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Goldman Sachs et les Golden “Sukuk “

Goldman Sachs et les Golden “Sukuk (1)” ?

L’annonce de Goldman Sachs d‘émettre prochainement des Sukuk a ceci de surprenant qu’il n’est pas habituel de voir des sukuk être émis par des institutions financières internationales avec ce type de caractéristiques – Sukuk Al-Murabaha (asset based) – et ceci est d’autant plus surprenant que le montant de l’émission est considérable, à savoir 2 milliards de dollars US ($ 2bln).

Montant considérable pour un émetteur de sukuk (non souverain), mais qui ne représente qu’une part infime des émissions totales d’obligations conventionnelles de Goldman Sachs. Cependant, sur le 3è trimestre 2011, les émissions de sukuk (dans le monde) similaires à celle de Goldman Sachs ont été généralement domestiques, proposées en monnaies locales par des institutions gouvernementales et très majoritairement en Malaisie selon Zawya (2).

De fait, dans une industrie où la demande des opérateurs tend à s’orienter, progressivement, vers la recherche d’instruments « liquides », notamment pour des besoins de gestion actif-passif (ALM), la structure choisie par Goldman Sachs a de quoi surprendre. En effet, cette structure va à contre-courant de cette tendance, car les sukuk Al-Murabaha sont, par nature, « illiquides » sur le marché secondaire. Les raisons de cette illiquidité sont nombreuses, en partie dues à la morphologie du marché avec une demande très largement supérieure à l’offre, mais aussi dues à la nécessité de Shariʽa compliance (3) évoquée par les normes internationales de l’’AAOIFI (4).

Selon cette organisation, la structure choisie par Goldman Sachs, basée sur un instrument de dette (shahada al-dayn), ne permet pas à ces titres d’être négociés sur le marché secondaire. Sans quoi, ces transactions risqueraient d’être qualifiées de « commerce de la dette » (baiʽ al-dayn) et ainsi, par la même occasion, risqueraient de perdre leur conformité au droit islamique. Par conséquent, les souscripteurs seront dans une posture d’investissement de type Buy and hold (5), et ils le seront par « obligation » avant de l’être par « détermination ». Néanmoins, il existe, en dernier ressort, trois solutions possibles permettant aux souscripteurs de transférer ces sukuk dans le respect des conditions de validité et de conformité à la Shariʽa.

La méthode dite de la « proportion au portefeuille » sur la base des ratios de screening de référence (6), la méthode de « l’avant livraison » ainsi que celle de la « réallocation » à la valeur du nominal. Ces solutions sont très encadrées par le droit islamique, mais pourraient permettre aux opérateurs de trouver un dénouement à leurs titres, si la nécessité se fait sentir.

Cependant, cette émission aura pour avantage de renforcer la tendance à la diversification du marché des sukuk, tant en terme de typologie des contrats (sous-jacents aux sukuk), qu’en terme de diversification géographique des émetteurs et des monnaies d’émission. Ainsi, ceci pourrait permettre aux opérateurs de diversifier les titres de leurs portefeuilles et, par la même occasion, de diversifier la nature des risques associés.

Enregistrés sur l’Irish Stock Exchange, ces sukuk seront probablement souscrits en totalité, voir sursouscrits, au moins pour les raisons de diversification et de faiblesse de l’offre au regard de la demande citées ci-dessus. Il n’en reste pas moins que seuls les « structureurs » de Goldman Sachs sont en mesure d’expliquer les raisons qui ont motivé le choix de cette structure.

D’ailleurs, Fitch attribue la note A+/F1+, à ce programme. Selon cette agence, la notation de ces titres ne pourra être renforcée ni par les actifs sous-jacents, ni même par tout autre type de collatéral. Cette notation reflétera la qualité de signature de Goldman Sachs à titre de « garant », autrement dit sa qualité de crédit. Par conséquent, Goldman Sachs devra garantir les obligations (au sens juridique) de l’entité considérée comme acheteuse (des actifs sous-jacents) dans le « Master Murabaha Agreement », en garantissant, entre autre, le différé de paiements jusqu’à sa maturité. Ces obligations sont inconditionnelles et irrévocables selon Fitch. De plus, ces sukuk seront considérés comme « pari passu » avec les obligations conventionnelles senior unsecured de Goldman Sachs.

Par ailleurs, de cette structure découle deux notions inhérentes au concept de « propriété ». Celles-ci diffèrent du concept de « créance » généralement plus connu sur les marchés obligataires conventionnels. Les souscripteurs seront considérés comme copropriétaires de l’usufruit des actifs sous-jacents (au contrat de Murabaha) à titre de beneficial ownership. Ce concept découle du principe de Trust (7) anglo-saxon issu de la Common law, mais qui n’a pas d’existence juridique en droit civil français. Pour autant, les souscripteurs ne seront pas considérés comme copropriétaires de la « pleine propriété » des actifs. La méconnaissance de ces notions peut accentuer les risques d’erreurs de certaines opérations.

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En conclusion, le caractère spécifique de cette offre doit inciter les opérateurs à avoir une certaine rigueur, avant toute souscription, pour analyser les aspects techniques, juridiques et « shariatiques » permettant d’identifier, de mesurer et de « pricer » les risques associés.

Notes :

(1) Sukuk  : Terme employé au pluriel. Les sukuk sont parfois décrits comme des obligations islamiques. Ceci permet de donner une approximation du terme, mais cette description n’est pas totalement exacte. La notion de sukuk est plus étendue que la notion d’obligation et fait appel à des références juridiques différentes.

(2) Sukuk Quarterly Bulletin de Zawya (3Q11).

(3) Shariʽa compliance : Terme anglo-saxon signifiant la conformité des contrats avec les principes de la Shariʽa.

(4) AAOIFI : Accounting & Auditing Organization of Islamic Financial Institutions. Organisme de normalisation dont la principale activité est l’établissement de normes pour l’industrie de la finance islamique.

(5) Buy and hold : Les opérateurs achètent des titres qu’ils conservent jusqu’à leur maturité.

(6) Les ratios de « screening » : Dow Jones, FTSE, S&P, MSCI…

(7) Hansmann H, Mattei U. (1998). The Functions of Trust Law : A Comparative Legal and Economic Analysis. NYUL Rev

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