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Le retour du diable

La conséquence de la crise économique mondiale ou un signe de la fin des temps ? Les possessions démoniaques seraient actuellement en nette augmentation : tel est le constat dressé par une assemblée de prêtres catholiques, réunis la semaine dernière à Baltimore, aux Etats-Unis. En réaction, les religieux ont insisté sur la nécessité d’un retour aux fondamentaux de l’Eglise à travers le recours à la pratique, tombée en désuétude, de l’exorcisme.

Envie d’une reconversion radicale ? Devenez exorciste aux Etats-Unis. C’est le message, en substance, qui ressort de la “Conférence sur la pratique pastorale et liturgique de l’exorcisme” qui s’est tenue à Baltimore vendredi et samedi. 56 évêques et 66 prêtres ont fait part de leur sentiment quant à l’évolution du sacerdoce et aux difficultés rencontrées. Loin de se plaindre d’une désaffection des églises, ils ont souligné, au contraire, un regain d’intérêt pour la religion et, chose nouvelle, évoqué une hausse, ces derniers mois, du signalement de personnes présentées par leur entourage comme “possédées”.

Problème : il n’y a que 5 ou 6 exorcistes reconnus et considérés comme “professionnels” sur tout le territoire des Etats-Unis. Voilà pourquoi les conférenciers ont proposé que chaque diocèse puisse dorénavant disposer d’un prêtre référent dans ce domaine afin de pallier à la recrudescence des cas d’envoûtement. Seul un prêtre qualifié, et reconnu comme tel par un évêque, peut être autorisé à exorciser un fidèle. Jusqu’alors, l’Eglise catholique reconnaissait la réalité de la possession démoniaque tout en insistant sur la rareté du phénomène. Depuis 1999, des procédures rigoureuses (examen médical et psychologique, entretien avec des proches) sont effectuées au préalable pour évacuer d’emblée les cas relevant de la psychiatrie. Comme l’indique Thomas Prapocki, directeur du Comité des évêques pour les affaires canoniques et la gouvernance de l’Eglise, “notre principe, c’est d’abord d’évaluer les causes naturelles avant d’aller au niveau surnaturel“. A Baltimore, les représentants américains du culte catholique et romain ont voulu signifier que ce phénomène était plus répandu qu’il n’y paraît et que des mesures drastiques de formation à ce rite s’imposaient rapidement.

Quant aux symptômes de la possession démoniaque, ils sont nombreux : morsures, insultes, scarifications, insomnies, manque d’appétit, force inhabituelle, l’expression en des langues inconnues, l’aversion aux paroles religieuses et le violent rejet de tout contact d’un élément sanctifié. Selon le catéchisme, l’exorcisme consiste précisément en “l’expulsion des démons à travers l’autorité spirituelle accordée par le Christ à l’Eglise“. C’est aussi long et laborieux que “d’éplucher un oignon” selon Jeffrey Grob, prêtre de l’église Ste Celestine à Elmwood Park. De l’eau sanctifiée, un crucifix, des reliques ou du sel peuvent s’avérer nécessaires pour l’opération. En Europe, ils sont une douzaine à exercer, de manière unanimement reconnue, le rite de l’exorcisme. La Pologne, l’Italie, la Suisse et la France sont les territoires où cette pratique se maintient, voire se développe.

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Vade Retros, Shaytan

Qu’en est-il en terre d’islam ? Si la possibilité d’une possession démoniaque est une croyance largement répandue parmi les populations musulmanes, il est difficile d’en évaluer le succès. La pratique d’une “libération” revient le plus souvent à des figures théologiques marginales ou indépendantes, comme le marabout en pays africain, et non pas nécessairement à l’imam de la mosquée. Contacté par Oumma, une source proche de cette tradition au Maroc confirme deux nouveaux faits : d’une part, le recours à des exorcistes musulmans de plus en plus fréquent par des personnes issues des classes aisées et, d’autre part, un accroissement des demandes en provenance des Français d’origine maghrébine et des touristes originaires du Moyen-Orient. Une double innovation qui vient corroborer le constat des prêtres catholiques sur la hausse des allégations d’envoûtement : auparavant, les professions libérales des pays musulmans, typiquement occidentalisées, avaient tendance à dédaigner les pratiques exorcistes, assimilées à de la superstition populaire. En outre, l’augmentation de la “clientèle” en provenance de l’étranger renforce l’idée d’un succès, discret mais croissant, de tels usages. Il n’est pas non plus rare de rencontrer, en France, des personnes de culture musulmane qui conservent dans leurs affaires personnelles, et au quotidien, un “talisman” pour se protéger précisément de toute possession démoniaque.

Pour certains scientifiques, adeptes du courant positiviste, il s’agit là d’un retour de la “pensée magique” en réaction à la crise de civilisation qui toucherait l’époque contemporaine. Pour d’autres, plus proches du mysticisme ou des tendances apocalyptiques, ce renouveau du spiritualisme et de l’occultisme est la caractéristique de la fin d’un cycle de l’histoire humaine, annoncé par les prophètes des diverses cultures et préfigurant une mutation religieuse globale. Quoiqu’il en soit, les démons, ou “Djinns”, prolifèrent, eux qui furent déjà redoutés, jadis, par un certain Victor Hugo : “Les Djinns funèbres, fils du trépas, dans les ténèbres, pressent leurs pas ; leur essaim gronde : ainsi, profonde, murmure une onde qu’on ne voit pas“.

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