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Boycotter l’apartheid

Depuis le jeudi 11 juillet, un nouvel élan a été donné à la campagne de boycott des produits issus des colonies israéliennes. Lors de la conférence de presse organisée à Paris, l’occasion fut donnée en effet aux militants à l’origine de ce projet d’expliciter plus avant les raisons de cette campagne. Animé par Olivia Zémor de la Coordination des Appels pour une Paix Juste au Proche-Orient (CAPJPO), le débat a été riche en interventions diverses.

Le boycott : une tradition du monde scientifique

Parmi les intervenants et pour représenter le monde scientifique, le physicien Gérard Toulouse a pris la parole. Il a expliqué que le boycott des produits en provenance d’Israël se comprend dans une perspective résolument humaniste, visant à rompre de façon définitive avec la tradition coloniale française. L’occasion est ainsi donnée à la France d’affirmer de manière forte et dénuée de toute ambiguïté son rejet de toute entreprise coloniale en vertu des lois et des valeurs républicaines établissant la pleine égalité des hommes de tous pays. Il s’agit donc selon Gérard Toulouse d’un combat pour affirmer l’universalité des droits humains. Monsieur Toulouse a rappelé que les mathématiciens ont été à l’origine des premières campagnes de boycott dans les années 70 visant à protester contre les crimes de l’ex-URSS et pour témoigner leur solidarité envers les refuzniks russes. Il a aussi évoqué le combat des Roses, ce couple d’universitaires britanniques qui ont été parmi les premiers à appeler à un moratoire pour la cessation des relations scientifiques avec les institutions israéliennes. En effet, Israël est le seul pays du Proche-Orient à participer aux activités scientifiques européennes.

Boycotter pour soutenir les forces démocratiques

Lui succédant, Eyal Sivan, le cinéaste israélien et opposant au régime de Sharon a rendu un hommage appuyé aux mouvements pacifistes israéliens et arabes qui luttent contre la colonisation et le régime d’apartheid israélien : Taa’ya Yoush, Gush Shalom, le Mouvement judéo-arabe etc ; la campagne de boycott sert à donc à renforcer la lutte de ces organisations pacifistes. Monsieur Sivan a rappelé en outre que ces mouvements appelent eux-mêmes au boycott économique d’’Israël, afin de faire pression sur les autorités israéliennes. Pour lui, le fait que les colons tentent de camoufler la provenance des produits qu’ils exportent constitue une preuve de l’efficacité de cette campagne de boycott. Le boycott est donc une manière de soutenir activement les mouvements démocratiques israéliens contre la repression du pouvoir en place. En effet, a rappelé Eyal Sivan, le boycott des produits culturels est aussi réclamé par des artistes israéliens. Ainsi, le boycott ne constitue pas seulement une manière d’exercer des pressions économiques sur l’Etat hébreu, il s’agit aussi de mettre l’accent sur les limites de l’impunité. Sivan rappelle ainsi le slogan des refuzniks, ces dissidents de l’armée israélienne qui refusent de prendre part à la repression coloniale ordonnée par l’Etat hébreu : “Yesh Gvoul”, c’est à dire “Il y a des limites”.

Répondre pacifiquement à une agression

Suleiman Abu Odeh, membre de l’Association Franco Palestinienne d’Echanges Culturels (AFPEC), une organisation qui vient en aide aux enfants palestiniens a souhaité expliquer les raisons de son combat. Il a insisté sur le fait que la campagne de boycott, loin de constituer un acte de guerre est au contraire une réponse pacifique à une agression militaire de grande envergure. Il s’agit aussi de s’opposer au négationnisme israélien qui réfute tout droit au peuple palestinien à une vie digne quand il ne nie pas sa propre existence. Ainsi, Monsieur Abu Odeh a rappelé pour illustrer son propos, cet incident incroyable s’étant produit quelques jours plus tôt lors d’un vol de la compagnie Air France reliant Paris à Tel Aviv. Le pilote français a ainsi souhaité aux passagers la “bienvenue en Israël, bienvenue en Palestine”. Le seul mot de Palestine aura suffi a susciter de très vives réactions des passagers israéliens au point de provoquer de véritables échauffourées dans l’avion.Comme l’explique Suleiman Abu Odeh, cette remarque du pilote n’est nullement dénuée de fondement dans la mesure où la destruction de l’aéroport de Gaza par Israël (une destruction qui n’aura suscité aucune mesure de rétorsion contre Israël de la part de l’Union européenne, pourtant à l’origine de la construction de cet aéroport) oblige les passagers en direction des territoires palestiniens à passer par Tel Aviv. Par la suite, induite par le régime israélien et les médias de l’Etat hébreu, une véritable campagne de haine et de diffamation a été menée, dirigée contre le pilote d’Air France au point d’appeler au…boycott d’Air France !

Parmi les médias représentés lors de cette conférence de presse, on a pu entendre des journalistes de France Info, Le Monde, France Culture, France dimanche ou encore Radio Méditerranée, etc.

Pour France Info, Bertrand Galichet s’est interrogé sur le volume des exportations israéliennes en direction de la France. Il lui a été répondu que les produits agricoles israéliens sont exportés vers la France pour un montant de 2 milliards d’euros !

Pour le Monde, Mouna Naïm a demandé si d’autres pays organisent pareillement des campagnes de boycott des produits israéliens. Mme Zémor a rappelé qu’à l’initiative de multiples organisations, un boycott “silencieux” d’Israël a vu le jour dans de nombreux Etats du monde ; par exemple, la communauté scientifique du MIT a fait circuler une pétition appelant au boycott des produits en provenance d’Israël qui a déjà recueilli 500 signatures.Par ailleurs, le ministre sud-africain (et juif) des Eaux et des Forêts a appelé également au boycott. Olivia Zémor a en outre rappelé que les sanctions à l’encontre de l’Afrique du Sud pendant l’Apartheid ont mis des années à être mises en oeuvre.

Pour France Palestine Solidarité, Bernard Ravenel a tenu à insister sur le fait que les sanctions contre le pouvoir israélien sont réclamées en raison des violations du droit qu’il commet et singulièrement son mépris du chapitre VII de la Charte des Nations Unies. La société civile a t-il souligné, doit appeler les hommes politiques à exercer des sanctions collectives. A cet égard, l’enjeu principal du boycott est d’ordonner la suspension de l’Accord d’association liant l’Union européenne à Israël. Monsieur Ravenel, reprenant à son compte un discours prononcé par Claude Cheysson explique qu’Israël “ne tiendrait pas deux mois”si la rupture de l’accord d’association devait être mise en application.

Une bataille morale

Jean-Claude Amara est intervenu en qualité de militant au sein de l’Organisation Droits devant ! , mais aussi au nom de la Confédération paysanne et de la Campagne civile internationale pour la protection du peuple palestinien. Il a témoigné de ce qu’il a vu lors d’une mission conduite par son mouvement dans les territoires palestiniens en juin 2001. Ce qui a pu ainsi être constaté, c’est une situation d’”apartheid total”, a t-il affirmé. Ainsi, c’est à une véritable bataille morale que Jean-Claude Amara a appelé. Il s’agit d’interpeller une “citoyenneté silencieuse” afin d’induire un mouvement de refus issu de la société civile en vue de parvenir à la rupture des Accords d’association. La mobilisation de la société civile doit donc servir à pourvoir aux manquements des hommes politiques.

Enfin, Bernard Ravenel a rappelé qu’une résolution appelant à un moratoire afin qu’il soit mis un terme aux relations économiques avec Israël a été votée par le Parlement européen en avril dernier, à l’initiative du groupe des Verts et particulièrement de Madame Alima Thiery-Boumédiène. Les candidats aux élections législatives ont tous été interpellés afin que cette mesure soit enfin appliquée effectivement, certains comme Noël Mamère ont répondu positivement à cet appel. Le 23 juillet prochain, le groupe socialiste au Parlement européen a promis de débattre de la question du boycott et devra informer de sa position à cet égard.

Pour l’heure, Olivia Zémor a appelé à boycotter les produits estampillés Carmel et Jaffa et de façon générale ceux portant le code 0729 ( l’identifiant d’Israël). Considérant les efforts entrepris par Israël pour camoufler la provenance des produits issus des colonies, la CAPJPO appelle à la vigilance : il s’agit d’interpeller les responsables des supermarchés des manquements observés quant à leur obligation d’indiquer le pays d’origine des produits en vente, s’ils refusent de se soumettre à leur devoir d’information, il est possible d’en informer les services de repression des fraudes.

A l’issue des débats, nous avons interrogé Eyal Sivan, cinéaste et pacifiste israélien ainsi que Khalil Shaheen, un militant palestinien des droits de l’homme.

 

Monsieur Sivan, votre engagement en faveur de la paix et contre la colonisation vous met-il en danger en Israël ?

 

E.S :

Pas du tout ! Au pire, je suscite l’indifférence, mais je ne cours pas de danger particulier. Cela justement graçe aux pressions internationales ! Le régime israélien est très sensible aux critiques du monde extérieur, c’est pourquoi les mouvements pacifistes sortent renforcés de la campagne de boycott et de pressions organisée contre Israël. Je suis bien sûr très critiqué par des Juifs sionistes extrémistes, aussi bien en France qu’en Israël. En général, je suis insulté de tous les noms, de “traître” par exemple, mais les injures prouvent justement que mes contradicteurs sont à court d’arguments.

 

Mais des personnalités prestigieuses, comme l’historien et professeur de faculté Ilan Pappé ont vu leur liberté et leurs activités professionnelles menacées du fait de leurs prises de positions anti-Sharon. N’avez-vous rien à craindre à cet égard ?

 

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E.S :

Et bien justement, le gouvernement israélien a dû relâcher la pression à l’encontre de Pappé. Je pense que cet exemple illustre bien l’importance du boycott et de la campagne menée internationalement pour dénoncer Israël, cela a vraiment un impact sur la politique intérieure israélienne et c’est très important pour les pacifistes et opposants au pouvoir israélien.Plus la pression extérieure est vive, plus le pouvoir israélien est affaibli.

 

Outre les manifestations comme celle-ci à laquelle vous participez, quels sont les moyens dont vous disposez pour rendre compte de la réalité de l’apartheid dans les territoires palestiniens ?

E.S :

 

En tant que cinéaste, ce sont tout naturellement les films que je produis qui servent de support à mon discours d’opposant. Je réalise donc des films qui dénoncent la colonisation des terres palestiniennes, et c’est ma façon de défendre le camp de la paix. D’ailleurs, je prépare actuellement un film avec des acteurs palestiniens pour dénoncer le sort qui est réservé à ce peuple…

Khalil Shaheen, un Palestinien qui est venu en France témoigner en sa qualité de militant des droits de l’homme a également répondu à nos interrogations (avec l’aimable participation de Suleyman Abu Odeh pour la traduction).

 

Monsieur Shaheen, quel message êtes vous venu délivrer au nom du peuple palestinien ?

 

K.S :

 

Je suis venu évoquer les conditions de vie très difficiles de mon peuple, les exactions israéliennes qui font de chaque jour une lutte contre la mort pour tout le peuple palestinien. C’est un combat que doit mener tout Palestinien, qu’il soit militant ou nom, homme, femme ou enfant. C’est une situation alarmante et très éprouvante, et nous avons besoin que la communauté internationale réagisse au plus vite pour y mettre un terme.

 

Vous êtes vous-même critique à l’égard de l’Autorité palestinienne que vous accusez d’abus dans l’exercice de la repression menée contre ses opposants. Que répondez-vous à ceux qui vous objectent que la critique de la politique d’Arafat doit être la priorité avant celle du gouvernement israélien ?

 

K.S :

 

Je réponds que les torts reprochés à Arafat sont sans commune mesure avec la guerre aveugle, terriblement meurtrière menée contre le peuple palestinien. En outre, il n’y a pas contradiction à exercer un esprit critique contre nos propres dirigeants et contre ceux qui nous occupent, au contraire ce n’est que logique et dans la droite ligne de notre combat de défenseurs des droits de l’homme. Notre lutte pour la liberté dépasse les frontières. Mais notre combat pour un Etat démocratique ne peut se faire sans lutter d’abord contre l’occupant qui nous opprime, qui méprise nos vies et nos libertés, nos droits humains les plus élémentaires. Mettre un terme au carnage, c’est la priorité. Et j’espère que le boycott d’Israël servira à cela.

 

Nous rappelons que les produits fabriqués en Israël ont un code barre commençant par 729

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