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Le but avoué des éditions Flammarion : discréditer Tariq Ramadan

J’ai signé le 20 avril 2004 avec les éditions Flammarion un contrat pour écrire une biographie non autorisée de Tariq Ramadan. J’ai rendu mon manuscrit en septembre 2005. Il a été bloqué pendant dix mois avant que Thierry Billard, directeur littéraire de Flammarion, ne me précise par écrit ce qui m’avait été dit oralement à plusieurs reprises : mon livre ne sera pas publié car je ne discréditais pas Tariq Ramadan.

Pour cela, j’aurais dû en premier lieu lui découvrir des liens avec des organisations terroristes. « Djamel Beghal, condamné dans une procédure terroriste, a suivi les cours de Ramadan (…) Même chose pour d’autres jeunes gens enclins au terrorisme qui ont suivi les cours de Ramadan. Sur ce point, une enquête plus poussée aurait permis de l’établir », me reproche Thierry Billard dans son courrier recommandé daté du 30 juin 2006.

Les motivations de cet éditeur sont faciles à comprendre : plus effrayantes seront les accusations portées contre Tariq Ramadan, plus nombreux seront les lecteurs et plus gros seront les tirages. En fait, Flammarion ne souhaitait pas une biographie de Tariq Ramadan mais un pamphlet encore plus sensationnaliste que le livre de Caroline Fourest, « Frère Tariq ». Depuis, j’ai récupéré mon manuscrit, préfacé par le chercheur Vincent Geisser. Il a été actualisé et les éditions Favre le diffusent ce mois-ci en France, en Suisse, en Belgique et au Canada.

Dans mon livre, en page 323, j’évoque Djamel Beghal, condamné à 10 ans de prison, mais en précisant que ce ne sont pas des « cours » qu’il aurait suivi auprès de Tariq Ramadan. Il n’a, en fait, assisté qu’à une seule de ses conférences. Difficile, dans ces conditions, d’évoquer la moindre connivence entre les deux hommes.

Yannick Blanc, alors chef de service au ministère de l’Intérieur, chargé de la sous-direction des affaires politiques et de la vie associative, m’a livré par écrit une appréciation très claire concernant Tariq Ramadan : « Je n’ai jamais eu connaissance d’information établissant un lien entre Ramadan et une “organisation radicale“.

Je n’ai pas accès, loin de là, à toutes les informations policières sur les milieux islamistes radicaux, mais le simple bon sens permet de comprendre que, si un tel lien existait, il y a longtemps que Ramadan serait interdit de territoire français ». Pour les éditions Flammarion, ce témoignage doit passer à la trappe. « Le lecteur y apprend que Yannick Blanc, un garçon très connu comme chacun sait (…) dédouane Tariq Ramadan de toutes les accusations proférées contre lui », écrit Thierry Billard, clairement méprisant vis-à-vis de ce haut fonctionnaire, actuellement directeur de la police générale à la préfecture de police de Paris.

Le directeur littéraire de Flammarion ajoute : « D’autant que cela occulte les rapports de la DST, des RG, les propos du ministre de l’Intérieur sur votre personnage central ». Pour enfoncer le clou, Thierry Billard précise : « L’un des correspondants genevois de la DGSE (…) ne s’est-il pas acharné sur Tariq Ramadan ? ». Cette citation est très importante car elle révèle l’une des sources islamophobes (et très peu fiable) qui conseille les éditions Flammarion. Le directeur littéraire ne se demande-t-il pas pourquoi, malgré « l’acharnement » de ce fonctionnaire, Tariq Ramadan parvenait à franchir les frontières sans que douaniers et policiers ne l’arrêtent immédiatement ?

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En page 262 de mon livre, j’aborde la question des fameuses cassettes en arabe dans lesquelles Tariq Ramadan, selon ses adversaires, tiendrait un discours tout autre que dans les enregistrements en français. Durant mon enquête, j’ai été en contact avec onze personnes assurant soit posséder ces cassettes, soit les avoir entendues. L’une d’entre elles prétendait même que Tariq Ramadan exhortait les musulmans à tuer « tous les infidèles », et hurlait pendant plusieurs minutes : « Mort à l’Occident », avant de rendre un hommage appuyé à Oussama Ben Laden !

Malgré mon insistance, aucun de ces témoins n’a pu me fournir la moindre cassette, pour la simple raison qu’elles n’existent pas. Pourtant, les éditions Flammarion affirment le contraire. « Que personne ne vous les ait données ne prouve pas qu’elles n’existent pas, juste qu’on n’a peut-être pas voulu vous les passer », écrit Thierry Billard. Il ajoute que Caroline Fourest, elle, a pu facilement se procurer ces mystérieux enregistrements en arabe. « Vous oubliez d’évoquer précisément les pages où elle parle de ce sujet. Vous avez tout à fait le droit de contester sa version, évidemment, mais pas de faire comme si ça n’existait pas ».

Dans le livre « Etre arabe », Farouk Mardam-Bey et Elias Sanbar regrettent qu’en France les universités ne s’intéressent plus à l’islam que sous l’angle politique, et « où n’importe quel journaliste ayant lu un “Que sais-je ?“ sur l’islam est proclamé expert en islamologie ». La lecture du courrier de six pages signé par le directeur littéraire de Flammarion ne me donne pas l’impression que Thierry Billard ait seulement pris la peine d’ouvrir un « Que sais-je ? ». Ainsi me reproche-t-il que plus d’un tiers de mon livre soit «  consacré non pas à Tariq Ramadan mais à l’histoire des Frères musulmans, en tout début de livre, on est éloigné du sujet initial ».

Faut-il lui rappeler qu’Hassan Al-Banna, le grand-père de Tariq Ramadan, a fondé les Frères musulmans en 1928, et que Saïd Ramadan, son père, a longtemps été le responsable de la Confrérie en Europe ? Thierry Billard enfonce le clou en écrivant : « Pire, même les gens morts depuis vingt ans écrivent sur votre sujet, tel l’ancien otage du Liban Michel Seurat ». Le directeur littéraire de Flammarion ignore sans doute que Michel Seurat et Olivier Carré ont écrit « Les Frères musulmans », l’un des meilleurs ouvrages sur la question. Pour ce qui est de la mémoire du chercheur Michel Seurat, je laisse sa famille apprécier à sa juste valeur la délicatesse du directeur littéraire de Flammarion.


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