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La notion de Djihad dans les écoles françaises (partie 1/2)

La civilisation musulmane est au programme d’Histoire de la classe de cinquième. Elle occupe un chapitre dans chaque manuel scolaire qui est rédigé par une équipe de professeurs d’Histoire et Géographie. Toutes les éditions présentent la civilisation islamique comme une « civilisation brillante » durant des siècles dont plusieurs villes comme Bagdad, Damas, le Caire et Cordoue constituaient des carrefours au niveau des sciences et cultures dans tous les domaines du VIIIe jusqu’au XIIIe siècle (Manuels scolaires éd.1997 de Magnard( page 27-31) Belin( page 37) Hatier ( page36-37) Hachette (page 26-27) Nathan( page 34-38) et Bordas (page34-35 )). On peut lire notamment qu’« Au Moyen Âge , la médecine, les mathématiques, la géographie et l’astronomie des musulmans sont très en avance sur ce qui existe en Europe occidentale (…) la ville centre économique (…) le savoir , une citadelle , une medrasa » ( Bordas 1997, page34-35).

Les auteurs de ce chapitre dans toutes les éditions s’accordent à écrire que cette civilisation , a non seulement conservé l’héritage culturel et scientifique des Grecs et des Persans mais l’a aussi développé. L’édition Belin (page 37) cite certains termes qui sont d’origine arabe (magasin, amiral , arabesque , mousseline..) et autres inventions issues de cette la civilisation arabo-musulmane (telles que ’l’ algèbre,chiffre , zéro’, etc..)

Si l’image de la culture et de la civilisation islamiques est positive, celle de la religion islamique est par contre négative. Pourtant une civilisation aussi brillante dont le fondement demeure la religion témoigne de son attachement aux valeurs de « liberté ,d’égalité de solidarité , de tolérance , d’ouverture sur les autres cultures… »

Mais il semble que les auteurs du chapitre « la civilisation musulmane » confondent religion et pratiques culturelles, ainsi que l’ Islam avec les attitudes de certains musulmans dits « extrémistes » ou des politiques qui manipulent l’Islam comme moyen de légitimation de pouvoir. L’étude de certaines notions comme la polygamie , le djihad , le califat en islam par certains historiens français auteurs de ce chapitre démontrent la persistance de certains préjugés sur l’islam.

 

 

Le djihad en islam

Plusieurs langues ont emprunté à l’arabe ce terme avec un glissement au niveau du sens .Ce qui a entraîné à entretenir une image déformée de l’islam. Étymologiquement, djihad en arabe veut dire « effort » et le verbe djahada « faire des efforts » . Le mot djihad se trouve dans le Coran précédé de son verbe à l’impératif adressé à Mahomet

Le sens du djihad dans ce verset signifie : débat, discussion, conviction qui implique des efforts au niveau mental. C’est la raison qui domine et non la violence , la sagesse et non l’extrémisme. Le verset suivant précise la règle de politesse, de respect et de liberté :

Après ce djihad qualifié de grand djihad , Mahomet en signale deux autres formes :

1- « Le meilleur djihad , c’est prononcer le mot juste en face d’un sultan injuste ». L’interlocuteur du sultan doit appliquer la règle de politesse et chercher les mots convenables . Car l’objectif est de réussir à convaincre sans heurter , sans déclarer la guerre contre le chef de l’Etat .

2- « Le plus grand djihad , c’est l’effort interne contre soi-même ». L’objectif est de purifier son âme pour s’élever spirituellement, être un citoyen exemplaire au sein d’une société musulmane ou pas.

Ce petit djihad est autorisé seulement en islam pour se défendre contre les agresseurs aussi bien au niveau d’un individu ou au niveau d’une société avec les moyens appropriés. Ce qu’on appelle en occident « légitime défense ». Mais le musulman n’a pas le droit d’attaquer le premier une personne ou un pays . Le verset coranique est clair

« Combattez dans le sentier d’Allah ceux qui vous combattent, et ne transgressez pas. Certes. Allah n’aime pas les transgresseurs ! ».(Sourate 2 verset 190) .

Les théologiens musulmans sont tous d’accord sur la règle suivante : Le principe dans les relations entre les musulmans et les autres sociétés est la paix et non la guerre .

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La notion de djihad à l’école française

 

Le programme d’histoire de la classe de cinquième contient un chapitre sur la civilisation islamique. La notion de djihad est mal présentée. Il semble là aussi que les historiens auteurs de ce chapitre, dans les différentes éditions : Hatier, Nathan , Magnard , Hachette, Bordas et Belin opèrent une confusion entre les événements historiques , les versets ou les parties des versets coraniques coupés de leur contexte . On a tendance à présenter le djihad en islam comme une agression ou guerre sainte pour « étendre ou défendre l’islam » ( cf.l’édition de 1997 de Hachette (page 26) , Magnard(page23) , Nathan (page34) et Hatier (page 28) .

Or le djihad en islam est autorisé non seulement pour défendre la religion mais aussi en cas de légitime défense ( défendre sa vie , ses biens, les siens , sa liberté ). Au niveau d’ un Etat, c’ est le pouvoir politique qui peut déclarer la guerre contre un pays agresseur. En aucun cas l’islam n’autorise l’agression car le Coran précise que

Par contre la notion « étendre l’islam » par le djihad est contraire à l’esprit de la religion musulmane. Plusieurs versets coraniques interdisent l’agression et ordonnent le respect de la liberté religieuse

Mais pourquoi cette confusion dans les manuels scolaires ? Il semble bien que les auteurs confondent religion et événements historiques : deux disciplines complètement différentes. La première « appartient » aux théologiens et le second aux historiens .Un historien ne peut pas remplacer un théologien, et surtout il ne peut présenter pour justifier sa thèse la moitié d’un verset ou même un verset dont le sens est dépendant d’un ou des versets précédents ou suivants. Dans les domaines littéraires, scientifiques et historiques, une citation est toujours la bienvenue à condition quelle ne soit pas déformée, et qu’il ne manque pas certains éléments qui pourraient lui donner un contresens .

On est surpris de constater dans plusieurs éditions cette manipulation des versets coraniques. Le manuel de Nathan (page34) , par exemple, présente ainsi le djihad ( Cf le document 2)

Au dessus de ce document se trouve une miniature arabe du XVe siècle qui présente un cavalier arabe en position d’attaque. Le titre de cette miniature est : « la conquête arabe » mettant ainsi en évidence le caractère belliqueux du djihad . D’autre part l’auteur du manuel a tronqué le verset en enlevant des mots qui sont indispensables au lecteur pour la compréhension du véritable sens de ce verset . Le lecteur aurait du lire

De plus l’auteur a cité le milieu du verset coranique. « J’effacerai …  » qui s’inscrit dans une suite des versets numéros 191-194 dont le contenu est une prière . Le début du verset cité dans le manuel scolaire n’est pas « J’effacerai … » mais « Dieu les excuse … » . L’historien en question semble apparemment seulement préoccupé par trouver une référence coranique justifiant le sens de la miniature arabe du XVe siècle . Il a donc supprimé sciemment le début du verset , ainsi que le passage qui contredit son illustration. Il a peut-être utilisé une traduction du Coran qui divise parfois un verset en deux. La traduction est une trahison du texte original.

La conquête arabe s’inscrit dans l’histoire de la politique arabe surtout durant l’époque des deux dynasties Omeyyade et Abbasside. Un historien devrait distinguer les textes religieux des documents historiques et être prudent quand il présente un document scolaire qui vise à l’enseignement des civilisations. Le rôle de l’école et celui de l’historien n’est en aucun cas d’entretenir des préjugés négatifs sur certaines religions.

 

A suivre…

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Un peu de poésie dans ce monde de brutes !

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