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Retour sur une expérience humanitaire au Mali

C’est l’histoire d’une opération humanitaire qui démarre avec une idée et qui prend fin avec la joie et le soulagement de nombreux villageois. Au printemps 2006, l’Association des Etudiants Musulmans d’Aix-en-Provence (AEMA) a lancé une opération intitulée « Un puits pour le Mali ». L’objectif était de récolter des fonds pour financer la construction d’un puits en Afrique noire (et notamment au Mali), région du monde où l’accès à l’eau potable est des plus difficiles. Avec le concours du Secours islamique, cette action a pu être menée à bien et le résultat fut même au delà des espérances. Alors que la perspective de récolter 5000 euros[1] apparaissait insurmontable pour certains étudiants, la somme finalement ramassée a permis de financer la construction de deux puits. Un premier voyage d’inauguration a ainsi pu voir le jour un an à peine après le lancement du projet[2].

Le premier contact avec la réalité malienne fut donc des plus attachants, notamment lors de la visite des villages dans lesquels les deux puits avaient été bâtis. Ceux-ci se trouvaient dans la région de Ouéléssébougou, zone située à une centaine de kilomètres au sud de la capitale Bamako. Nous fûmes accueillis très chaleureusement, les villageois avaient même organisé toute une cérémonie traditionnelle, témoignage de leur sympathie à notre égard.

Et c’est à cette occasion que nous pûmes nous rendre compte de l’importance vitale de l’eau et combien sa présence pouvait modifier radicalement la vie d’une collectivité. Tout cela nous fut confirmé par le chef d’un village : désormais les femmes n’avaient plus à subir des heures de marche pour trouver le liquide vital, les enfants pouvaient prétendre à une vraie scolarisation, le bétail pouvait s’abreuver plus facilement etc. Au cœur de la savane africaine, le caractère indispensable de l’eau renvoyait chacun de nous à la méditation profonde du verset : « Les infidèles ne savent-ils pas que les Cieux et la terre formaient à l’origine une masse compacte que nous avons ensuite disloquée, et que nous avons tiré toute matière vivante de l’eau  ? Se décideront-ils à croire enfin ? » (Sourate Les Prophètes, n°21 – Verset 30)

Lors de ce premier voyage, nous avions pu côtoyer une personne qui marquera nos esprits. De manière presque fortuite, nous avions croisé la trajectoire d’un chirurgien malien à l’histoire émouvante. Originaire de Ouéléssébougou, ayant étudié la médecine à l’Université de Bamako, Docteur Bagayoko a poursuivi sa formation en France pendant plusieurs années pour devenir chirurgien-gynécologue.

Mais après avoir œuvré au CHU de Toulouse, Docteur Bagayoko a pris une décision radicale qui force le respect et l’admiration : retourner vivre dans sa région natale pour servir auprès des siens. Il a alors ouvert une petite clinique et offre à toute une population, depuis près de trois ans, le seul espace dans lequel des dizaines de villages reculés du Mali peuvent se soigner.

Malgré son matériel rudimentaire et des conditions de travail pénibles et austères mais doté d’une bonté, d’un courage, et d’une humanité exemplaires, Dr Bagayoko est la figure même du diplômé désirant « retourner au pays » pour contribuer à son redressement. Et son travail colossal est aujourd’hui indispensable : le centre de santé le plus proche, en dehors de ce dispensaire, se trouve … à Bamako ! De cet épisode est alors née une collaboration et l’idée de financer la construction d’un nouveau centre de santé a naturellement émergé.

Après nous avoir émus, cette histoire a alors interpelé nos consciences. Pendant près de deux années, l’opération « Vers la construction d’un centre de santé au Mai » a mobilisé les efforts de l’AEMA et d’autres organisations se sont alors greffées au nouveau projet : ainsi de l’association d’Arles « Savoir, Espoir, Sagesse », du Collectif des Musulmans de France (CMF) et de la toute jeune structure humanitaire DEFI[3].

Estimé à 25 000 euros, ce projet a finalement pu aboutir avec, en plus, la construction d’un puits supplémentaire. Et moins de deux ans après notre premier voyage, un deuxième séjour a eu lieu pour inaugurer la nouvelle clinique. L’accueil fut là encore à la hauteur de l’évènement. Nous fûmes reçus par toutes les autorités du village, du chef traditionnel au maire de la bourgade sans oublier toute une partie de la population qui, à nouveau, nous fit part de toute son estime.

Ce récit n’a pas pour unique objectif de restituer l’histoire d’une expérience humaine riche et inoubliable. Bien plus, l’intérêt d’une telle opération est de susciter, auprès des populations du Nord, une réelle prise de conscience de la réalité tragique dans laquelle se débat l’autre partie du monde, notamment en Afrique.

Car le continent africain souffre terriblement de nombreux maux dont la conscience humaine a le devoir de corriger et les chiffres sont, à cet égard, éloquents. Sur le quelque milliard d’êtres humains qui peuplent l’Afrique, plus de 20% (soit plus de deux cent millions) souffrent gravement et en permanence de sous-alimentation.

Des millions d’enfants meurent chaque année du fait de la malnutrition, des épidémies, de la pollution des eaux et du manque d’hygiène. Les pandémies telles que le SIDA et surtout le paludisme foudroient des populations entières, déciment la jeunesse et mettent en péril l’équilibre même de certaines sociétés africaines sans parler de la violence et des guerres qui ravagent encore une partie du continent. Les problèmes liés au manque d’eau potable et à la difficulté de son approvisionnement sont criants alors même que plus des deux tiers des pays africains sont agricoles. Enfin, la démographie galopante et les problèmes gigantesques que risquent d’entraîner les dérèglements climatiques font de l’Afrique un continent à l’avenir très sombre[4].

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Néanmoins, il n’est pas trop tard pour agir et contrairement à ceux qui pensent que « l’homme africain n’est pas assez entré dans l’histoire »[5], il est des Africains (et ils sont bien nombreux) qui travaillent dur et se sacrifient pour le bien de leur pays. A l’image du Cheikh Bagayoko et de la petite équipe qui désormais l’entoure et le soutient dans son engagement au quotidien.

Toutes ces femmes et tous ces hommes ont le souci et la détermination d’agir concrètement pour venir en aide à leur population victime de tant de souffrances et d’injustices. Et puisque les Etats et les grandes instituions internationales peinent à obtenir des résultats probants en matière de lutte contre les différents fléaux qui frappent l’Afrique, il revient aux citoyens du Nord, et notamment aux musulmans d’Occident, d’accompagner toutes ces initiatives individuelles ou collectives qui foisonnent à travers le continent africain, littéralement oublié de la mondialisation.

C’est dans ce sens que se sont inscrits ces modestes projets qui peuvent, pour qui le souhaite, se prolonger dans le cadre d’une collaboration Nord/Sud fraternelle, prometteuse et complémentaire. Et n’oublions pas que, d’après un célèbre hadith, la sadaqa jâriya est une des trois choses qui permettent au croyant de voir ses œuvres de bien perdurer même après sa mort …

Aujourd’hui, l’expérience est faite qu’une volonté ferme conjuguée à une confiance profonde dans le Donateur gracieux (Al Wahhab) peuvent engendrer d’une simple idée, beaucoup de hassanates



[1] Somme correspondant à la construction au Mali d’un puits à grand diamètre par le biais du Secours islamique. Pour plus d’informations, http://www.secours-islamique.org/.

[2] Une vidéo retraçant ce premier voyage au Mali est d’ailleurs disponible sur le site du CMF, www.lecmf.fr, ainsi que sur le blog de l’AEMA http://aema.over-blog.com/. Pour accéder directement à la vidéo, cliquez sur le lien : http://video.google.fr/videoplay ?docid=-2008813214001557383&q=puit+mali&pr=goog-sl.

[3] Développement Echange France International. Née en 2006, cette structure a pour principal objectif de lutter contre le manque d’eau en Afrique de l’Ouest. Cf. www.notredefi.fr.

[4] Ces chiffres sont en grande partie tirés de l’ouvrage de Jean Ziegler, L’empire de la honte, Editions Fayard, 2008. Ouvrage d’un grand intérêt pour comprendre les mécanismes économiques qui régissent les rapports Nord-Sud et qui laissent mourir une partie de la planète. L’auteur, écrivain et professeur à l’Université de Genève, est également rapporteur spécial de la commission des droits de l’homme des Nations Unies pour le droit à l’alimentation.

[5] Citation tirée du discours choquant et insultant de Nicolas Sarkozy prononcé à Dakar le 26 juillet 2007. Pour une réponse à ce discours émanant de personnalités et d’intellectuels africains, cf. L’Afrique répond à Sarkozy – Contre le discours de Dakar, Sous la direction de Makhily Gassama, Editions Philippe Rey, Paris, 2008.

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