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Islam de France : le retour à une gestion coloniale ?

Le fait musulman n’est pas nouveau pour la France. Son histoire et le choix de sa politique coloniale l’ont mise en rapport avec des communautés musulmanes, à l’heure où l’égalité n’était qu’une valeur sélective, tendant à privilégier une population au détriment d’une autre. On ne sait que trop bien aujourd’hui à quoi ont abouti l’inégalité voilée derrière des discours civilisateurs.

Aujourd’hui, l’islam et les français de confession musulmane se retrouvent au cœur des crispations et des débats passionnels et trop souvent irrationnels. Si aux lendemains du 11 septembre 2001 la grande majorité appelait au discernement et à la clairvoyance, force est de constater que l’heure n’est plus à la réflexion et à la pondération. Les schémas s’enchaînent et se déchaînent pour mettre en évidence que le défi actuel consiste à réaffirmer le primat des Lumières face à l’obscurantisme de l’islam…

La régression est à son comble et l’on assiste à l’émergence d’une nouvelle forme de racisme lié à une situation internationale qui pointe l’islam comme l’ennemi numéro un.

C’est dans ce climat tendu et au demeurant irrationnel que la commission Stasi remet son rapport qui, au lieu de calmer les crispations, engouffre un peu plus la société dans une paranoïa de l’intégrisme, à vouloir considérer toute affirmation religieuse comme le fruit d’un extrémisme patent.

La communauté musulmane, quant à elle, se pose des questions sur le sens de ces décisions et de ces débats. Existerait-il en France une citoyenneté qui séparerait les français de confession musulmane et les autres ? La France a-t-elle tant de mal à assumer ses enfants issus de l’immigration dans leur diversité, à tel point de vouloir uniformiser l’être commun ? Une telle loi finalement ne serait-elle pas une manière déguisée de dire qu’il existe une citoyenneté à double vitesse ; que si les français de confession musulmane aujourd’hui ont fait la preuve de leur intégration, la France, elle, ne sait toujours pas intégrer ses populations et qu’elle reste embarrassée d’empreintes coloniales, quant à la vision qu’elle peut avoir d’une religion autre que celles auxquelles elle était habituée ?

Bon nombre d’intellectuels, d’acteurs associatifs, de politiques, d’artistes ou de citoyens ont compris que cette loi ne serait qu’une loi d’exception, de diversion et de régression : d’exception car elle tendrait à stigmatiser une fois de plus une catégorie de citoyens ; de diversion car elle viserait à se détourner des vrais débats et des problèmes sociaux et politiques ; et de régression car elle restreindrait encore plus nos libertés publiques.

Sous couvert de défense des valeurs laïques, le rapport Stasi se révèle être une véritable mascarade porteur de division sinon de haine fortement marqué par un esprit partisan totalement contraire à la philosophie dont il se prétend se réclamer.

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Aujourd’hui, ce sont les principes républicains qui sont entachés, ces principes qui fondent le vivre-ensemble. On veut légiférer à outrance, mais la légalité d’une loi ne peut dissimuler son caractère illégitime.

La France a pourtant une expérience originale. Dans son histoire, elle a su tirer profit de la diversité de sa population et en faire une richesse. De cette spécificité, elle tient une place importante au niveau international, n’hésitant pas parfois à prendre des décisions qui vont à l’encontre totale de la sombre et non moins célèbre théorie du choc des civilisations. Or, nous ne pouvons que nous inquiéter aujourd’hui de l’importance croissante que prennent les promoteurs d’une telle théorie qui cherchent à remettre en cause la paix civile dans notre pays.

Jamais les français de confession musulmane n’ont remis en cause les principes républicains et le cadre laïque, loin s’en faut. Il revient donc au gouvernement de faire preuve de clairvoyance et d’intelligence pour comprendre qu’une telle loi ne ferait que produire de l’inégalité (entre les sexes et entre les confessions), que les citoyens français de confession musulmane ne pourront jamais accepter qu’une citoyenneté à double vitesse soit ainsi promue. Le Collectif des Musulmans de France appelle la société française à protéger le vivre-ensemble et à préserver les valeurs qui le fondent, à ne pas sombrer dans les dérives populistes et racistes et appelle les représentants politiques d’être à la hauteur des valeurs qu’ils doivent protéger et promouvoir.

Yamin Makri

Porte-parole – Collectif des Musulmans de France

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