A force d’être déshonorée par des hommes qui ne tiennent aucune promesse et ne savent pas se tenir, se croyant sur un trône dès qu’ils endossent un costume de chef d’Etat beaucoup trop large pour eux, que va-t-il rester de la fonction suprême, la présidence de la République, et que reste-t-il déjà de l’anaphore de François Hollande scandant des « moi, président de la République » en veux-tu en voilà, qui paraissent, à la lumière de ses échecs patents et de ses frasques nocturnes en scooter, bien présomptueux ?
Elle tombe mal pour le "président normal" discrédité par le piètre vaudeville d’une présidence extraordinairement anormale, à quelques heures d’une conférence de presse annoncée comme déterminante pour l’avenir du pays et devenue cruciale pour son propre avenir, l’enquête publiée lundi par le Centre de recherches politiques de Sciences Po (Cevipof) met en évidence la défiance accrue des Français envers la classe dirigeante. Le grand Baromètre de la confiance politique reste donc invariablement dans le rouge, mais dans un rouge de plus en plus vif, voire cramoisi.
A l’approche de deux scrutins majeurs que sont les municipales et les européennes, ce n’est un plus fossé, mais un gouffre béant qui se creuse entre des citoyens en colère ou désespérés et ceux qu’ils propulsent au sommet de l’Etat et sous des coupoles dorées, où l’abolition des privilèges n’est toujours pas à l’ordre du jour, provoquant stupeur et inquiétude chez Pascal Perrineau, le directeur du Cevipof en personne.
"Nous atteignons des niveaux vertigineux que nous n'avons jamais connus", constate ce dernier, ne cachant pas sa stupéfaction : "87 % des Français considèrent que les responsables politiques se préoccupent peu ou pas du tout des gens comme eux. C'est hallucinant! Cela représente 6 points de plus par rapport à 2009. Nous approchons les 90 %, nous n'avions jamais connu une telle dégradation."
C’est la quatrième fois depuis 2009 que le Cevipof prend le pouls fébrile et nerveux d’une opinion publique française désillusionnée, à qui on ne la fait plus depuis belle lurette, preuve en est l’abstention qui sanctionne tous les gouvernements. Confiée à Opinionway, cette étude, menée du 5 au 20 décembre 2012, auprès d'un échantillon représentatif de 1509 personnes en âge de voter, fait état d’un moral à la baisse et même carrément dans les chaussettes, si l’on en juge par la remarque de Pascal Perrineau : c’est "une forme de dépression collective", a-t-il indiqué.
"La colère est partout", précise-t-il, en s’interrogeant sur la finalité forcément désastreuse d’une telle crise de confiance, craignant d’assister à un boycott massif des urnes comme un "formidable bras d’honneur", ou quenelle anti-système pour d’autres, adressé à ceux qui conduisent le pays droit dans le mur…
En l'espace de trois ans, 32 % des personnes interrogées se disent envahies par la "méfiance", contre 27 % fin 2009, le sentiment de « morosité » gagnant 31 % de la population. En trois ans, l'image des institutions a été gravement écornée. Fin 2009, le conseil municipal, le conseil général et le conseil régional réussissaient à tirer leur épingle du jeu en bénéficiant de 50% de confiance. Seul le conseil municipal trouve encore grâce aux yeux des électeurs, mais sans toutefois échapper à une certaine suspicion : depuis 2009, la proportion des Français qui font confiance à leurs élus municipaux est passée de 66 % à 56 %.
Corollaire à cela, 54 % des Français estiment que leur démocratie fonctionne mal contre 48 % fin 2009, un désenchantement national qui incite à se serrer les coudes en famille, entre amis, ou entre voisins, bref à accorder sa confiance plutôt à des proches ou des familiers qu’aux représentants de la nation.
Dans une France déboussolée et paupérisée, tiraillée par le doute face à un chômage endémique et aux mensonges d’Etat, dans un climat anxiogène propice à la résurgence de vieux démons, la proportion de Français qui prônent le rétablissement de la peine de mort est saisissante : entre décembre 2009 et octobre 2011, les partisans du châtiment fatal représentaient 35 % de la population ; courant 2013, leurs rangs se sont gonflés pour atteindre les 45 %.
Enfin, dans ce paysage hexagonal assombri qui prend forme sous nos yeux pas si médusés que cela, l’immigration est sans surprise perçue comme une menace : fin 2009, 49 % des Français pensaient qu'il y avait trop d'immigrés en France, ils sont 65 % aujourd'hui, quant aux 73 % qui faisaient alors confiance aux personnes d’une autre religion, ils ne sont plus que 68 % actuellement. Signe des temps troublés, indéniablement…
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