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Pourquoi nourrir les angoisses ?

Nous nous trouvons aujourd’hui comme le développe Alain Gresh dans son livre intitulé « l’Islam, la République et le Monde » au confluent de deux angoisses majeures, tout d’abord la crainte du terrorisme international qui plane derrière le spectre d’Al Qaida, puis la question de l’intégration des populations d’origine étrangère qui malgré l’avènement d’une seconde génération d’enfants « d’origine immigrée » sur notre sol, n’est pas prête de se régler et engendre des peurs à visages multiples.

La distinction omniprésente entre Français de souche et Français d’origine immigré témoigne de l’ampleur du travail à effectuer sur les esprits. On verra rarement au journal télévisé « un Paul d’origine Bretonne » être l’auteur d’un quelconque larcin, tandis que l’on ne compte plus les « jeunes hommes d’origine immigrée » avec donc une origine systématiquement mentionnée, par soucis de probité je présume.

Ces deux angoisses s’entremêlent, créent des amalgames et favorisent un repli xénophobe patent, inquiétant pour nos libertés. La perception française de l’Islam atteste de cette fermeture.

Nous sommes surpris de voir à quel point le simple fait musulman suscite la suspicion. Lorsque les musulmans souhaitent pratiquer leur religion en accord avec le principe de démocratie, on les taxe d’intégristes particulièrement réfractaires à l’intégration. Quand ils s’organisent afin de créer des lieux cultuels et culturels ayant pour but de pratiquer un « Islam français » loin de toute influence étrangère, on les accuse de communautarisme ou on les approuve dans leurs démarches sans pour autant permettre à celles-ci de se concrétiser.

Les ventes d’ouvrages sur l’islam ont augmenté dans les semaines qui ont suivi le 11 septembre 2001 comme si les fondements de la violence trouvaient racine dans cette religion. Ces approches négatives de l’islam et du fait musulman se construisent en grande partie par le biais d’un traitement médiatique partial, simpliste et anxiogène.

Le matraquage médiatique subit actuellement par Tariq Ramadan symbolise ce traitement de défaveur. Dénoncé à l’unisson par l’imbroglio politico- médiatique pour sa dangerosité inhérente à son double discours masquant des aspirations islamistes. T.R inquiète comme si a lui seul, il était capable d’ébranler nos si chères valeurs républicaines. Il serait peut être judicieux de se demander pourquoi T.R dérange tant en balayant brièvement les trois accusations principales dont il fait l’objet.

  • Le double discours : T.R adopterait un discours spécifique adapté à ses différents auditoires afin de paraître intègre en apparence tout en semant les graines de la sédition dans les banlieues. Les récents travaux d’investigation réalisés par différents journalistes, ont tenté de disséquer ce discours en vue d’en extraire le venin, par de prétendues implacables argumentations. Lorsqu’on s’intéresse toutefois aux modes opératoires et aux procédés stylistiques choisis, on est en droit de douter de l’honnêteté intellectuelle de la démarche. En effet à la lecture de ces productions écrites, le double discours n’est aucunement avéré, extraire des phrases de leur contexte afin de jouer l’imposture des sens ne peut être pertinent.

    Voltaire écrivait « je déteste ce que vous dites, mais je suis prêt à me faire tuer afin que vous ayez le droit de le dire », une simple omission de retranscription de la phrase pourrait faire approuver à Voltaire tout ce qu’il a âprement dénoncé : torture, ignorance….

  • La remise en cause du principe de laïcité : vouloir pratiquer c’est de facto ébranler l’idéal républicain et donc défendre ces pratiques comme l’a fait T.R, signifie demander de nouveaux droits. Les doléances de T.R ne sont pourtant pas de cette teneur, il milite en faveur de la stricte application du principe de liberté de culte se traduisant par des lois et des comportements impartiaux. Ses différents ouvrages ont toujours abondé dans ce sens.

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  • L’approbation de la violence : On a tenté à plusieurs reprises de discréditer T.R notamment sur le principe du moratoire. On retiendra surtout l’exercice de style de Nicolas Sarkozy, qui pour couper court à un réel débat de fond, a opté pour l’attaque personnel lors de son dernier passage à l’émission 100 minutes pour convaincre sur France 2. L’idée profonde selon laquelle l’Islam porterait dans son substrat les racines de la violence est bien évidemment fausse, et relève d’une profonde méconnaissance du dogme, une simple étude du Coran et de la sunna suffit à éclairer le néophyte sur cette question.

Ce traitement personnel est symptomatique du regard global porté sur l’Islam de France. C’est surtout le discours de la « pratique citoyenne » en rupture avec les standards d’un islam rétrograde et les mouvements assimilationnistes qui irrite.

On en vient même à se poser la question de la légitimité de la participation d’associations musulmanes à des rassemblements citoyens. Mais sonde-t-on individus par individus les convictions et idéologies des participants à une manifestation anti-raciste ? Cette hypocrite méfiance ne mène qu’à davantage de stigmatisation qui ravive les frustrations.

Sans vouloir se faire le chantre de la victimisation, il est important de souligner que les musulmans de France en sont encore à l’étape de la justification. Lorsqu’ils sont conviés sur des plateaux de télévision, c’est pour s’expliquer sur des accusations récurrentes (violence, statut de la femme, compatibilité entre Islam et Démocratie…). Un débat portant sur les attributs les plus saillants de l’Islam tel qu’il est dans son essence, à savoir amour et fraternité, parait encore difficile à entreprendre. Il pourrait toutefois être le point de départ d’un changement de perception.

Pour que cette ouverture puisse se faire, faut-il encore donner aux musulmans la chance d’être écouté sans a priori. L’attitude colonialiste indubitablement ethnocentrique qui tend à observer des cultures allochtones d’un regard supérieur n’est toujours pas obsolète. Alain Finkielkraut l’explicite très bien dans son fonctionnement lorsqu’il affirme que « Le barbare est d’abord celui qui croit en la barbarie ».

A ce déficit de communication de l’intérieur vers l’extérieur, s’ajoute le déficit de dialogue interne qui exacerbe les tensions et divise. La force de l’unité n’étant plus à démontrer, le travail doit être ici personnel, s’interroger sur l’état de la « oumma » et sur l’état de notre rapport avec l’autre, c’est d’abord s’interroger sur la nature et la profondeur de sa foi  : « (…) Dieu ne change pas ce qui est en un peuple avant qu’ils ne changent ce qui est en eux (…) » Coran 13/ 11.

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