier la création d’une commission d’enquête parlementaire pour enrayer ce qui était alors perçu comme le nouveau danger issu des banlieues ; une soixantaine de parlementaires de tous bords se sont alors empressés avec panache de souscrire à l’appel de l’élu communiste, rejouant une parodie de l’Union nationale.

Las, c’était, encore une fois, beaucoup de bruit pour rien. Et le contre-coup n’est pas venu d’une quelconque officine islamo-gauchiste mais bien des services de renseignement. Ironie du sort, c’était également la police qui avait contredit la thèse anxiogène apparue, fin 2005, durant les révoltes des quartiers populaires selon laquelle les meneurs émeutiers étaient en réalité manipulés par des imams salafistes opérant en coulisses. "Tremblez, braves gens, les islamistes sont déjà là mais nous résistons, luttons et triompherons !", tel est le message délivré en filigrane par d’habiles opportunistes à l’émergence de chaque nouveau fait divers islamo-exotique.

Autre fantasme battu en brèche, la fameuse soumission de la femme à son brutal -il va de soi- mari ou frère : selon le même rapport de police, les femmes arborant cet usage -rarissime en terre d’islam- seraient volontaires et militantes, et non pas contraintes par la force ou par la pression familiale. Dans l’émission "Mots croisés" du 29 juin, présenté par l’inénarrable Yves Calvi et consacré à la question de l’interdiction de la burqa, la position féministe était pourtant le principal angle d’attaque pour Fadela Amara et Elisabeth Badinter.

La secrétaire d’Etat, se disant "réjouie de ce débat national", y redoutait une "confiscation de la République et de la démocratie" tandis que la philosophe alla jusqu’à déshumaniser ces femmes, préférant parler de "fantômes noirs qui font peur aux enfants"…Le nouveau film à l’affiche pour ces grands enfants présumés que sont les citoyens ? "Ghostbuster contre Belphégor", version franco-pachtoune. Il faudra attendre janvier 2010, et la remise du rapport de la mission parlementaire, pour connaître le nombre d’entrées de ce succès escompté.

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A chaque saison son marronier. Après le réseau terroriste islamiste prêt à frapper à tout moment en France, les dangereux-jeunes-des-cités-machistes-et-amateurs-de-tournantes, le redoutable voile prosélyte à l’école, les sauvageons-pyromanes et autres émeutiers-semeurs de chaos, il était nécessaire d’actualiser la machine à fantasmes. Il faut remercier les 367 adeptes de la burqa, non pour leur choix vestimentaire ou leur interprétation du rôle social de la femme, mais pour avoir permis d’y voir plus clair.

Ce que le voile intégral aura paradoxalement dévoilé, c’est bien l’instrumentalisation -récurrente- de l’islamophobie latente dans une frange de l’opinion publique, à des fins électorales par certains politiques et commerciales par des journalistes désoeuvrés en quête de sensationnalisme. A l’annonce de l’évaluation par la police du nombre de sectatrices de la burqa, les principaux députés alarmistes ont réagi avec la même attitude : pas de mea culpa pour avoir exagéré la menace fantôme mais au contraire un raidissement.

Gérin, de Rugy, Myard, Luca, tous sont d’accord, telles des autruches la tête dans le sable, pour continuer dans le déni de réalité car, comme le dit si justement le député Ump Jacques Myard, "ce n’est pas une question de chiffre mais de principe. Je veux un signal fort !". Promis, braves électeurs : la stigmatisation-de-qui-vous-savez continuera.

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