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Jordanie / Maroc : Deux voltigeurs de pointe de la diplomatie occidentale (1/2)

Hassan et Hussein, le modernisme au service de l’archaïsme.

Dans le récit de la prophétie musulmane, ils portent deux prénoms de légende celui des deux petits fils du prophète, Hassan et Hussein, vénérés pour leur martyr, mais ce parrainage prestigieux ne mettra pas à l’abri du discrédit ces deux monarques parmi les plus instruits du monde arabe qui se revendiquent de surcroît comme descendants du prophète, le Jordanien Hussein, chef de la dynastie Hachémite, et le Marocain Hassan, chef de la dynastie alaouite (1).

A l’inverse des pétromonarques du Golfe d’extraction bédouine et d’éducation rudimentaire, Hussein comme Hassan auront été les deux seuls souverains arabes de la seconde moitié du XXe siècle diplômés des universités occidentales, chacun dans la filière coloniale de son pays, le Hachémite de l’académie militaire britannique de Sandhurst, l’Alaouite de la Faculté de Droit de Bordeaux, mais le savoir acquis au cours de leur cursus universitaire ne sera jamais affecté à la modernisation de leur royaume respectif mais à conforter leur archaïsme dans leur méthode de gouvernement et leur narcissisme dans leur projection médiatique occidentale.

Hussein le Hachémite :

Un fait plus que tout résume l’histoire de la dynastie hachémite et explique une large part de ses déboires et de son rejet au niveau arabe : le Général britannique John Glubb Pacha à la tête des bédouins de la « Légion arabe » lors de la première guerre de Palestine en 1948 qui a abouti à la création de l’Etat Hébreu. Qu’un officier supérieur de la nationalité de la puissance mandataire de l’époque coloniale se trouve aux commandes de l’armée nationale jordanienne lors de la première grande guerre panarabe contre les Israéliens, déployant par avance ses troupes dans les limites approximatives de la future ligne démarcation jordano israélienne sans chercher à pousser plus en avant sa progression, donne la mesure de la duplicité du trône hachémite et de sa dépendance vis à vis de son parrain immuable, le Royaume Uni.

Le subterfuge manquait de finesse et la dynastie paiera du prix fort ce handicap congénital. Evincée de La Mecque par les Wahhabites, refoulée de Damas par les Français, assassinée à Jérusalem et décapitée à Bagdad, dans l’un comme dans l’autre cas par des nationalistes arabes, la dynastie hachémite qui se rêvait à la tête d’un grand Royaume Arabe s’étendant de la péninsule arabique à la côte méditerranéenne, se retrouve, au terme de près d’un siècle de connivence occidentale et de turbulences anti-monarchiques, réduite à sa portion congrue, le trône de Jordanie, une principauté taillée sur mesure sur les débris de la Palestine, par le détachement de la Transjordanie de la Cisjordanie dans la grande tradition des découpages propres à l’arbitraire colonial.

Cheville ouvrière de la présence anglo-saxonne au Moyen-Orient, le « Petit Roi » ainsi que l’appelait les gazettes mondaines occidentales s’est révélé être un « grand vassal », assumant depuis Amman une double mission : la sauvegarde des pétromonarchies du Golfe, dont il sera longtemps le meilleur gendarme régional, ainsi que l’intégration israélienne au Moyen-Orient, qui valut au fondateur de la branche jordanienne de la dynastie, le Roi Abdallah 1er, d’être assassiné à Jérusalem même, dans l’enceinte même de la Mosquée Al-Aqsa, signe indiscutable de la fureur qu’une telle famille inspirait à la population.

La culture moderniste de Hussein remplira les gazettes royales européennes de ses exploits sportifs (ski nautique et pilotage) et matrimoniaux. Sa première épouse Dina Abdel Hamid, issue de la grande bourgeoisie égyptienne, ralliera la Révolution palestinienne et son mariage avec un des dirigeants de l’organisation marxisante du Front Populaire de Libération de la Palestine (FPLP) retentira comme un désaveu des pratiques royales. La deuxième épouse, Toni Gardiner, la fille de son conseiller militaire britannique, lui donnera son successeur, l’actuel Roi Abdallah II, illustrant non seulement dans l’ordre symbolique mais également dans le domaine charnel la filiation britannique du trône hachémite.

Plus grave, le nom de Hussein sera indissolublement associé au « Septembre noir » jordanien, la première grande opération d’éradication armée des Palestiniens.

Le Roi, dont les deux tiers de la population est d’origine palestinienne, n’hésitera pas à bombarder sa capitale et à noyer dans un bain de sang- trois mille victimes- le mouvement national palestinien à son envol en 1970 deux ans après la prestigieuse bataille d’Al Karameh (La bataille de la dignité) au cours de laquelle plusieurs dizaines de fedayin palestiniens se laisseront décimés sur place forçant l’armée israélienne à battre en retraite sous le regard impassible de l’armée jordanienne, demeurée l’arme au pied dans la vallée du Jourdain (2).

Son premier ministre d‘alors Wasfi Tall dénommé le « boucher d’Amman », l’ancien agent de l’Intelligence service britannique, sera assassiné en représailles en 1971 et lui même sera dessaisi quatre ans plus tard de la charge de la représentation des Palestiniens au bénéfice de l’Organisation de Libération de la Palestine (OLP) par le sommet arabe de Rabat tenu dans la foulée de la quatrième guerre israélo-arabe d’octobre 1973 à laquelle il n’aura pas participé.

Son mariage en troisième noce avec une fille de la grande bourgeoisie palestinienne Alia Toukane, décédée dans un accident d’avion, ne le protégera pas de cette nouvelle amputation, sans doute la plus douloureuse puisqu’elle le privait de sa qualité de « Gardien des Lieux Saints de Jérusalem », fondement de sa légitimité.

Son quatrième mariage avec une arabo-américaine Lisa Halabi, fille de l’ancien Président-directeur général de la compagnie aérienne américaine Panam, sera plus conforme à ses nouvelles orientations politiques. Que cela soit dans son chalet du golfe d’Akaba ou à Londres, sa résidence secondaire, Hussein maintiendra un contact assidu avec les dirigeants israéliens toute tendance politique confondue qui veilleront toujours, en retour, à résoudre le problème palestinien dans le cadre jordanien, jamais d’une façon indépendante.

Un an après l’arrangement israélo-palestinien d’Oslo, piaffant d’impatience, il prendra de vitesse l’ensemble du Monde arabe, comme s’il redoutait d’être laissé pour compte et opère en 1994 une sorte de Blitzkrieg diplomatique, signant sans coup férir un traité de paix avec Israël normalisant dans la foulée ses relations avec l’Etat Hébreu, alors que l’Egypte, doyenne du processus, était au stade de la pré normalisation quinze ans après la signature de son propre traité de paix.

En juin 1995, Hussein, toujours lui, sera l’un des plus actifs soutien au coup de force du Qatar qui entraîne l’éviction d’un émir notoirement francophone au bénéfice de son fils davantage perméable aux arguments de la firme pétrolière anglaise « British Petroleum » désireuse de participer à l’exploitation de gigantesques gisements de gaz de la principauté, le champ off shore North Dome, dont elle avait été exclue auparavant.

En octobre de la même année, Hussein s’appliquera à neutraliser les effets du sommet euro-méditeranéen de Barcelone en organisant simultanément à Amman une conférence économique pour le lancement du « Grand Moyen-Orient » devant sceller l’intégration d’Israël dans le circuit économique arabe. Barcelone et Amman représentaient le choc frontal de deux conceptions de la coopération régionale, la conférence jordanienne soutenue par les Etats-Unis et Israël tentait de promouvoir une zone de libre-échange en rétrocédant aux pétromonarchies du Golfe la sous traitance de l’aide financière aux pays de la zone, alors que Barcelone propulsée par l’Union européenne s’employait à développer une coopération trans-méditerranéenne par l’établissement d’une zone tarifaire préférentielle et un transfert de technologie Nord-Sud.

Par deux fois donc, que cela soit pour le coup de force du Qatar ou pour le sommet euro méditerranéen de Barcelone, la Jordanie s’est retrouvée en porte à faux avec la France, mais Paris ne lui tiendra jamais rigueur de ses mauvaises manières et fera même preuve d’une déférence constante à son égard. C’est ainsi que le protocole français veillera pendant des décennies à ce que tous les ambassadeurs français accrédités à Amman ne dépassent pas d’une tête le « petit roi » de crainte de donner l’impression de le toiser de haut.

Hospitalier, Hussein l’était selon une conception singulière du droit d’asile qui relève davantage de la contorsion juridique que de la simple application du droit positif. C’est ainsi qu’il offrira en 1995 l’asile politique au gendre du président irakien Hussein Kamel pour un débriefing par les services américains. « Quiconque franchit la demeure d’Abou Abdallah peut y demeurer en paix », avait-il avancé en guise de justification. Mais le principe d’hospitalité brandi haut et fort par le Royaume s’est vite révélé un artifice juridique à usage variable puisque le monarque n’hésitera pas quinze jours plus tard à livrer aux Etats-Unis un islamiste palestinien Al-Marzouki dont l’extradition était réclamée par Washington.

Huit ans plus tard, son successeur et propre fils Abdallah II offrira l’asile à la famille du président déchu Saddam Hussein avec l’espoir d’en faire un levier au repositionnement des sunnites irakiens éliminés de la scène politique par l’invasion américaine de l’Irak, dont le jeune roi aura été l’un des catapulteurs. C’est en effet à travers le désert jordanien de l’Ouest du Royaume que les forces spéciales américaines se sont frayées le passage pour y contourner et neutraliser les positions irakiennes bien avant le début officiel des opérations contre le régime baasiste, en mars 2003.

Inclinaison naturelle ou atavisme familial ? C’est à New York le 22 mars 2005 devant les organisations juives américaines, et non à Alger devant ses pairs arabes réunis le même jour en un sommet qu’il boudera, qu’Abdallah II, fils de Hussein, tirera la sonnette d’alarme sur le « péril chiite » qui menace le Moyen-Orient dans la configuration géopolitique post-saddamienne. Un remodelage auquel son père et lui-même auront grandement contribué non seulement en prêtant le territoire jordanien aux menées américaines, mais en collaborant étroitement aux projets de l’administration américaine et de ses services annexes.

La Jordanie est en effet avec l’Egypte un des principaux adeptes de la « rendition » (3), la délocalisation de la torture américaine vers les pays du tiers monde, et, depuis un quart de siècle, le principal sous traitant régional de la répression carcérale américaine dans le monde arabe, dont il en tire de substantielles avantages tant au niveau de la prestation de ses tortionnaires à ses partenaires arabes, qu’en terme de retombées médiatiques bienveillantes de la part de la presse américaine. Le Maroc, l’Egypte voire même la Syrie auraient également bénéficié de ces « restitutions extraordinaires » de présumés terroristes, rétrocéder à ces pays connus pour utiliser la torture.

Atavisme familial ou inclinaison naturelle ? Abdallah infligera à son père le même camouflet que Hussein avait infligé à son grand père. Bravant les lois de la succession à la veille de son décès imminent, Hussein, sur pression américaine, avait destitué son frère Hassan, prince héritier en titre, pour confier cette charge à son propre fils Abdallah. Devenu roi à son tour, trahissant les prescriptions de son père, Abdallah II destituera son frère Hamza du poste de prince héritier pour confier ce poste à son propre fils encore en bas âge.

Il se montrera néanmoins le digne fils de son père dans ses frasques amoureuses au point que sa proximité avec la famille du milliardaire libano saoudien Rafic Hariri, l’ancien premier ministre assassiné en 2005, a failli mettre en péril son ménage, l’amputant de son principal atout, sa meilleure image de marque, son épouse, la Reine Rania al Yassine de Palestine.

Au vu de la politique menée par son père et la sienne propre depuis son accession au trône, il y a dix ans, notamment l’imbrication totale de la Jordanie à la stratégie américaine, Abdallah II apparaît comme le fer de lance de la lutte contre le terrorisme et de la démocratisation des monarchies arabes, selon ses laudateurs, le premier « embedded » (incorporé) de l’histoire de la diplomatie américaine, un « Khizmatché », un « factotum émérite » de l’axe israélo américain, selon ses détracteurs.

Hassan L’Alaouite :

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Son père, Mohamad V, aura été le seul dirigeant de l’Empire français à refuser d’appliquer les lois racistes de Vichy, d’imposer le port de « l’étoile jaune » aux ressortissants marocains de confession juive du temps du protectorat français (4). A une période où une grande fraction de l’Europe ployait sous le fascisme, que la France collaborait activement avec le nazisme, ce sultan arabe et musulman s’est dressé contre ses propres protecteurs et le racisme européen ambiant. Le courage moral dont il a fait montre dans l’adversité a conféré au Royaume une sorte d’immunité, dont son fils, Hassan II, va hériter, usant et abusant de ce privilège, au point de vivre cette immunité comme une impunité, une sorte de rente de situation éternelle.

Auréolé du prestige de son père, crédité d’une intelligence brillante, en tout cas supérieure à celle de ses pairs arabes, entouré d’un aréopage d’intellectuels de renom, tels le juriste Georges Vedel, l’académicien Maurice Druon, auteur de l’inoubliable « chant des partisans » de la Résistance française, ou de l’ancien chef de la diplomatie française, Michel Jobert, pétri de culture occidentale, Hassan II était promis à un règne éblouissant avec pour mission de propulser son pays à l’avant garde du combat de la modernisation du monde arabe. Le règne était prometteur, il sera calamiteux par « le fait du prince », par le fait d’un prince qui a succombé à la fascination du despotisme oriental.

Despote, Hassan II l’aura été dans tous les sens du terme. Non un despote éclairé, mais un despote rétrograde, supportant avantageusement la comparaison avec ses émules d’Orient, n’épargnant ni ses séides, Mohammad Oufkir et Ahmad Dlimi, ses deux ministres de l’intérieur successifs, ni les censeurs de ses trop grandes dérives, les deux espoirs d’un Maroc moderne et démocratique, Mehdi Ben Barka, en 1965, et Omar Ben jelloun, dix ans plus tard, le plus populaire militant de la gauche marocaine, qui paieront de leur vie leurs convictions critiques.

Fort de la loyauté et de la gratitude des Juifs du Maroc, il s’entourera de conseillers politiques issus de cette communauté, tel le banquier André Azoulay, confiant à certains de ses représentants les plus avisés la gestion de son patrimoine privé, considérable, mais le président du comité de sauvegarde de Jérusalem, loin de mettre à profit ce capital de sympathie pour promouvoir une solution au conflit israélo-palestinien, en fera usage comme un bouclier de protection, neutralisant toute critique à son égard.

Sacrifiant à la société du spectacle, ses conférences de presse, un des temps forts du rituel diplomatique marocain, seront non l’occasion de promouvoir un grand projet, mais de satisfaire à la vanité d’une belle formule que des thuriféraires recrutés souvent dans la cohorte des journalistes français s’empresseront de répercuter et d’amplifier avec émerveillement.

Par un phénomène inexplicable, les plumes les plus acérées de la presse française perdront régulièrement de leur acuité à l’évocation des turpitudes royales, réservant leur ton sentencieux aux dirigeants moins hospitaliers. A Rabat, le devoir d’impertinence a depuis longtemps fait place à la crainte révérencieuse.

Voltigeur de pointe de la stratégie occidentale en Afrique, bras armé de l’Arabie Saoudite pour la protection des régimes honnis, tel celui du satrape zaïrois Mobutu, dans le cadre du Safari Club, bénéficiant d’un bassin d’audience à sa mesure pour la propagation des programmes d’une radio à sa dévotion, « Médi 1 », critique à l’égard de quiconque sauf de son auguste personne, Hassan II, monarque absolu, n’imposera aucune limite à son extravagance.

Son Royaume des bagnes et de la terreur sera pourtant vanté comme le paradis sur terre sous l’oeil vigilant du « groupe d’Oujda », animé par Maurice Lévy, le patron de Publicis, le grand groupe de communication français (5).

Magnanimité ou complaisance ? : L’homme qui aura bafoué la souveraineté française en ordonnant l’enlèvement de Ben Barka en plein centre de Paris avec la complicité des services français, l’homme qui aura ridiculisé le plus illustre dirigeant français Charles De Gaulle, qui aura tyrannisé sans retenue son peuple, qui aura embastillé une fraction de l’élite intellectuelle de son royaume pour fait de patriotisme, notamment l’ingénieur Abraham Sarfati, le mathématicien Sion Assidon et Abdel Latif Laabi, l’un des grands poètes arabes contemporains, cet homme là sera, paradoxalement, au crépuscule de sa vie, l’unique dirigeant arabe à bénéficier de l’extraordinaire privilège de co-présider la prestigieuse parade militaire du 14 juillet 1999, la fête nationale française.

Nul en France, ni dans les pays occidentaux ne s’est hasardé à se pencher sur ce traitement de faveur. Un tel passe-droit puise-t-il sa justification dans le rôle de base de repli à l’Etat Français assigné au Maroc par les stratèges occidentaux à l’apogée de la guerre froide dans le cas d’un nouvel effondrement français face à une poussée soviétique (6). Ou bien relevait-il d’une marque de gratitude de la part d’un des commensaux les plus réguliers des tables royales marocaines, son homologue français Jacques Chirac ? D’un quitus pour un règne calamiteux ? D’une prime pour une problématique lutte contre le terrorisme islamique qu’il aura nourri par ses abus et ses excès.

Comme une sorte de clin d’oeil de l’Histoire, aux deux extrémités du Boulevard Saint Germain à Paris, deux des emplacements prestigieux de ce haut lieu de l’Intelligentsia française ont été dédiés, à la fin du XX me siècle, à deux personnalités marquantes de l’Histoire du Maroc moderne : le premier à Mohamad V, sans doute dans un souci des autorités françaises de se faire pardonner l’exil du Sultan du temps de la guerre d’indépendance, dont le nom honore désormais la place centrale de l’Institut du Monde Arabe (IMA), et le deuxième à Mehdi Ben Barka, dont une plaque commémorative est apposée à proximité de la brasserie Lipp, lieu de son enlèvement à titre de repentance posthume pour son supplice. Mais de Hassan II, point de trace.

La même Chappe de plomb entoure son fils et successeur Mohamad VI, d’un dilettantisme tranchant avec le comportement compulsif de son père. A moins de disposer d’un sens de la dissimulation poussé à l’extrême, le jeune roi ne paraît nullement concerné par les turbulences du monde, menant grand train de vie avec un budget équivalent à celui de sept départements ministériels, n’hésitant pas à sacrifier ses obligations internationales pour satisfaire à son sport favori, le ski alpin, à Courchevel (Alpes françaises), ou la plongée sous marine aux larges des côtes gabonaises.

Avec une opposition divisée sans clair vision d’avenir, une armée aux arrêts de forteresse affectée à la défense des confins du Royaume, le Sahara occidental, le Roi Mohamad VI, fort de la faiblesse des autres, répugne à être fort de l’intelligence des autres. Son cousin germain, Hicham Ben Abdallah Al-Aloui, un prince de sang, qui prône une nouvelle définition de la citoyenneté, est banni de la Cour, exilé aux Etats-Unis sous les quolibets de ses zélés courtisans, alors que l’opposition islamique bâillonnée préconise désormais par la voix de la fille du fondateur du mouvement, Nadia Abdel Salam Yacine, l’instauration d’une « République ». Islamique.

Par sa gestion problématique de grands dossiers, telles l’affaire de l’îlot Persil dans le détroit de Gibraltar et la découverte de faramineux gisements pétroliers, le jeune roi aura attiré l’attention de l’opinion internationale. Par ses retournements imprévisibles, telle l’annulation in extremis de la visite officielle du premier ministre algérien en juin 2005 la veille du déplacement, de même que par ses absences injustifiées, -la première au sommet arabe d’Amman en mars 2001 consacré à la relance de l’Intifada palestinienne, la seconde aux obsèques de Yasser Arafat, le dirigeant historique des Palestiniens-, le jeune roi a intrigué l’opinion internationale.

Pour un « Commandeur des Croyants » qui plus est président du comité « Al-Qods », le comité chargé de sauvegarder les Lieux Saints de Jérusalem, ses partisans, nombreux dans les chancelleries occidentales, auraient rêvé meilleur comportement, un sens plus aiguisé de ses responsabilités. Fait symptomatique : le premier ouvrage consacré à ce jeune roi appelé à un long règne a eu pour titre : « Le dernier roi, crépuscule d’une dynastie » (7). Un tel titre est-il prémonitoire ? Ce mauvais présage relève-t-il d’une grossière erreur d’interprétation ou d’une simple anticipation divinatoire ?

Références

1- Hussein est le troisième Imam des Chiites et leur préféré. Fils d’Ali, le gendre du prophète, il a été décapité par les troupes omeyyades du Calife Yazid. Son martyre à Karbala est la pierre fondatrice de l’islam chiite. La commémoration de son supplice est célébrée chaque année au 10me jour du mois musulman de Moharram par la cérémonie dite du « deuil d’Al Achoura » où les fidèles revivent de façon violente et passionnelle le supplice de Hussein, se flagellant, se frappant la poitrine en signe de culpabilité. Son père Ali, quatrième Calife de l’Islam et premier Imam du chiisme repose au sanctuaire à Nadjaf autour duquel s’est construite la ville sainte, où l’Ayatollah Rouhollah Khomeiny, père de la Révolution islamique iranienne, s’est longtemps réfugié avant de prendre le pouvoir à Téhéran. Nadjaf a par ailleurs été, l’été 2004, le théâtre de violentes batailles entre Américains et les partisans du chef religieux chiite Moqtada Sadr, hostile à l’invasion américaine de l’Irak.

2- À propos de la bataille d’Al Karameh et des relations jordano-palestiniennes, cf. à ce propos Yasser Arafat, l’homme sans lequel la Palestine aurait été rayée de la carte du monde »

3- La rendition, la délocalisation de la torture, n’est ni morale ni efficace » par Marc Gerecht, Weekly Standard, cité dans le « Courrier international » N°763 du 16-22 juin 2005, cf. aussi le quotidien espagnol « El Pais » du 15 novembre 2005, le quotidien français Libération du 18 novembre et Le Monde du 8 décembre 2005, selon lesquels huit pays européens (Allemagne, Danemark, Espagne, Portugal, Royaume Uni, Italie, Norvège, Suède) ont servi de point de transit aux passages des 800 vols charters affrétés par la CIA alors que quatre pays de l’Europe de l’Est auraient abrité des prisons secrètes de la centrale américaine (Pologne, Kosovo, Tchéquie, et Roumanie) .

4 -En complément au dossier Jordanie et Maroc, les voltigeurs de pointe de la diplomatie occidentale dans la sphère arabe, www.renenaba.com publie des extraits d’une étude de Abraham Sarfati sur la spécificité du judaïsme marocain et son rapport avec le sionisme. Une étude parue dans la Revue Souffles numéro spécial 15, 3e trimestre 1969.

5- « Paris, capitale arabe » de Nicolas Beau, Seuil 1995

6- Paris avait aménagé à l’époque de la guerre froide soviéto-américaine (1945-1990) une importante ambassade à Rabat de mille personnes, la plus importante après celle de Washington, en vue de servir de base de repli au haut commandement politique et militaire français en cas d’invasion de Paris par les troupes communistes dans le cadre de la stratégie du « Stand Behind ». L’hypothèse a été ouvertement évoquée par le journaliste, François-Xavier Verschave, dans un livre documenté sur le président français Jacques Chirac, « Noir Chirac » (Editions Les Arènes), paru à la veille des élections présidentielles françaises de 2002.

7- « Le Dernier Roi, crépuscule d’une dynastie » de Jean-Pierre Turquoi- Grasset-2001

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