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Golfe / Armement : Autant en emporte le vent 1/2

Ce papier est dédié aux trois personnalités suivantes :

Mohamad Bouazizi, décédé le 4 janvier 2011, des suites de ses blessures. Son immolation sur la place publique de Sidi Bouzid, en Tunisie, en signe de protestation contre l’arbitraire tunisien, a servi d’étincelle au soulèvement populaire qui provoqua la chute de la dictature du Général Zine El Abidine Ben Ali.

Ahmad Jaafar Kassem, artisan du spectaculaire attentat contre le QG du commandement israélien de Tyr, le 11 novembre 1982, dans le cadre d’une opération de la résistance libanaise contre l’occupation israélienne du sud Liban

Mountazar Al Zaïdy, journaliste irakien, le Spartacus des temps modernes, le lanceur de chaussure contre George Bush jr.

Golfe / Armement : Autant en emporte le vent Part 1/2

I • Le Golfe, une gigantesque base flottante américaine, une pompe à finance des déficits américains.

L’effondrement du dispositif occidental sur la rive arabe de la Méditerranée avec les révoltes populaires en Tunisie et en Egypte sur fond d’une contestation généralisée des supplétifs de la stratégie américaine dans la sphère arabo musulmane, au terme d’une furieuse décennie de « guerre contre le terrorisme », de même que les révélations du site américain Wikileaks sur la position belliqueuse des pétromonarchies face à l’Iran, illustrent la logique de vassalité des « émirats mirage » face à l’Amérique, particulièrement dans le domaine de la défense, en ce qu’ils incitent les Américains à faire la guerre à leur voisin iranien pour neutraliser son potentiel nucléaire, plutôt que de doter le Monde arabe d’une capacité d’autosuffisance stratégique.

Le contrat de l’ordre de 123 milliards de dollars, conclu à l’automne 2010 entre l’Amérique et quatre pays du Golfe, en vue de renforcer leur capacité défensive « face à l’Iran », constitue un témoignage éloquent de cette politique de dilapidation financière pour des motifs d’armement.

Face à l’Iran, la constellation des pétromonarchies du Golfe s’est ainsi transformée en une véritable base flottante américaine, au point que se pose la question de la viabilité stratégique et de la pertinence politique du plus important contrat d’armement de l’histoire, jamais conclu en temps de paix, entre les Etats-Unis et quatre pays membres de la zone. Un singulier contrat à tous égards, de l’ordre de 123 milliards de dollars, qui outrepasse les capacités d’absorption des bénéficiaires, de même que les capacités d’assimilation de cet armement par ses servants locaux.

Si l’on excepte sa piètre démonstration militaire au Yémen, l’été 2010, l’Arabie saoudite n’a jamais mené de guerre directe contre aucun de ses adversaires potentiels, encore moins contre Israël, l’ennemi officiel du monde arabe, dont elle est le principal opposant sur le plan théorique, se bornant à financer des guerres obliques de déstabilisation, jamais contre Israël, toujours contre les pays arabes ou musulmans ; contre l’Egypte nassérienne au Yémen, dans la décennie 1960 par monarchistes interposés, contre la Syrie baasiste, dans la décennie 1970, par Frères Musulmans interposés, ou encore contre la Révolution islamique de l’Iran, dans la décennie 1980, via l’Irak Baasiste de Saddam Hussein, ou enfin contre l’Union Soviétique, en Afghanistan, dans la décennie 1980, via sa légion islamique sous la houlette de son homme lige Oussama Ben Laden.

La transaction conclue à l’occasion de la fête nationale saoudienne, le 23 septembre 2010, implique la modernisation de la flotte aérienne et de la marine saoudiennes. Soixante milliards de dollars seront affectés à la vente à l’Arabie saoudite de 87 chasseurs bombardiers « F-15 », de 70 hélicoptères de combat « Apache » et de 72 hélicoptères « Black Hawk », 36 hélicoptères Little Bird AH-6, ainsi que des bombes, des missiles, y compris la bombe guidée par GPS, JDAM, produite par Boeing et le missile guidé par laser Hellfire. Trente milliards de dollars complémentaires seront affectés à la fourniture de bâtiments de guerre et d’un système de défense balistique, complémentaire au réseau de missiles de type Patriot et au reconditionnement des anciens appareils de l’armée de l’air et de la marine.

Le contrat est complété par une série d’accords similaires avec trois autres pétromonarchies du Golfe (Koweït, Emirats arabes Unis et sultanat d’Oman), portant le montant total de la transaction à 123 milliards de dollars.

Les pétromonarchies arabes, un des principaux ravitailleurs du système énergétique mondial, servent en même temps de gigantesque base militaire flottante de l’armée américaine, qui s’y ravitaille à profusion, à domicile, à des prix défiants toute concurrence. Tous, à des degrés divers, y paient leur tribut, accordant sans état d’âme des facilités à leur protecteur.

La zone est, en effet, couverte d’un réseau de bases aéronavales anglo-saxonnes et françaises, le plus dense du monde, dont le déploiement pourrait à lui seul dissuader tout éventuel assaillant, rendant superflu un tel contrat. Elle abrite à Doha (Qatar), le poste de commandement opérationnel du Cent Com (le commandement central américain) dont la compétence s’étend sur l’axe de crise de l’Islam, qui va de l’Afghanistan au Maroc ; A Manama (Bahreïn), le quartier général d’ancrage de la Vème flotte américaine, dont la zone opérationnelle couvre le Golfe arabo-persique et l’Océan indien.

En complément, l’Arabie saoudite abrite, elle, une escadrille d’awacs (Air borne Warning and Control System), un système de détection et de commandement aéroporté, dans la région de Riyad. Le Koweït, très dévoué à son libérateur, fait office de zone de pré-positionnement et de ravitaillement à la gigantesque infrastructure militaire américaine en Irak, le nouveau champ d’expérimentation de la guerre moderne américaine dans le Tiers-monde. S’y ajoute, dernier et non le moindre des éléments du dispositif, Israël, le partenaire stratégique des Etats-Unis dans la zone, ainsi que la base relais de Diégo Garcia (Océan indien), la base aérienne britannique de Massirah (Sultanat d’Oman) et, depuis janvier 2008, la plateforme navale française à Abou Dhabi.

De surcroît, des barrages électroniques ont été édifiés aux frontières de l’Arabie Saoudite et des Emirats Arabes Unis pour décourager toute invasion ou infiltration. Le barrage électronique saoudien a été édifié avec le concours des Français, celui d’Abou Dhabi, avec le concours de la firme israélienne AGT (Asia Global Technologies), dont le contrat de trois milliards de dollars concerne aussi bien la protection des frontières que la protection de quinze sites pétroliers de l’émirat, ainsi que la fourniture de Drones, les avions de reconnaissance sans pilote de fabrication israélienne.

Faiblement peuplées, entourées de puissants voisins tels l’Iran et l’Irak, de création récente et inexpérimentées en la matière, les pétromonarchies ont longtemps confié leur protection à des pays amis aguerris, ou, à défaut, à des compagnies militaires privées, les mercenaires des temps modernes, et, les fabuleux contrats d’armement qui excédaient les capacités d’absorption des servants locaux, étaient généralement perçus comme des polices d’assurance déguisées, en raison des mirifiques rétrocommissions qu’ils généraient.

La protection de l’espace aérien saoudien a été longtemps confiée aux aviateurs pakistanais, le territoire national du Sultanat d’Oman aux bédouins de la légion arabe jordanienne, les mercenaires occidentaux se chargeant du reste, avec une répartition des rôles entre les Anglais, surtout présents dans leur ancienne zone d’influence, notamment les émirats pétroliers du Golfe, et les Américains ayant la haute main sur l’Arabie Saoudite et le reste du Moyen-Orient.

La protection du Cheikh Zayed Ben Sultan Al-Nahyane, Emir d’Abou Dhabi et président de la Fédération des Émirats du Golfe, ainsi que l’encadrement des troupes omanaises dans la répression de la guérilla marxiste du Dhofar, dans les années 1965-1970, ont relevé de la responsabilité de « Watchguard », une des deux compagnies de mercenaires britanniques, dont le siège est à Guernesey. Fondée en 1967 par David Sterling, un ancien des commandos de l’air britanniques (Special Air Services), elle passe pour être un instrument d’influence de la diplomatie britannique. Outre Blackwater, qui s’est fâcheusement illustrée en Irak, les États-Unis comptent, eux, deux grandes sociétés privées militaires : Vinnell Corp, dont le siège est à Fairfax, en Virginie, et BDM international. Toutes deux filiales de la multinationale Carlyle, elles apparaissent comme les bras armés privilégiés de la politique américaine en Arabie et dans le Golfe. Vinnel corp, dont la mission saoudienne a fait l’objet d’un attentat à Khobbar en 1995, a la haute main sur la formation de la Garde nationale saoudienne, tandis que BDM gère la formation du personnel de l’armée de l’air, de la marine et des forces terrestres saoudiennes.

II • L’Iran, un prétexte pour éponger le surplus de pétrodollars arabes

Israël, un prétexte pour maintenir la dépendance technologique arabe

Ce contrat qui devra être soumis au Congrès pour ratification, témoigne des « relations spéciales » entre les Etats-Unis et le Royaume d’Arabie saoudite depuis la signature du Pacte de Quincy en 1945. Une relation spéciale, certes, mais de vassalité, en ce qu’il vise à « renforcer les capacités combatives du Royaume face à l’Iran » sans faire peser des risques sur Israël.

Les avions saoudiens seront en effet privés d’armes de longue portée afin de sécuriser l’espace aérien israélien et leurs performances, tant en ce qui concerne leur équipement que leur maniabilité. Ils seront, en tout état de cause, de moindre capacité que le nouveau appareil que les Etats-Unis envisagent de vendre à Israël, 20 chasseurs-bombardiers américains F-35 Lightning II (JS F-35), le super bombardier de supériorité technologique, dont le coût unitaire atteint la somme considérable de 113 millions de dollars pièce. Israël dispose ainsi d’un quasi droit de regard sur l’équipement militaire des alliés arabes des Etats-Unis.

Ainsi donc par un subterfuge que les politologues américains désignent du vocable de « Politics of Fears », la politique de l’intimidation, qui consiste à présenter l’Iran comme un croquemitaine, l’Arabie saoudite est contrainte de se doter, non d’une défense tous azimuts, mais d’une posture défensive anti- iranienne, autrement dit de renforcer le royaume « face à l’Iran », puissance du seuil nucléaire, et non Israël, puissance nucléaire de plein exercice, de surcroît puissance occupante de Jérusalem, le 3ème haut lieu saint de l’Islam.

Alors que le Monde arabe accuse un retard manifeste, tant au niveau de la recherche scientifique que du développement des nouvelles technologies, et que le chômage atteint des proportions rarement égalées ailleurs dans le monde, quatre pétromonarchies vont débloquer la colossale somme de 123 milliards de dollars pour résorber le chômage… des Etats-Unis, maintenir un bassin d’emploi de 75.000 poste sur cinq ans, et justifier, sous l’apparence d’un faux équilibre, une transaction qualitativement supérieure entre les Etats-Unis et Israël.

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Indice d’une dépendance complémentaire à l’égard des Etats-Unis, Abou Dhabi s’est d’ores et déjà engagé à ne pas utiliser la technologie américaine pour développer des armes nucléaires, renonçant à enrichir de l’uranium et à recycler les déchets. Une décision qui contraint les principautés pétrolières à importer le combustible nécessaire au fonctionnement des réacteurs de leurs centrales nucléaires de production d’électricité.

En d’autres termes, les exigences américaines aboutissent à préserver le monopole de la production nucléaire au bénéfice des pays occidentaux, de la Chine et de la Russie et de maintenir en état de dépendance les pays émergents.

Sous le prétexte de la sécurité d’Israël, les Etats-Unis veillent particulièrement à empêcher les pays arabes d’accéder à la capacité nucléaire. L’Egypte a dû ainsi attendre trente ans le feu vert américain pour se lancer dans le nucléaire civil, une autorisation accordée lorsque l’Iran est devenue une puissance du seuil nucléaire, enregistrant un considérable retard scientifique par rapport aux autres grands acteurs régionaux. Pire, signe de son dégagement du conflit et de la précarité du pouvoir de Hosni Moubarak, les forces de sécurité et brigades anti-émeutes dépassent en nombre celui des forces armées, 1,4 millions contre un million, selon les indications fournies par Mohamad Hassaneine Heykal, l’ancien confident de Gamal Abdel Nasser sur le chaîne « Al Jazira, le 17 décembre 2010.

Les Etats-Unis cherchent de même à imposer à la Jordanie un accord qui autoriserait le Royaume à extraire l’uranium qu’il recèle en son sol, tout en lui interdisant de le transformer en combustible. Cette exigence réduit également toute possibilité pour la Jordanie de devenir un centre régional d’enrichissement d’uranium.

La Jordanie, habituellement docile à l’égard des Diktats américains, paraît devoir passer outre. Elle a déjà commencé à développer les infrastructures nécessaires pour répondre à ses ambitions nucléaires et a prévu la construction de sa première centrale en 2019. AREVA (France) a signé en 2010 un accord d’exploitation conjointe pour l’extraction de l’uranium dans le centre de la Jordanie dans le cadre d’une concession accordée pour 25 ans.

Bien qu’antérieure à l’émergence de l’Iran comme puissance nucléaire virtuelle, la forte concentration militaire occidentale dans le golfe arabo-persique est néanmoins présentée dans les médias occidentaux comme destinée à protéger les princes du pétrole contre les convoitises du régime islamique de Téhéran.

Force pourtant est de constater que l’unique intervention militaire iranienne contre les pétromonarchies s’est produite à l’époque où l’Iran se situait dans la mouvance occidentale dans la décennie 1970, sans que la protection américaine n’ait été d’un grand secours aux protégés arabes qui se sont vus amputer ce jour là de trois îlots appartenant à l’Emirat d’Abou Dhabi : (la grande et la petite Thomb et l’ïle d’Abou Moussa. Il est vrai que le Chah d’Iran Mohamad Reza Pahlevi faisait office à l’époque de gendarme du Golfe pour le compte des Américains et que les princes arabes ne pouvaient qu’obtempérer, sur injonction américaine, au super gendarme régional qui leur avait été assigné.

Sous couvert de guerre contre le terrorisme ou de démocratisation du Moyen orient, deux des objectifs déclarés de la diplomatie américaine, la présence militaire américaine vise à maintenir cette zone énergétique d’importance stratégique sous contrôle occidental, alors que la guerre pour le contrôle des matières premières redouble d’intensité tant en Asie qu’en Afrique au moment où la Chine opère une percée remarquable sur le flanc méridional de l’Europe.

Oasis de prospérité sécurisée de l’économie occidentale face à la « zone de pénurie » du versant méditerranéen frondeur du Monde arabe, cette constellation de micro états balance entre gigantisme économique et nanisme politique, face au triple péril résultant de leur trop grande dépendance vis-à-vis de la main d’œuvre étrangère, de leur trop grande dépendance militaire vis-à-vis des Etats-Unis d’Amérique et des incessantes frasques monarchiques, au point d’accentuer le discrédit et de fragiliser les six pétromonarchies du golfe du fait de leur complet décalage avec le combat mené par les mouvements contestataires arabes contre l’hégémonie occidentale, tant au Liban (Hezbollah), qu’en Irak (Moqtada Sadr) qu’ en Palestine (Hamas).

L’affaiblissement militaire et économique des Etats-Unis, la nouvelle tonicité de la Russie après la guerre de la Géorgie, en août 2008, l’activisme chinois en Afrique font craindre aux stratèges occidentaux la consolidation du groupe de Shanghai (Chine, Russie, Iran), à l’effet de modifier les rapports de force régionaux notamment au Moyen-orient, au détriment des pétromonarchies alliées du camp occidental.

La transaction militaire américano arabe de 123 milliards de dollars représente le 1/5me du flux global consenti par la Réserve fédérale américaine pour relancer l’économie américaine en 2010-2011. L’Iran sert ainsi de croquemitaine pour éponger le surplus de pétrodollars des réserves pétro monarchiques.

Les pétromonarchies, coutumiers du fait, ont déjà volé au secours de l’économie américaine au moment du krach bancaire de 2008-2009, enregistrant au passage, sans plainte ni complainte, une perte sèche de 150 milliards de dollars au cours du troisième trimestre 2008, du fait de leurs placements sur les marchés occidentaux.

III • Les dépenses d’armement arabe ……. Un effroyable gâchis

Les lourds investissements, notamment dans le domaine militaire, paraissent stimulés parfois, non pas tant par les impératifs de sécurité, mais par la perspective alléchante des commissions et rétrocommissions. A l’indice mondial de la corruption, l’Arabie Saoudite se situe hors classement. A croire que les surfacturations tiennent lieu de « police d’assurance tous risques » contre d’éventuelles tentatives de déstabilisation, de rétribution déguisée pour un zélé protecteur, une sorte de mercenariat officieux.

Dans la foulée de la première guerre contre l’Irak, l’Arabie a ainsi consacré, en 1992 et 1993, vingt neuf milliards de dollars pour sa défense contre 26,5 milliards à l’éducation nationale, une somme équivalent, compte tenu de sa faible densité démographique (12,3 millions de nationaux) et de la faiblesse numérique de ses forces armées (200.000 entre armée régulière et garde nationale), à une dépense moyenne de 75 millions dollars par an pour chaque militaire, et, à l’échelle du pays, un million de dollars par an par habitant, proportion inégalée partout ailleurs dans le monde.

Pour prix du concours américain, l’Arabie saoudite a déboursé la coquette somme de cinquante milliards de dollars au titre de contribution à l’effort de guerre, dont dix sept milliards de dollars au titre de « prime de débarquement » sur le sol saoudien, en prélude aux frappes anti-irakiennes. Autrement dit, la monarchie saoudienne aura débloqué cinquante milliards de dollars à l’Amérique pour l’autoriser à accentuer son emprise sur le Royaume et à camoufler la corruption régnante.

Le Général Khaled Ben Sultan, (57 ans), propre fils du ministre de la défense, abusivement autoproclamé commandant en chef de la coalition internationale anti-irakienne, alors qu’il n’était en réalité que l’interface saoudien du véritable commandant américain, le général Norman Schwarzkopf, a réussi, dans ces circonstances dramatiques pour son pays, le tour de force, de prélever près de trois milliards de dollars au titre de commissions sur les transactions sur l’équipement et le ravitaillement des troupes de la coalition, estimée à l’époque à 500.000 soldats de 26 nationalités.

Une telle ponction, exorbitante, et à certains égards indécente au regard des enjeux de l’époque et de la contribution réclamée par des tiers pour la défense du territoire national, aurait été passible partout ailleurs d’une comparution immédiate devant la cour martiale. Elle n’a donné lieu à aucun rappel à l’ordre familial, tout juste une discrète mise à l’écart provisoire de l’indélicat, qui s’est traduite pour l’exilé milliardaire de Londres par le rachat du journal « Al-Hayat ». Un traitement identique a été réservé à son frère, le prince Bandar Ben Sultan, ambassadeur d’Arabie saoudite aux Etats-Unis, mis en cause dans le scandale des rétro-commissions de la commande d’avions de combat de fabrication britannique Toronado », promu par la suite président du Conseil National de Sécurité du Royaume. Une prime à la prévarication en quelque sorte.

IV • Ahmad Jaafar Kassem et Montazar al Zayédi, un contrepoint au comportement de vilénie

En contrepoint à ce comportement de vilénie, des actes de bravoure donneront ses titres de gloire au combat arabe. Tel le cas de Mohamad Bouazizi, mort le 4 janvier 2011 des suites de son immolation sur la place publique de Sidi Bouzid, en Tunisie, en signe de protestation contre l’arbitraire tunisien, l’étincelle au soulèvement populaire tunisien qui provoqua la chute de la dictature du Général Zine El Abidine Ben Ali, au terme de 23 ans d’arbitraire, de népotisme et de corruption. Mohamad Bouazizi a mis en application, dans sa chair, au prix de sa vie, la dernière partition de l’hymne national tunisien, « Namoutou Wa Yahya Al Watan », « Nous mourrons pour que vive la nation ».

Ou encore le cas de Ahmad Jaafar Kassem, qui se livrera à une mission sacrificielle, uniquement mû par le sens de l’honneur et l’amour de sa patrie, opérant un spectaculaire dynamitage du quartier général du commandement militaire israélien à Tyr, au sud Liban, provoquant la mort de 45 soldats israéliens et près de 200 blessés. Un bilan infiniment supérieur à la totalité des pertes cumulées infligées aux Israéliens tant par les 50.000 arabes afghans de la Légion islamique d’Afghanistan que par l’Arabie saoudite, dont les dépenses en armement se sont élevées au cours des cinquante dernières années à près de 300 milliards de dollars sans avoir tiré un seul coup de feu contre Israël.

Né le 1er septembre 1963 à Deir Kanoun, au sud Liban, dans la zone limitrophe d’Israël, mort le 11 novembre 1982 dans l’attaque du QG israélien de Tyr, Ahmad Jaafar Kassir, membre de la résitance islamique du Liban, est passé à la postérité comme l’initiateur des premières opérations de commando suicide contre les forces d’occupation israéliennes au sud Liban, qui déboucheront sur le retrait israélien en l’an 2000, premier dégagement israélien d’un pays arabe non assorti d’un traité de paix ou d’une reconnaissance de l’Etat Hébreu.

Ou encore le cas de Mountazar Al Zaïdy, l’homme aux mains nues, qui a symboliquement brisé les chaînes qui entravaient ses compatriotes, en lapidant de sa chaussure, dans son fief de la zone verte de Bagdad, l’enclave américaine transformée en camp retranché, l’homme le plus puissant de la planète, le 43ème Président des Etats-Unis, le néo-conservateur George Bush Jr. Le journaliste irakien, le plus célèbre lanceur de chaussures de l’histoire de l’humanité, est apparu ainsi à de larges fractions de l’hémisphère sud, pas uniquement le Monde arabe et musulman, mais également en Amérique du sud, en Afrique, en Asie Pacifique, dans les banlieues d’Europe et d’Amérique du nord, comme un personnage de légende, le Spartacus des temps modernes, faisant du « bashing bush » le plus prisé des jeux de la blogosphère, c’est-à-dire dans le monde de l’information réelle. « Au nom des veuves et des orphelins d’Irak, prend donc ce baiser d’adieu, fils de chien », a-t-il asséné à l’envahisseur de son pays.

Mohamad Bouazizi, Ahmad Jaafar Kassem et Montazar Al Zaïdy ont retourné à leur compte la métaphore du faible au fort, se réappropriant le mythe du petit David bravant le géant Goliath, forçant le respect de l’opinion internationale, sans la moindre rétribution, ni la moindre prébende, ni commissions ni rétro-commissions, le lot quotidien des transactions militaires pétro monarchiques.

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