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Les euro- méditerranéens seraient-ils des européens de seconde zone ?

L’élargissement de l’Union Européenne vers l’Est scelle la réunification de l’Europe et ouvre certes de nouveaux horizons valorisants, et un essor certain pour les nouveaux pays adhérents, mais il implique de la part de l’Europe un investissement de rééquilibrage stratégique pour favoriser la stabilité et la sécurité de l’espace euro-méditerranéen dans un souci d’équité et de solidarité avec les pays riverains du Sud.

L’engouement optimiste pour l’Europe à 25 pays n’a d’égal que le pessimisme voire la fin de non recevoir pour l’adhésion de la Turquie et la surenchère quand aux nombres d’années qu’elle doit attendre qui dit dix, qui dit vingt et qui dit 30 une manière embarrassée pour ne pas avouer que l’Europe est un club de culture judéo chrétienne où un pays musulman n’a pas de place, et que 80 ans de kémalisme et d’intégrisme laïc ne suffisent pas pour intégrer les héritiers de l’empire ottoman, l’histoire est encore plus têtue que la géographie comme le prouve les spéculations de certains sur l’emplacement du bosphore.

Cette attitude dédaigneuse quand elle n’est pas haineuse rappelle curieusement cette xénophobie nouvelle qui théorise le conflit des civilisations, et de ce fait fausse le discours ambiant sur la modernité, la démocratie et les droits de l’homme à géométrie variable pour un rejet invariable, car qui plus que la Turquie s’est occidentalisée en votant dès le 3 mars 1924 l’abolition du califat, l’interdiction des vêtements traditionnels, de l’alphabet arabe et de la polygamie et bien d’autres concessions au détriment de l’identité et de la culture, cela n’a pas suffit pour accepter la Turquie en Occident, tout juste si elle servait de porte avion qui protégeait l’Europe à l’époque de la guerre froide contre la menace soviétique, de la même manière que les maghrébins et les africains ont servi de chair à canon entre les deux guerres, certains non-dits sont dangereux de sens et de conséquence.

La question alors que la Constitution de l’Europe est en gestation est de savoir si réellement et indéfiniment l’Europe restera le club judéo-chrétien qu’elle semble être dans l’inconscient collectif de certain, et si elle n’aurait pas oublié au passage une autre composante qu’on ne pas voir parce que on a toutes les peines du monde à la concevoir comme réalité, comme entité, comme composante d’une identité européenne plurielle.

Qu’en est il donc des européens de souche arabe, africaine, asiatique ou musulmane, on t-il voix au chapitre ou doivent-ils continuer à exister en périphérie de l’Europe, des citoyens de seconde ou de troisième zone représentés nulle part et défendus par personne ?

Et si l’histoire officielle de l’Europe est souvent confondue avec une certaine perception biaisée des rapports de force culturels entre Occident et Orient essentiellement marquée par une dynamique conflictuelle et des drames et des tensions en succession depuis le déclenchement des croisades jusqu’à la colonisation, de sorte que la frontière du christianisme se veut et se confond avec la frontière de l’Europe, il n’en demeure pas moins qu’une grande partie de l’histoire de cette même Europe a été occultée et souvent ignorée parce qu’à une époque une partie de l’Europe était musulmane et voyait briller une civilisation humaniste raffinée et sans égal à l’époque, on veut bien profiter du produit « Lumière » mais on jette l’emballage « islam ».

L’Europe n’a jamais été uniquement le club judéo chrétien que l’on veut qu’elle soit, mais aussi un espace où la religion et la civilisation musulmanes ont fait souche, fécondées et cohabitées avec d’autres courants de pensées et religions en toute harmonie et ce depuis le début du 8 siècle de notre ère jusqu’à nos jours avec les nouvelles migrations malgré toutes les vexations.

Et contrairement à la version officielle d’un islam furtif et désorganisé qui a été mis en échec à Poitiers grâce à la vaillance d’un Charles Martel, ou d’un Islam tardif qui ne serait que le fait d’une immigration du milieu du XX siècle, la culture et l’organisation sociale, culturelle et administrative musulmanes ne ce sont pas limitées à l’Andalousie mais ils ont franchi les Pyrénées.

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Et c’est ainsi comme le rappelle le politologue et historien Bruno Etienne, qu’entre 725 et 731 les berbéro mauresques musulmans s’installent en Septimanie l’actuel Languedoc Roussillon, et prennent le contrôle de Carcassonne, de Nîmes et de Lyon, et que pendant l’épuration ethnique des rois catholiques en Espagne et surtout avec les derniers édits d’expulsion des maures entre 1601 et 1610 plus de 150.000 musulmans trouvèrent refuge en France de Bordeaux jusqu’à Marseille où la mosquée dite des « Galères » était encore visible jusqu’au début du XIX Siècle.

Le devoir de mémoire invite les européens à se rappeler une page de leur histoire écrite bien avant Charlemagne par des musulmans, premières victimes en Europe de l’obscurantisme et de l’intégrisme religieux des tribunaux d’exception qui les brûlaient vifs, les expulsaient ou les réduisaient en esclavage pour les obliger à renoncer à leur liberté de pensée et de conscience. Ils étaient victimes d’une spoliation généralisée de leurs biens, de leurs patries et de leurs identités, faut-il dans cette nouvelle Europe des droits de l’Homme et de la liberté leur demander pardon même à titre posthume, la conscience et la justice le préconisent contre l’oubli et contre ce premier crime contre l’humanité du XV siècle aussi odieux que l’holocauste des Juifs au XX.

Oui l’Islam est une composante de l’identité européenne ne serais ce que parce qu’il a contribué à sortir l’Europe de l’ignorance du Moyen Age et dont il faut aussi tenir compte. Aujourd’hui le discours égalitariste et politiquement correct que l’on répète partout sur la représentativité de la diversité européenne semble occulter un fait majeur à savoir que la majorité européenne de ’’souche occidentale’ qui monopolise le pouvoir et les rouages économiques, politiques et stratégiques confine la minorité européenne de ’’souche orientale’’ dans une marginalisation et exclusion presque totale. Et pourtant le nombre des européens de souche non occidentale avoisine les 35 millions soit environ 10 % de l’ensemble de la population européenne estimé à environ 400 millions.

Et pour cause et à quelques exceptions très rares aucun député, aucun ministre, aucun commissaire ou haut fonctionnaire européen n’est nommée parmi les européens d’origine méditerranéenne, africaine ou asiatique, et lorsque cette règle est rompu c’est pour occuper des postes périphériques dont le poids de décision est sans commune mesure avec le reste.

Ces euro-méditerranéens tiennent plus que jamais à jouer pleinement leur rôle dans la construction européenne et exercer une citoyenneté entière et positive pour participer aux choix et aux priorités d’une grande communauté de 25 pays. L’apport de ces citoyens facilite aussi les échanges et les complémentarités entre les deux rives de la Méditerranée pour favoriser un espace euro méditerranéen intégré, solidaire et visionnaire capable de forger un avenir commun de paix, de stabilité et de prospérité pour tous.

Que l’Europe sache reconnaître tous les siens, car ignorer ou marginaliser certains augure de difficultés imprévisibles pour des lendemains incertains.

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