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Ne pas instrumentaliser la question de la condition féminine

Oumma.com qui est avant tout un lieu de débat, respectueux de la pluralité d’expression, publie aujourd’hui une contribution de Jean-Pierre Morbois, conseiller municipal (PS) qui réagit à l’article de Michel Gilquin (cliquez ici pour accéder à l’article). Nous ne manquerons pas bien sûr de publier le droit de réponse de Michel Gilquin.

Le site oumma.com a publié, le 3 mars 2003, sous le titre « Que signifie condition féminine ? », une contribution du sociologue Michel Gilquin, qui, nous dit-on, offre d’intéressantes pistes de réflexion.

Vous me permettrez de ne pas être de cet avis. L’auteur prétend rappeler des évidences qui n’en sont que pour lui.

Il commence tout d’abord à ne pas répondre à la question posée, et à dissoudre la spécificité du rapport homme – femme dans la diversité des situations culturelles, économiques et sociales. Le rapport social de sexe entre hommes et femmes est certes toujours surdéterminé par les conditions matérielles des sociétés qui en constituent le cadre. Pour autant, les féministes affirment qu’il présente un invariant : la domination masculine, telle que Pierre Bourdieu l’a remarquablement montré.

Sur le second point, le port du hidjeb, il se réfère à la notion de pudeur, dont il donne une définition totalement fausse, à savoir celle d’une résistance à la marchandisation de son corps. Le sociologue prompt à mettre en évidence les différences entre les situations sociales devrait savoir que la notion de pudeur est très différente d’une société à une autre, qu’elle est fonction des lieux et des circonstances, et qu’elle a connu dans l’histoire de multiples variations.

Pourquoi ne pas dire la réalité, à savoir que le voile islamique appartient, non pas à l’Islam, ou à une tradition des pays musulmans, mais au code vestimentaire des néo-fondamentalistes. Le recours à la notion de pudeur, ou de décence suggère, par opposition, que celles qui ne le portent pas sont impudiques et indécentes, et les désigne à la vindicte publique. Les féministes, attachés à la liberté de la femme, revendiquent pour chacune le droit à s’habiller à sa guise, et refusent qu’on lui impose le port du voile, ou qu’on use de pressions à son égard pour le lui faire porter.

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La diatribe contre ceux qui voudraient atteler la femme musulmane à la galère productiviste suggère que le projet politique des néo-fondamentalistes tendrait à l’en affranchir. Rien n’est plus faux. Ceux qui instrumentalisent l’Islam à des fins politiques sont plutôt des conservateurs sur le plan social, des libéraux sur le plan économique, et rarement des démocrates.

Quel ton méprisant enfin pour décrier les valeurs humaines de solidarité en dénonçant ceux « qui croient faire oeuvre de charité en “compatissant” avec les présumés malheurs des autres ». Chacun sait que l’émancipation des êtres humains, hommes et femmes, ne peut être que le résultat de leur propre action.

Il faut quand même souligner que la différence de sexe, qui devrait n’être que ce qu’elle est, se double d’inégalités et de discriminations de toutes sortes, que chacun connaît. Elle est, dans des sociétés parcourues de toutes parts par la violence, de tous les temps et sous toutes les latitudes, le support de violences spécifiques. La violence conjugale existe dans toutes les sociétés, dans tous les milieux sociaux. Les sociétés occidentales n’ont de leçon à donner à personne sur ce point.

Il est effectivement important de dénoncer les amalgames concernant la spiritualité musulmane. Celle qui ne présente par elle même aucun caractère intrinsèquement oppresseur. Tout dépend de l’usage que les hommes et les femmes en font, de l’interprétation qui lui est donnée. Il faut bien évidemment la distinguer de l’image que peuvent en dresser, en se nourrissant réciproquement, à la fois une propagande occidentale mal intentionnée, et ceux qui dévoient l’Islam dans des objectifs politiques réactionnaires. A l’heure où il convient effectivement d’isoler les islamophobes, il aurait été agréable que Monsieur Gilquin, que je rejoins volontiers dans la conclusion de son texte, n’en consacre pas l’essentiel à s’en prendre aux secteurs de l’opinion les plus ouverts à la tolérance, et ne paraisse pas s’aligner sur les positions néo-fondamentalistes.

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