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Christophe Barbier : « Plutôt Ben Ali que les barbus »

Coming out. Vendredi, sur Canal plus, Christophe Barbier, directeur de l’hebdomadaire L’Express, a confessé préférer au sujet de la Tunisie un régime dictatorial, pourvu qu’il soit « républicain », à une démocratie dans laquelle les « barbus » seraient partie prenante.

Vendredi après-midi, dans une émission enregistrée juste avant l’annonce du départ de Ben Ali, Christophe Barbier assène que « l’inquiétude, c’est l’islamisme ». Face à lui, Ali Baddou et Jean-Michel Apathie, peu suspects pourtant d’islamogauchisme, rappellent les persécutions subies par les islamistes dans la plupart des régimes arabes. Extraits choisis :

– Christophe Barbier : Est-ce qu’il y a vraiment une alternative politique disponible ? Est-ce qu’il y a un Vaclav Havel tunisien ?(…) J’en suis pas sûr. Et l’inquiétude, c’est l’islamisme(…) Il y a, à un moment donné, un islamisme politique qui menace de prendre le pouvoir.

– Ali Baddou : Ah, bah oui, mais vous voulez la démocratie ou vous voulez la dictature ? C’est-à-dire qu’en l’occurrence, à un moment donné, il faut laisser les gens s’exprimer, voter, et l’islam politique existe en Tunisie, comme ailleurs… Vous parliez des Frères musulmans en Égypte, ils sont massacrés, ils sont tenus, euh, souvent torturés, arrêtés. Bon, en Tunisie, c’est le cas aussi, est-ce qu’il faut les laisser s’exprimer ou pas ?

– Christophe Barbier : Je veux la république. Si la république passe par la démocratie, c’est tant mieux, mais s’il faut parfois combattre les mécaniques démocratiques pour sauver la république… 

– Jean-Michel Aphatie :  Non, non… Les Frères musulmans ils pourrissent en prison en Égypte. Ils pourrissent en prison. Vous savez, on peut pas dire “je veux la république et des gens qui pourrissent en prison”, ça va pas. Le fond du problème, c’est le rapport à l’islam. Si on soutient Ben Ali depuis autant de temps, c’est qu’on a peur de l’islam.

Christophe Barbier ne pipe mot. Et reprendra rapidement son discours idéologique après les commentaires de ses confrères présents à ses côtés, Sonia Mabrouk de Public Sénat -une journaliste franco-tunisienne toute aussi inquiète par l’islamisme- et Alain Duhamel.

– Christophe Barbier : Tout faire pour que l’islamisme n’arrive pas au pouvoir dans ces pays-là, c’est pas rendre service à nous, c’est rendre service à nous, et à eux, et aux peuples concernés… Tout plutôt que de les voir tomber dans ce qu’est devenu l’Iran ou l’Afghanistan.

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 – Jean-Michel Aphatie : Dans votre « tout », il y a des choses horribles. Dans votre « tout », il y a des choses horribles, Christophe. Il faut que vous vous débrouilliez avec des choses horribles. 

– Christophe Barbier : « Y a la raison d’État et y a du cynisme, je suis d’accord, mais j’assume cette phrase : “Plutôt Ben Ali que les barbus” ».

http://www.canalplus.fr/c-divertissement/pid3349-c-le-grand-journal.html ?vid=412655

(passage à partir de 3’23)

Une mise en garde contre les « barbus », sans nuance et visant à diaboliser tout parti politique se réclamant, peu ou prou, de l’islam. Le directeur de L’Express feint d’ignorer que la règle démocratique peut très bien s’accommoder d’un marqueur identitaire religieux, comme c’est le cas de la CDU en Allemagne ou du gouvernement turc d’Erdogan. Cette stigmatisation des islamistes, outre qu’elle fait fi de leurs nombreuses différences à travers le monde musulman, était aussi récurrente tout au long du weekend parmi certains commentateurs. Tel Serge Moati, un journaliste originaire de Tunisie qui s’est régulièrement vanté durant sa carrière de dédiaboliser Jean-Marie Le Pen mais qui ne craint pas ici la contradiction : à plusieurs reprises, sur France 2 et TF1 notamment, l’homme se réjouissait qu’on ait « viré les barbus des manifestations ». Une étrange conception de la démocratie, consistant à la vanter pour tout le peuple tout en l’interdisant à certains radicaux. Et, outre ces faiseurs d’opinion, l’épouvantail sempiternel de l’islamisme n’a pas manqué d’être agité par un gouvernement, le seul à ce jour qui l’ait fait de manière explicite : celui d’Israël dont le ministre du Développement, d’origine tunisienne, a confié dimanche sa crainte quant à une résurgence du fondamentalisme dans la conquête du pouvoir.

Chez Christophe Barbier, l’obsession d’un complot islamiste mondial, souvent relevée chez l’intéressé par Oumma, n’est pas anodine : elle s’inscrit dans la banalisation progressive, à travers un martèlement politico-médiatique permanent, de l’islamophobie qui fait l’amalgame entre islam, intégrisme et terrorisme. Rendons néanmoins hommage au panache légendaire du directeur de L’Express qui, l’an dernier, avait courageusement pris les armes-celles du moins de la rhétorique- pour défendre la République contre un péril redoutable…celui de l’alimentation halal.

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