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Suite du débat sur la Consultation : Le Conseil français du culte musulman, plus d’espoirs que de craintes.

 

Il est heureux qu’Oumma réouvre, sur son site, le débat sur la Consultation. Avant toute chose, il me semble nécessaire de rectifier les quelques informations inexactes données par le président de la Fondation Errahmania. De nombreuses approximations jalonnent cette contribution, en l’occurrence celle – plutôt facile – qui consiste à incorporer dans la mouvance « algérienne » la Mosquée El Islah dont je suis vice-président et pour laquelle je participe à la Consultation. C’est faux et ce n’est pas à nous de nous justifier mais bien à ceux qui affirment une telle chose d’apporter des éléments convaincants. J’ajoute, que c’est bien son indépendance – qui a quelque chose de miraculeux ( !?), nous accueillons 2000 fidèles en moyenne chaque vendredi – qui a fait d’El Islah un participant intéressant pour rééquilibrer les rapports de force au sein de la Consultation. C’est cette même qualité qui s’est parfois retournée contre ceux qui voulaient en user….

Le président d’Errahmania qui est un acteur de longue date à Marseille, omet de préciser qu’il a participé jadis au CORIF de Pierre Joxe. Il peut à loisir – et c’est d’ailleurs nécessaire – développer une critique même confuse qu’il ne m’appartient pas de passer en revue de manière détaillée, mais nul humain n’est vacciné efficacement contre la contradiction pas plus qu’il ne peut faire table rase du passé.

Débat utile il y aura lorsqu’on s’attachera à donner à tous nos coreligionnaires et autres lecteurs, les informations les plus précises qui leur permettront de se faire une idée juste des choses et de s’y retrouver dans toutes ces contributions. Débattons, mais de grâce, en élevant la qualité à la hauteur des responsabilités qui sont les nôtres. Critiques nous l’avons été souvent, aujourd’hui j’essaierai de m’attacher à informer, pour terminer par l’humble sentiment sur lequel nous nous accordons tous à l’Islah sur ce processus.

Depuis au moins deux décennies, l’évolution de la composante musulmane de France a suscité, en l’absence de clergé préexistant, des tentatives d’organisation et de représentation. Certaines à l’instigation des pouvoirs publics. Le paysage islamique français a une histoire, une constitution complexe et s’inscrit dans un contexte post-colonial des plus difficiles. Il serait fastidieux de dresser un inventaire exhaustif de tous les paramètres de ce dossier qui n’a rien d’aisé. La nature ayant horreur du vide, le terrain institutionnel musulman a donc été investi par divers acteurs et des logiques souvent éloignées des aspirations des musulmans de l’hexagone. La Consultation initiée en 1999 a réuni des participants, relativement divers, de l’Islam en France et a permis une réflexion sur le sujet, la rédaction d’une plate-forme d’orientations et d’un projet électoral visant à mettre en place un Conseil Français du Culte Musulman. Il s’agit dans un premier temps d’analyser les produits de ces travaux pour voir en quoi ils dessinent une étape intéressante dans la dynamique de l’organisation, et s’ils nous permettent comme le disait Francis Blanche de « penser le changement plutôt que de changer les pansements ».

 

L’accord cadre.

 

Ce document est le principal résultat de la Consultation, et regroupe un ensemble de principes et d’orientations générales qui doivent guider l’organisation du culte musulman. Dès les premières rencontres, la plupart des participants ont insisté sur l’idée que c’était le culte musulman sur lequel la réflexion devait porter et non la dimension plus large de la spiritualité musulmane en France, difficile à circonvenir, et non pertinente pour la majeure partie des questions mobilisant les pouvoirs publics (construction des mosquées, abattage rituel de l’Aïd, cimetière, aumôniers, etc.…) . C’est donc autour des lieux de culte et mosquées que devait se construire une structure d’interlocuteurs des autorités publiques…

Cela a soulevé de vives polémiques, dans certains milieux qui se sont sentis exclus alors même qu’ils revendiquent une appartenance à l’Islam et une expression non négligeable, sans toutefois être en charge de mosquées ou de tout autre aspect du culte. Si malentendu il y a, il risque de perdurer sans le sain et nécessaire débat, qui, sans négliger l’expression musulmane en France dans sa diversité, permettra de clarifier le rôle et l’apport respectif des différentes composantes du P.I.F. Il est vrai que la présence dans la Consultation, en dépit de cette orientation, de personnalités éloignées des préoccupations cultuelles apparaît du coup paradoxale, et il doit donc être possible de réguler et d’envisager une composante en dehors des lieux de culte pour assurer, au moins symboliquement, une représentation la plus large.

Parmi les autres idées fondamentales de cet accord, il y a le recours à une désignation démocratique et transparente pour mettre en place une instance musulmane. Quoi qu’on en dise, c’est là un bond spectaculaire en regard des méthodes « pasqua-ïennes » intenables de désignation que les musulmans ont pu vivre il n’y a pas si longtemps. Et c’est uniquement dans cette voie qu’on peut espérer rendre aux musulmans de France une maîtrise sur l’amélioration des conditions d’exercice de leur culte, comme sur celui de l’insertion durable et apaisée de l’Islam en débarrassant définitivement ces questions des enjeux politiques, économiques (étrangers) et carriéristes qui les ont empoisonnées jusqu’à aujourd’hui.

Le CFCM* s’articule autour d’instances locales ( ou régionales ) d’où doivent émerger des interlocuteurs de proximité pour les pouvoirs publics sur toutes les questions épineuses en souffrance depuis de longues années ( lieux de culte, cimetière, aumôniers…).

Puis toutes ces instances locales, désigneront une instance nationale du CFCM qui elle doit prendre en charge des questions de portée nationale comme celle de symboliser l’unité du culte musulman, réfléchir et défendre l’image des musulmans (dans les médias par exemple). A travers un rôle et des missions précises, cette structure nationale ne devra pas interférer dans le fonctionnement des associations ni dans celui des instances locales indépendantes.

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Le projet électoral.

Dans chaque région des comités d’organisation des élections (CORELEC) ont été mis en place et font l’objet d’un accompagnement logistique de la préfecture. La préparation du vote consiste essentiellement à recenser et à informer tous les lieux de culte d’une région pour finalement réunir les participants afin qu’ils choisissent une liste de candidats ( pour l’instance régionale mais aussi pour celle nationale ) parmi toutes celles présentées. Chaque lieu de culte dispose d’un nombre de voix en rapport avec sa superficie, et un système de calcul proportionnel doit permettre de répartir les sièges obtenus dans les instances locale et nationale en fonction des résultats des différentes listes. La dernière grande inconnue étant la date de ces élections qui reste tributaire de plusieurs paramètres dont celui entre autres de l’avancement de la préparation dans les différentes régions. Enfin les statuts du CFCM sont en cours d’élaboration et une période de renouvellement de ses instances reste à préciser (élections tous les 2 ou 3 ans).

L’ensemble de ce projet issu de la Consultation peut être abondamment critiqué et demeure incontestablement perfectible sur bien des points. La question fondamentale et urgente qu’on doit se poser est : « qu’est –ce qu’on peut raisonnablement et concrètement attendre de ce processus ? »

En effet si cette démarche ne répond pas de manière satisfaisante à des attentes légitimes, si les défauts d’élaboration sont nombreux, il faut reconnaître les points positifs d’évolution qui sont loin d’être négligeables. Avec la Consultation on signe l’acte de décès des méthodes « Pasqua ». A lui seul ce point mériterait qu’on relègue au second plan toutes les autres considérations tellement il marque une mutation importante. La Consultation n’est peut-être pas l’avenir de l’Islam en France, mais elle peut sans doute permettre au culte musulman de sortir de l’ornière dans laquelle il se trouve dans un premier temps. On peut aisément se faire une idée de l’endroit où l’on veut parvenir mais qui peut imaginer sérieusement que cela se fasse directement, sans étapes, parfois difficiles ? Notre vision est que la Consultation est un passage relativement acceptable dans la contexte actuel et c’est ce qui motive notre participation et notre vœu de la voir aboutir, dans l’intérêt général. Oui, le CFCM nous inspire plus d’espoirs que de craintes, même si nous préfèrerions que les élections ne se déroulent pas dans la précipitation pour qu’une implication de qualité et de tous soit possible.

Nous nous trompons peut-être, c’est à l’ensemble des musulmans de le dire en alimentant de manière responsable, sereine et pertinente le débat.

 

Youssef Mammeri

Vice-président de la Grande Mosquée El Islah (Marseille)

* C.F.C.M. (Le Conseil français du culte musulman)

 

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