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Je démissionne de mon poste de Professeur à l’Université de Notre Dame

Après 5 mois d’attente, je renonce à m’installer aux Etats-Unis et je démissionne de mon poste de Professeur à l’Université de Notre Dame

Après avoir obtenu mon visa de travail aux Etats-Unis le 5 mai 2004, celui-ci a été révoqué le 28 juillet sans aucune explication avec pour seule explication et référence légale le Patriot Act. En réponse au soutien international qui s’est manifesté à la suite de cette décision, l’administration américaine, et notamment M. Colin Powell, ont affirmé que mon cas allait être réétudié et qu’il convenait que je dépose une nouvelle demande dans le but d’obtenir le même visa de travail (H1). C’est ce que j’ai fait le 4 octobre dernier. Plus de deux mois plus tard, je n’ai reçu aucune information, aucun élément de réponse supplémentaire, aucune indication claire quant à une nouvelle décision : mon cas est simplement ignoré.

Avec ma famille, nous avions décidé de ne prendre aucune disposition avant le mois décembre puisque l’on nous annonçait une solution imminente. Les derniers contacts de l’Université de Notre Dame avec le Département d’Etat relevaient, au contraire, qu’aucune décision n’était en vue. Pour l’ensemble de la famille, il n’est plus possible d’attendre plus longtemps : l’incertitude, la tension psychologique, la scolarité des enfants, le fait que toutes nos affaires soient à South Bend et la nécessité de penser à l’avenir nous ont obligés à prendre une décision pénible et particulièrement difficile.

En date du 13 décembre, j’ai donc fait parvenir à l’Université de Notre Dame une lettre de démission de mes deux fonctions de Professeur d’Etudes islamiques (Islamic Studies) au Department of Classics et Professeur de Religion, Conflit et promotion de la paix au Kroc Institute of International Peace Studies. Le corps de direction de l’Université de Notre Dame, qui m’a tant soutenu pendant cette pénible période, a manifesté sa tristesse et ses regrets à l’annonce de cette décision mais m’a témoigné de son indéfectible soutien et de sa compréhension quant à une démarche qu’elle ne peut que comprendre compte tenu du silence et de l’attitude de l’administration américaine.

S’il existait un élément à charge dans mon dossier, cinq mois d’enquête auraient largement dû suffire à produire des preuves quant à la non transparence de mes engagements. Le silence demeure et les preuves sont absentes. Je sais qu’il n’y a rien dans mon dossier qui puisse justifier ma mise à l’écart : il s’agit dans les faits d’une entrave caractérisée à la liberté d’expression académique et la révocation de mon visa fut et demeure une démarche injuste. Quelle que soit la décision que je prends aujourd’hui, j’attends de l’administration américaine qu’elle fasse état des résultats de son enquête pour qu’enfin je sois absolument disculpé et blanchi des accusations mensongères et humiliantes qui ont été lancées contre moi ces derniers mois.

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Je tiens à saluer ici l’Université de Notre Dame pour son courage et sa détermination à défendre le principe de la liberté d’expression académique et pour avoir jusqu’au bout refusé de plier sous les préjugés, les mensonges et les soupçons. Mes remerciements s’adressent également à ces dizaines d’organisations américaines (d’universitaires ou d’acteurs sociaux), à ces intellectuels et à ces journalistes qui ont pris fait et cause pour le droit à s’exprimer aux Etats-Unis même s’ils ne partageaient pas toujours mes idées. Pour aujourd’hui et pour demain, ils sont la dignité des Etats-Unis : ils portent haut l’étendard du pluralisme et du débat démocratique quand l’administration américaine semble malheureusement montrer chaque jour davantage les signes d’un glissement vers un unilatéralisme fermé et inquiétant.

Aux Etats-Unis, j’avais le souhait de participer à ce débat urgent et nécessaire avec le monde de l’islam et les musulmans : une décision injuste m’en empêche mais je continuerai ailleurs cette lutte impérative pour le dialogue et la compréhension mutuelle entre les femmes et les hommes, les religions et les cultures.

Genève, le 14 décembre 2004

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