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Sarajevo : des musulmans font la prière dans un monastère

Il y a quelque temps un groupe de jeunes étudiants de la Faculté d’Etudes islamiques de l’Université de Sarajevo a fait la prière du soir dans un monastère franciscain de Sarajevo. Et c’était à l’invitation de jeunes étudiants et moines franciscains.

Certains y verraient, probablement, un événement extraordinaire. Pour d’autres, au contraire, il serait peut-être sans importance. Pourtant, compte tenu de la diversité des communautés religieuses en Bosnie et dans les régions voisines, un tel événement est révélateur d’un potentiel de coexistence interconfessionnelle et intercommunautaire. Voilà qui est particulièrement important dans ce pays qui se remet encore d’une guerre qui, dans les années 90, a opposé les gens et les communautés selon des critères ethniques et religieux.

Pourtant, en dépit de ce passé, il n’y a eu aucune résistance aux initiatives interconfessionnelles et interethniques. Nombre d’organisations, comme le Conseil oecuménique de Bosnie et d’Herzégovine, organisent des événements interconfessionnels.

Dans la plupart des cas, ce sont des événements de haut niveau, rassemblant des représentants éminents des diverses mouvances religieuses.

De ce point de vue, le colloque interconfessionnel du monastère franciscain n’a rien de neuf. Ce qui le distingue, c’est qu’il implique des jeunes. Les étudiants eux-mêmes ont fait le pas spontanément pour se rencontrer sur la base de leurs religions respectives.

Les jeunes moines du monastère franciscain de Sarajevo du 20e siècle, qui abrite également une école de théologie franciscaine, sont connus pour leur ouverture au dialogue avec d’autres religions. Officiellement catholiques, ils suivent la voie tracée au 13e siècle par St Françoise d’Assise, qui, à cette époque médiévale déjà, s’était impliqué dans ce que nous appellerions aujourd’hui le dialogue islamo-musulman.

En 1219, à l’époque des croisades, St François s’était rendu auprès du sultan d’Egypte, Malik-al-Kamil. Bien que ce fût dans l’intention de le convertir, il impressionna favorablement le sultan par son message de paix. La Faculté d’Etudes islamiques de Sarajevo, suivant sa tradition d’ouverture, accueille des étudiants non musulmans, dont certains franciscains. Des étudiants en études islamiques fréquentent aussi régulièrement les cours des franciscains.

Voici quelques semaines, ce frémissement de rapprochement prit une ampleur imprévue. Un groupe d’étudiants franciscains a invité des étudiants de la Faculté d’Etudes islamiques à un débat public sur l’héritage spirituel et universel de Maulana Jalalluddin Rumi (célèbre poète et théologien persan du 13e siècle) et de St François – tous deux connus pour leurs messages de paix éternels et universels.

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A la fin du colloque, les musulmans se rendirent compte que l’heure de la prière du soir était venue. Comme ils se levaient pour se rendre à la mosquée, leurs hôtes franciscains leur dirent qu’une pièce leur avait déjà été préparée à leur intention.

Ayant accepté cette généreuse invitation, les étudiants musulmans firent leurs dévotions dans une salle de la Faculté de théologie.

Après la prière, tous se retrouvèrent pour un dîner en commun, qui fut l’occasion d’une joyeuse fête. Quelqu’un apporta une guitare et tous chantèrent ensemble, dans le monastère, jusque très tard dans la nuit.

Alors que la fête impromptue touchait à sa fin, Amra Bilajac, un des étudiants islamiques, résumant le sentiment général, dit qu’il ne suffit pas de connaître les croyances des autres : cette rencontre avait prouvé que les gens ont aussi besoin de s’aider les uns les autres, au-delà de leurs différences religieuses.

Les étudiants envisagent une autre réunion, à laquelle seront invités des représentants des autres religions et groupes ethniques qui composent la Bosnie – orthodoxes serbes, catholiques, juifs sépharades – et même des gens qui, tout en se considérant agnostiques ou athées, souhaitent apprendre et échanger des idées sur le monde que nous partageons tous.

Un jour, à Sarajevo, j’ai entendu un touriste américain qui disait : “Ici le dialogue interconfessionnel est plus détendu, plus axé sur les relations de bon voisinage. C’est plus qu’un débat officiel sur des sujets philosophiques et spirituels, comme c’est souvent le cas des colloques réunissant muftis, évêques et rabbins dans d’autres pays.” Peut-être l’image de ces musulmans priant dans un monastère incitera-t-elle d’autres pays à pratiquer le dialogue interconfessionnel à un niveau plus immédiat, au niveau de la porte qui s’ouvre, littéralement, pour faire entrer le voisin.

En partenariat avec le CGNews

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