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Pourquoi jeter à la vindicte populaire des boucs émissaires ?

La dernière guerre en Irak, la détérioration de la situation au Moyen-Orient, l’injustice et la violence vécues par le peuple palestinien : les musulmans d’Europe ont vécu durement ces événements. La loi qui nous est proposée aujourd’hui est une nouvelle humiliation pour les musulmans français déjà accablés.

Depuis le tristement célèbre « 11 septembre 2001 », on constate plusieurs phénomènes inquiétants :

Sous prétexte de lutter contre le terrorisme, une profusion de textes ultra-sécuritaires sont votés ou sont en cours d’application. C’est le cas du Mandat d’Arrêt Européen ou de la politique communautaire d’asile qui se transforme en lutte contre l’immigration illégale… Pourtant, ces textes tuent nos libertés ! Ils font reculer nos droits partout en Europe ! Ils injectent une certaine xénophobie, ou une xénophobie certaine !

L’Islam est vouée aux gémonies, souvent par des personnes ou personnalités qui ignorent tout de cette religion ! Ces personnes utilisent – parfois sans le vouloir – leurs préjugés et en font des généralités ! Du coup, l’Islam est confondu avec l’intégrisme et le terrorisme. Cet amalgame fumeux, cette déformation inacceptable, cette confusion des genres doivent cesser ! Car cela entraîne une radicalisation politique, une dogmatisation de la laïcité qui se retrouve dans le projet de loi actuellement en discussions au Parlement français.

A entendre certaines voix bien pensantes, notre république serait en cours d’islamisation rampante. Nos banlieues en seraient le terrain privilégié !

En fait, les « sauvageons » d’hier se seraient transformés en militants intégristes, voire en terroristes !….

Soyons sérieux ! Revenons à la raison !

Un climat de violence raciste et de refus de l’autre s’installe. Et pas seulement en France. L’Europe est touchée par ce phénomène.

En toute impunité des personnalités, parfois même avec complaisance de leurs autorités, s’expriment publiquement et tiennent des propos haineux contre l’Islam, sans aucune réaction, ni condamnation politique, ni sanction….

Des circulaires discriminatoires circulent dans les entreprises, les bailleurs de logements. Des tombes sont profanées. Des lieux de cultes sont brûlés….

Et voici une loi d’exclusion, une loi d’exception !

Sous prétexte de laïcité, la France a le triste privilège de montrer le chemin de la discrimination légale à d’autres pays …

Dans son histoire comme dans son actualité, la France est confrontée à des questions de société, à des luttes sociales, à toutes sortes de solidarités communautaires …

Entre un passé colonial qui a du mal à passer et une identité européenne qui remet en cause une certaine souveraineté, la France vit une véritable crise d’identité.

Mais pourquoi jeter à la vindicte populaire des boucs émissaires ?

La France doit arrêter d’agir seule dans son coin sur de questions aussi complexes. Elle ne doit pas oublier son appartenance à l’Espace européen !

La France oublie qu’elle est européenne. Elle oublie que le débat mené actuellement a des conséquences dans tout l’espace européen.

La question de l’interdiction du port ou non du foulard fait la Une dans plusieurs pays européens. En voici 5 exemples concrets.

– Les Britanniques suivent ce débat avec une distance abasourdi. Dans le modèle anglo-saxon, l’appartenance communautaire ou ethnique prime pour tous les citoyens : on est d’abord blancs, blacks, latinos, chinois, pakistanais, protestants, juifs, musulmans…. Pourtant, on en ai pas moins Britanniques…

Arrêtons de nous faire peur avec le cliché qui nous présente la Grande-Bretagne comme le pays des ghettos par excellence !

Il n’est pas rare de voir des policiers, des fonctionnaires communaux, des enseignants porter le turban indien, la barbe sikh, les bouddhistes le crâne rasé, ou encore les femmes pakistanaises le sari et les musulmanes le foulard…

Mais tous et toutes sont britanniques et à ce titre ont les mêmes droits reconnus dans la citoyenneté britanniques. Quant à leur identité, elle est plurielle, multiple et ne gêne en rien leur réalité quotidienne. Même si racisme et injustices sociales il y a, comme ailleurs, elles ne sont pas plus exclues pour leur diversité culturelle ou leur choix religieux !

Pourtant croyez-moi, la lutte des femmes pour l’égalité des droits n’y est pas absente, au contraire, rappelez-vous l’exemple des suffragettes dans l’histoire du droit de vote pour les femmes !

en Belgique, pays des communautés par excellence, la polémique relative au port du foulard à l’école surgit avec une virulence étonnante, et des députés proposent une même loi. Alors que le modèle belge, sorte de modèle original, a toujours refusé les ghettos, il a toujours accepté l’expression de toutes les différences. Ce modèle est basé sur un socle de valeurs fondamentales auxquelles tous les groupes et tous les individus peuvent adhérer : démocratie, égalité hommes – femmes, liberté de penser, liberté des cultes…

En Belgique, c’est par la visibilité des différences culturelles dans la vie sociale qu’il est possible d’organiser une meilleure combinaison entre multiculturalisme et citoyenneté. Pourquoi serait-il possible en Belgique d’être Belge francophone, Belge flamand, Belge bruxellois, Wallon, Belge chrétien, juif, musulman ou athée, et belge laïc, et pas en France ?

En Belgique, interdire le foulard à l’école, c’est nier la citoyenneté belge à la majorité des filles musulmanes qui le portent par acte de foi et en toute liberté de conscience et de choix. Interdire le foulard, c’est renvoyer des dizaines de filles hors du temple du savoir qu’est l’école et donc les éloigner de la voie de l’émancipation et lui retirer toute égalité des chances de réussir sa vie sociale.

Interdire le foulard, c’est non seulement stigmatiser une communauté en particulier, mais c’est aussi renforcer une forme d’apartheid que toute une population vit déjà au quotidien par l’injustice sociale et économique ou encore la ségrégation urbaine.

Interdire le foulard, c’est contribuer à l’enfermement culturel et au repli identitaire, c’est celui-ci qui est une menace pour la société pluriel et non les communautés !

En Allemagne, avec ses fortes traditions fédérales, la relation en l’Etat et la religion varie d’une région à l’autre. Notons d’abord que depuis la création des nouveaux « landers », contrairement à avant, il existe bien une séparation claire entre l’ Etat et les cultes. Mais récemment, le 24 09 03, la Cour Constitutionnelle fédérale a pris une décision dans la question de savoir si un prof voilé devrait être autorisé à enseigner. Ses conclusions se sont révélées complexes et a renvoyé cette question aux régions pour décision, tout en ajoutant un deuxième principe, celui que toute décision doit respecter le traitement égal de toutes les croyances et l’exercice libre de toutes les religions. Les juges ont argumentés que le droit des élèves de recevoir une éducation libre de toute endoctrination est juxtaposé au droit fondamental de l’individu de pratiquer librement sa croyance. De plus, l’élève n’a pas à être concerné par ses exigences. Il n’est pas l’institution, mais il vient y chercher le savoir, la formation, et les moyens de construire sa propre réflexion critique. Lui et sa famille sont libres de leurs convictions, de leurs pratiques et de leurs expressions….

Aujourd’hui, des législateurs et des gouvernements régionaux s de chrétiens-démocrates sont en train de préparer des projets de loi afin d’interdire aux professeurs de porter le foulard dit Islamique. Or on constate que les religieuses, moines en habit clérical, ou les juifs avec la Kippa ne sont pas concernés par ce verdict. Ces projets de lois violent le jugement de la Cour sur le traitement égal de toutes les religions et seront probablement cassés par la Cour Constitutionnelle.

Cela révèle toutes les résistances à surmonter pour construire aussi une Allemagne multiculturelle, en confrontation permanente avec son histoire !

– En Suède, tenez vous bien, le débat s’est focalisé sur la burqa.

L’Extrême droite a lancé une campagne plus généralisée, qui s’inspire du débat politique français. Comme en France, le débat trouve prétexte dans la neutralité de l’Etat, l’égalité homme – femme, et notamment dans la lutte contre l’invasion des musulmans à une époque où l’on doit se protéger du terrorisme ! Ainsi nous les entendons parler du choc des civilisations et d’un monde bipolaire avec les bons et les mauvais ….

cela ne vous rappelle rien ?

Mais la Suède garde sa raison, et veut sauvegarder sa société plurielle.

Le port du foulard n’est donc pas remis en cause, et on ne pense à aucun moment exclure les filles des écoles sachant que ce sont les meilleurs lieux d’apprentissage de la citoyenneté.

En suède, la question du foulard ne s’est posée qu’en termes juridiques, et principalement sur le plan du droit des salariés à manifester leur appartenance religieuse, mais à l’exception de l’Extrême droite, aucun parti représenté au Parlement suédois n’a pris de position contre le port du foulard. Quant au gouvernement suédois, social-démocrate, dont la présidence est une femme reconnue pour son action féministe, a réaffirmé son opposition à toute interdiction du foulard comme du hidjab et déclare.

Comme la France, la Suède est un pays de liberté religieuse qui implique le droit de pratiquer sa religion. Des ministres et députées suédois ont déclaré que « toute personne a le droit de le porter, librement, de travailler en le portant et de ne pas être discriminée, c’est une question de droits humains. De la même façon qu’il est important pour moi de montrer mon appartenance politique, pour certains il peut être important de pouvoir porter des symboles religieux…  »

Quant au syndicat d’enseignants suédois, il n’est pas favorable à une interdiction : « les directeurs d’établissements sont en mesure de trancher eux-mêmes, et ils peuvent le faire en bonne entente avec les jeunes et leurs parents, ce qui est beaucoup plus pratique…Ils doivent réaffirmer leur pouvoir tout en gardant une place importante au débat… que font-ils faire pour les autres questions, en appeler sans cesse à la loi ? Où est l’apprentissage de la démocratie à l’école ! Il n’y a aucune raison pour les politiciens de s’en mêler ! »

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Le directeur d’une école de Göteborg, concerné par le port du niqab et de la burqa préfère le dialogue et s’oppose à une interdiction générale et encore plus à l’exclusion, il déclare : je crois que ce type d’interdictions enclenche des réactions en sens inverse, de sorte que plus de filles, en solidarité, se mettraient à porter le voile ».

Revenons en France, Je ne reviens pas sur les aspects de Laïcité ou d’Egalité des droits et des chances, notamment hommes – femmes, déjà abordé par la tribune, mais sur le modèle français de ce que l’on appelle « intégration ».

Au préalable, permettez-moi de dire que personnellement je trouve indécent de parler d’intégration à des jeunes citoyens, pour beaucoup français. C’est les renvoyer à leur condition d’étranger et en faire d’éternel immigré. C’est en fait une politique de désintégration que l’on met en œuvre !

C’est leur refuser le droit d’être français et musulman, sans être assigné à résidence ni leur faire l’injonction de choisir… c’est leur refuser de vivre leur identité plurielle !

Faire venir des Maghrébines ou des Iraniennes pour nous convaincre du combat féministe et laïc, c’est faire des amalgames inacceptables. Ne confondons pas tout et revenons au principe de réalité :

Si j’étais en Algérie ou en Iran, oui je me battrai contre l’obligation de le porter.

Mais ici en Europe, je me bats contre son interdiction, au nom des mêmes principes : ceux d’Egalité des droits, de Justice et de Liberté !

Comme je trouverai infâme une loi qui obligerait à porter un signe d’appartenance à une communauté, ce qui n ’est pas sans nous rappeler une sombre période de notre histoire, je trouve infâme un loi qui interdit de porter un signe d’appartenance ou de conviction.

Nous renvoyer l’image de l’Algérie, ou de l’Iran, c’est aussi nous lier définitivement aux pays d’origine et nous refuser notre citoyenneté française !

En rattachant notre identité culturelle, et en particulier notre référence musulmane, à l’ailleurs, c’est faire croire que l’Islam est la religion des étrangers !

L’Islam appartient désormais au patrimoine français, il faut l’accepter dans toute sa diversité, avec la seule condition : le respect des droits fondamentaux.

Il ne suffit pas de le décréter et de créer un Conseil Français de Culte Musulman. Ou bien était-ce plutôt le meilleur moyen de contrôler les musulmans et de mettre leur culte sous une stricte surveillance ?

Et quelle contradiction quand un jour on plaide pour un Islam de France, un Islam français, et le lendemain on va demander l’avis d’un Imam Egyptien !

Que connaît-il de la France plurielle et de ses citoyens musulmans ?

Dans ce modèle français, la République laïque rejette toute forme de particularismes dans la sphère privée. Il est donc impossible dans ce type d’approche de former des individus citoyens car chacun ne peut s’exprimer dans la sphère publique que débarrassé de ses attaches communautaires ou de ses spécificités culturelles.

En France, s’intégrer serait d’accepter de renoncer à ses particularismes dans la sphère publique et de s’identifier qu’à l’Etat-Nation incarné par la République. C’est ainsi que le port du foulard dans l’école publique est considéré par certains comme une tentative de remise en cause de la laïcité de l’école par des intégristes islamistes.

Alors que l’on brandit le spectre du Communautarisme, la loi en question aura en particulier pour effet de l’entériner. On favorise ainsi les écoles privées, religieuses, et ainsi on légalise les ghettos que l’on dénonce chez nos voisins britanniques.

Une loi contre le vouloir va contribuer à la criminalisation des jeunes musulmans.

Lorsque l’on se dit défenseurs de la liberté, pensez-vous que ce soit un délit de vouloir vivre sa religion de manière différente ?

Qui dit loi d’interdiction, dit condamnation et sanction ! Qui veut-on sanctionner ?

On dit vouloir combattre la soumission des femmes, mais on les soumet à des lois injustes qui entravent leur liberté qui les condamneront ?

Pourquoi instaurer un climat conflictuel ? Pourquoi tuer nos libertés pour défendre des principes qui se doivent d’évoluer avec leur réalité et la société ?

Les jeunes musulmans, français ou non, se sentent visés par une loi taillée sur mesure pour eux, et qui les désignent comme des étrangers.

Cette loi vient une fois encore nous dire que nous sommes des citoyens à part, et nous vous traitons comme tels avec une loi de circonstance !

Cette loi sur mesure rappelle certaines périodes de notre histoire : rappelez vous comment la laïcité était appliquée dans les colonies, ce système d’indigène qui maintenait le statut personnel.

Statut ignoble qui gère encore les femmes, d’origine marocaine o u algérienne, et les exclues de certains droits, ici même en Europe, où l’on veut les protéger !

Tout le monde considère aujourd’hui que le multiculturalisme est une chance pour nos sociétés vieillissantes, et une nouvelle réalité de nos sociétés occidentales.

Nous le savons tous, le port du foulard c’est aussi l’expression d’une révolte face un sentiment d’injustice sociale et économique.

Il est donc urgent de stopper le discours misérabiliste qui présentent les filles des banlieues comme les pauvres, soumisses à la violence des pères et des frères, tous machos, puisque musulmans, et que l’on veut sauver de leurs griffes !

La dramatisation d’une situation n’a jamais servie sa cause !

Et il ne suffit pas de pleurer, rire ou crier, il faut comprendre et donner les moyens à ces femmes d’être autonomes. La république a besoin de citoyennes libres !

L’interdiction du foulard est perçue, à tort ou à raison, par nos voisins d’Europe, comme une mesure clairement xénophobe.

Pour beaucoup d’entre eux, l’argumentaire des tenants français de l’interdiction, fondée sur la laïcité ou l’égalité hommes – femmes, a permis de donner un vernis politiquement correct à l’Islamophobie classique, qui malheureusement en France ne concerne pas que l’extrême droite !

La question est pleinement politique car, au-delà des causes d’exclusion et de discriminations sociales, elle pose les droits des minorités visibles.

Les vrais enjeux sont de savoir comment ces minorités visibles peuvent affirmer leurs spécificités sans nuire à celui des autres ?

et comment l’Etat peut-il gérer ces différences dans l’Egalité des droits sans tenter d’imposer une norme culturelle dominante ?

Enfin, pour conclure, pour moi qui suis au Parlement Européen, une interrogation se pose : « pourquoi la France, et son président, si attaché à la laïcité dans l’hexagone, n’ont-ils pas défendu le principe de laïcité dans le projet de Constitution Européenne et la Charte des Droits Fondamentaux, où existe la notion d’héritage judéo-chrétien et le dialogue avec les églises ? »

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