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Bruxelles : une jeune mère de famille refoulée du cirque Bouglione en raison de son voile

Tout à sa joie de s’octroyer une parenthèse récréative en compagnie de ses deux jeunes enfants, Safia Chaddad, 26 ans, une mère de famille bruxelloise, était loin d’imaginer que son dimanche au cirque serait plus humiliant que festif, plus désenchanté qu’enchanteur, sous des chapiteaux où, avant même que le spectacle ne commence, l’islamophobie violemment ordinaire a frappé.

Munie des invitations remises par une amie qui travaille avec l’association européenne interinstitutionelle Afiliatys, la jeune femme voilée était heureuse de retomber en enfance en ce dimanche 6 décembre, entourée de ses deux charmants bambins de 3 et 5 ans qui avaient les yeux brillants à l’évocation de la piste aux étoiles. Un instant de pur bonheur attendu avec impatience et partagé en famille, puisque ses deux sœurs l’accompagnaient, mais dont la magie n’aura pas opéré longtemps, à la consternation générale.

En franchissant l’entrée du cirque Bouglione qui avait dressé ses tréteaux au pied de l’Atomium, à Bruxelles, Safia Chaddad prenait plaisir à découvrir les lieux avec le regard émerveillé de l’enfant qui sommeillait en elle, sans réaliser qu’elle détonnait dans le paysage en raison d’un voile porté depuis l’âge de 13 ans qu’elle était la seule spectatrice, ce jour-là, à arborer.

Alors que ses deux petits se régalaient des friandises qui étaient offertes aux jeunes gourmands pour la Saint Nicolas, un homme, le visage renfrogné et autoritaire, est brusquement arrivé à sa hauteur, la pointant du doigt comme s’il désignait une vulgaire resquilleuse ou criminelle, sans le moindre égard pour ses enfants effrayés et ses deux sœurs atterrées, avant de lui barrer l’accès au cirque en hurlant : « Vous, vous ne rentrez pas ! ».

L'immense stupeur passée, Safia Chaddad, d'abord figée sur place et incapable de réagir, a réussi à demander des explications à celui qui se présentait, le ton menaçant, comme le directeur d’Afiliatys. Ce dernier est alors entré dans une colère noire pour toute réponse, lui lançant furieux : « C’est votre foulard ! Tout signe religieux est interdit, allez voir le règlement sur les tickets ! ».

A ces mots, la jeune femme s’est empressée de vérifier ce que stipulait le règlement du cirque Bouglione, mais contrairement aux vociférations du directeur d’Afiliatys et à son interprétation liberticide de la charte interne, il n’est fait mention nulle part de l’interdiction du port du voile et de tout autre couvre-chef religieux ostensible.

Soutenue par ses sœurs non voilées scandalisées, Safia Chaddad a pris son courage à deux mains pour protester contre ce refoulement arbitraire. Son interlocuteur, mis hors de lui par la résistance qui lui était opposée, est alors sorti de ses gonds, se disant prêt à appeler la police. La police, dont certains agents se trouvaient sur place pour surveiller le cirque, a observé de loin l’incident, sans juger bon de voler à la rescousse du directeur d’Afiliatys…

« J’ai finalement quitté les lieux, avant qu’il ne mette ses menaces à exécution, par fierté et pour préserver ma dignité », nous a confié Safia Chaddad, encore sous le choc de ce dimanche de fête gâché par un abus de pouvoir caractérisé, révélateur du racisme anti-musulmans prégnant. 

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« L’amie, grâce à qui j’avais pu obtenir ces invitations et qui était à nos côtés, a pris mes petits pour qu’ils puissent assister au spectacle, tandis que je décidais de partir. Je n’ai pas encore porté plainte, mais je compte bien le faire. Mes amies s’en sont déjà chargées auprès de la ligue des droits de l'homme, et j'attends actuellement de voir ce qu’il va en ressortir », nous a-t-elle précisé.

Safia Chaddad n’avait jamais subi un tel affront de toute sa vie et la sidération n’en a été que plus grande lorsque cette discrimination impensable s’est abattue sur elle, glaçant d'un coup l’enthousiasme de sa petite famille qui s’apprêtait à rire aux éclats et à passer un merveilleux moment de réjouissance.

« Je porte le voile depuis l'âge de 13 ans, j'ai fait toutes mes études en étant voilée et jamais je n'ai connu cela !  Ça été un énorme choc qui a d'ailleurs handicapé ma réaction», a-t-elle renchéri, toujours en proie à une forte émotion, en soulignant toutefois : « Sincèrement,  je ne pense pas qu'il y ait une montée de l'islamophobie en Belgique depuis tous ces événements (les attentats de Paris et l’état d’urgence décrété à Bruxelles), notamment à Bruxelles car j'y vis et je ne la ressens pas du tout. Bien au contraire, les gens ont l'air d'être compatissants, on dirait ! Al hamdoulillah, mes enfants ont très vite oublié, même si sur le moment, ils étaient apeurés, ne comprenant pas ce qui se passait».

Les jours passent mais sans apaiser le traumatisme ressenti par Safia Chaddad, d’autant plus que la récente révélation d’une collègue du directeur d’Afiliatys l’a profondément heurtée, ravivant son sentiment d'humiliation : « Aujourd’hui, je reste très choquée par cette situation et surtout par ce que je viens d’apprendre : ce fameux Monsieur Eveillard (directeur général d'Afiliatys) aurait ordonné à sa collègue, qui distribuait les petites assiettes de St Nicolas aux enfants, de ne pas en donner à mes enfants, car leur mère était voilée ! C'est inadmissible et condamnable !», s’est-elle exclamée, indignée.

« Mon but est de partager cette humiliante mésaventure avec vos lecteurs et leur dire qu'il ne faut pas se taire, mais bel et bien réagir face à ces discriminations », a conclu Safia Chaddad, blessée au tréfonds d’elle-même mais déterminée à ne pas rendre les armes devant l’intolérance sectaire et agressive qui a fait d’un dimanche au cirque, distrayant et joyeux, une épreuve mortifiante.

Lire également le droit de réponse du Cirque Bouglione 

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