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La controverse de Mostaganem

J’ai eu l’honneur de participer à Mostaganem à la célébration du centenaire de la confrérie Alawiyya et le bonheur de partager avec des jeunes et des moins jeunes des moments inoubliables de fraternité. Les mots qui revenaient souvent dans les travées du congrès c’étaient : Amour, Paix et Miséricorde ; des mots qui rappellent l’essence même du message coranique et qu’on entend de moins en moins en terre d’islam, particulièrement depuis les dernières décennies.

J’étais venu dire qu’il fallait prendre garde à ne pas laisser réduire la religion au questionnement le plus primaire « « Yajouz et La Yajouz », ( permis ou pas permis) comme c’est le cas hélas aujourd’hui chez nous, au point que des censeurs se chargent de veiller à l’alignement de vos doigts de pied sur ceux du voisin lors des prières collectives au détriment du recueillement, de la concentration et du cheminement vers Dieu.

Au point que les prêches du vendredi sont devenus d’une banalité affligeante à force de traiter de problèmes d’un autre temps, dans un arabe d’un autre temps, face à une assistance assez désemparée, menacée de géhenne ou en attente de rivières de miel.

Au point que dans nos quartiers, les guerres picrocholines autour du Niqab, du Djelbeb, du Hijab et autres accessoires sont devenues le sujet primordial qui suscite des controverses déterminantes pour notre avenir au moment où sous d’autres cieux on doit se prononcer sur le choix entre l’énergie d’origine fossile, nucléaire ou solaire. L’accessoire a pris le pas sur l’essentiel et si ailleurs on dit que l’habit ne fait pas le moine, chez nous la barbe fait bien le dévot.

A Mostaganem, j’étais venu réaffirmer comme beaucoup d’autres que l’islam n’était pas une idéologie mais une spiritualité et que le « Fiqh » (Droit ) à travers les processus raisonnés qu’il implique l’a emporté sur l’essence même de la Foi.

A Mostaganem, j’étais venu interpeler les confréries religieuses au sujet de leur discrétion que je trouvais inadaptée dans les circonstances actuelles, face à la crise que traverse l’islam depuis bien longtemps.

J’ai trouvé des oreilles attentives, des femmes et des hommes soucieux de vivre un islam du juste milieu, ouvert et tolérant. J’ai apprécié l’assiduité des jeunes aux ateliers qui ont traité de la terre, de l’éducation d’éveil, de la mondialisation, de la révélation, de la spiritualité, du soufisme et de la prospective ; plus soucieux d’harmoniser la tradition et la modernité que de répondre à l’écho négatif qui nous parvenait de l’extérieur.

Des officines, ou des groupes de pression, ou des personnalités religieuses, n’avaient pas trouvé à leur goût cette intrusion dans un champ qu’ils avaient réduit jusque-là à un ton monocorde en matière de religion. On risquait de les empêcher de pérenniser ainsi un ronron et une léthargie qui assuraient aux uns et aux autres l’autorité ou la célébrité ou les accès aux portes du pouvoir, mais toujours pour quelque avantage.

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Alors, faute de pouvoir faire pièce aux organisateurs de Mostaganem sur le terrain du débat et de la confrontation des idées, et incapables de mobiliser autant d’intelligences et de compétences sur des thèmes aussi peu porteurs que la spiritualité ou l’Amour de Dieu, ils ont poussé des cris d’orfraie à la vue d’une ou deux miniatures persanes parmi des milliers d’autres illustrations, pourtant connues et vues par le monde entier à commencer par le monde islamique.

Que n’avaient-ils manifesté autant de colère et d’indignation quand des milliers et des milliers d’innocents étaient quotidiennement égorgés et éventrés en Algérie ? Que n’avaient-ils alors trempé leurs plumes dans l’acide pour désigner publiquement les auteurs et les commanditaires d’une expédition barbare menée au nom de l’islam ?

L’indignation sélective ou l’effarouchement inattendu peuvent aider à maintenir plusieurs fers au feu certes, mais la ficèle était trop grosse et ce ne sont pas les quelques saillies dans certains quotidiens nationaux qui auront réussi à cacher le subterfuge.

Passe encore qu’on ne partage pas la spiritualité telle que la prône la tariqua Alawiyya, voie soufie centenaire, qui s’inscrit dans une démarche aussi ancienne que la révélation coranique, mais alors pourquoi ne pas en débattre entre gens civilisés ; puisque c’est ainsi qu’étaient qualifiés les hommes et les femmes qui faisaient partie des sociétés savantes musulmanes, il y a de cela quelques siècles. Cela reviendrait à avoir recours à des moyens civilisés, bien loin des accusations infondées et de l’insulte. Pourquoi faut-il enfin que chez nous, en terre d’islam, les controverses se transforment en conflits et les querelles en anathèmes quand il devrait y avoir débat d’idées et enrichissement mutuel ?

Il faudra, lorsque les passions se seront éteintes et que la sagesse aura repris ses droits, faire travailler notre imagination pour ouvrir enfin et au grand jour ce grand débat que nous attendons tous. Confronter nos idées sur la crise que traverse l’islam, le retard des sociétés islamiques, revenir à l’essence de l’islam, « rouvrir » les portes de l’ijtihad, et dialoguer avec tous ceux qui revendiquent leur appartenance à notre religion sans exclusive ni parti pris.

Ce sont là quelques unes des idées qui ont été semées à Mostaganem. Puissions-nous enfin œuvrer ensemble pour rendre justice à une civilisation, à une culture et à une religion qui avaient éclairé le monde et dont tous les musulmans dans leur grande diversité d’origine sont les dépositaires ?

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