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“Les Palestiniens ont depuis longtemps cessé d’être un peuple pour nous”

Ce texte est un témoignage de Noam Bahat, appelé à faire son service militaire dans l’armée israélienne, devant un tribunal le jugeant pour désertion.

« Chaque fois qu’un enfant israélien ou palestinien reçoit une balle, notre conscience aussi reçoit une balle droit au coeur. Après avoir trompé notre conscience si affreusement, elle reste seule dans son coin et boude parce qu’elle veut éviter la douleur et l’anxiété de voir et le cauchemar de savoir. Le résultat, que nous le disions ou pas, c’est que les Palestiniens ont depuis longtemps cessé d’être un peuple pour nous. C’était pareil pour moi, mais j’ai fini par me poser des questions sur ce problème et ma conscience ne pouvait plus se taire. »

La Conscience

C’est quoi la conscience ? La conscience, c’est cette petite voix dans votre tête qui vous dit que ce que vous être en train de faire ou ce à quoi vous assistez n’est pas bien. La même petite voix qui va vous dire de faire quelque chose même si c’est contre votre intérêt personnel.

Une personne qui a une conscience suivra sa conscience et pas son intérêt personnel. Mais tout le monde n’a pas une conscience.

La plupart des gens s’habituent à ruser avec leur conscience, ils l’endorment et l’empêchent de fonctionner. Je suis quelqu’un qui a une conscience. Je ne sais pas pourquoi, peut-être parce que j’ai été élevé comme ça. Ou parce que je suis né comme ça.

J’ai toujours été et je serai toujours une personne avec une conscience, quelqu’un qui pense très profondément aux choses. Une personne qui, comme moi, écoute sa conscience, fait des choses quotidiennement ; lui ou elle ne se contente pas de s’abstenir de faire des choses, c’est une personne active et non passive.

Enfant, je me suis toujours abstenu de la violence et si je « m’emportais », j’avais des remords de conscience. J’ai toujours voulu apprendre à me contrôler, à être plus réservé. Cette question m’inquiétait un peu quand j’étais à l’école élémentaire et j’y réfléchissais beaucoup, surtout après mes bagarres avec mon grand frère et ma petite soeur.

Aujourd’hui je suis quelqu’un de très réservé et de très équilibré, qui a travaillé à cela, persuadé que les gens ne devraient ni se battre ni se quereller mais devraient apprendre à trouver des solutions logiques aux situations de conflit.

Je suis devenu membre du mouvement « Bnei Hamoshavim » dans ma communauté. Dans mon mouvement de jeunesse, je me suis d’abord rôdé aux questions d’égalité, de liberté, d’environnement, questions qui donnaient forme à ma perception du monde et à mes convictions.

En classe de Seconde, j’ai commencé à être éducateur pour les jeunes.

Mon premier objectif était de contribuer à la société en créant un lieu supplémentaire pour les enfants, comme un club. Mais au cours de ma première année comme moniteur, j’ai compris que le but n’est pas simplement de fournir un endroit, d’éduquer, de faire passer aux enfants les mêmes valeurs que j’avais reçues à leur âge dans le mouvement.

A ce moment, j’ai franchi une étape à l’école, et j’ai cessé de croire au système officiel d’éducation, un système dogmatique et raciste, qui forme aux diplômes mais non aux valeurs.

J’ai regardé autour de moi, j’ai essayé d’être critique et de peser les choses équitablement, et j’ai décidé de quitter le système éducatif.

J’ai terminé ma Seconde et j’ai quitté l’école. Au cours de ma deuxième année comme éducateur, j’ai transmis ma conception de l’éducation aux étudiants de 4ème de mon groupe.

J’ai essayé de toutes mes forces de transmettre un message éducatif ouvert, tolérant, compréhensif.

C’est le message que j’ai tiré de ma conduite personnelle et d’outils méthodiques.

Lors de ma troisième année d’éducateur, l’Intifada a commencé. En tant que moniteur d’un mouvement de jeunesse, éducateur privé, j’ai essayé de comprendre et d’expliquer à mes élèves l’impossible.

Comment Israël pouvait-il retenir tous ces gens en otages ?

D’un côté il y a le consensus israélien selon lequel Israël est bon, et les Arabes sont leur ennemi.

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De l’autre côté, il y a ce que nous savons : que depuis plus de trente ans, tant de gens vivent sous occupation, vivent sans liberté, sans liberté de circuler, dans la plus grande pauvreté.

J’ai hésité au milieu de ces contradictions entre les valeurs auxquelles je crois et la société qui m’entoure et viole continuellement ces valeurs les unes après les autres, j’ai hésité entre le souhait de contribuer et de donner trois ans de ma vie, comme tout le monde, et la connaissance que cette soi-disant contribution ne contribue en fait qu’à annihiler cette contradiction, cette contradiction entre mes valeurs et l’Etat, l’armée.

Je ne pouvais plus croire que ce pays dans lequel je vis engendre cette terrible injustice.

Quand j’ai débuté mon année de Service militaire, j’ai commencé à réfléchir à cette question qui n’est devenue pertinente qu’avec le temps.

Qu’est ce que le gamin de 18 ans que je suis, sans capacité à influencer le système, est supposé faire quand l’Etat d’Israël, mon pays, détruit les vies et les droits de trois millions de gens ?

Tout éducateur qui veut enseigner les valeurs devrait voir son objectif non seulement comme l’explication et la justification de ces valeurs, mais comme l’enseignement d’une pensée critique, comme l’aspiration à faire entrer les valeurs dans la réalité, comme la création d’êtres humains conscients qui respecteront la morale et les valeurs.

On initie les enfants aux valeurs, ils les intériorisent mais alors arrive l’épreuve de la réalité.

C’est terrible quand on en parle franchement, mais c’est l’expérience que j’ai des gens autour de moi, c’est ce climat qui règne dans le public israélien, chez les jeunes qui deviennent soldats.

On peut dire clairement que ce climat se durcit avec la réticence que montre l’armée à enquêter sur les soldats violents et même meurtriers et cet ordre d’idée indique que tout est permis, je ne peux accepter cette façon de faire.

Chaque fois qu’un enfant israélien ou palestinien reçoit une balle, notre conscience aussi reçoit une balle droit au coeur.

Après avoir trompé notre conscience si affreusement, elle reste seule dans son coin et boude parce qu’elle veut éviter la douleur et l’anxiété de voir et le cauchemar de savoir.

Le résultat, que nous le disions ou pas, c’est que les Palestiniens ont depuis longtemps cessé d’être un peuple pour nous. C’était pareil pour moi, mais j’ai fini par me poser des questions sur ce problème et ma conscience ne pouvait plus se taire.

Elle ne pouvait plus m’empêcher d’entendre mais tout d’un coup tout devenait clair et fort comme si quelqu’un me criait dans l’oreille et ma conscience a entendu. Mon trouble a grandi et alors est arrivée ma décision finale de ne pas m’engager .

En homme de conscience, je ne pouvais pas prendre part à l’oppression de l’armée.

Octobre 2004

Source : www.refuz.org.il/

Ce texte a paru sur le site de l’ISM (www.ism-france.org)

Traduction : CS pour ISM-France

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