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DSK et TF1 : les dessous secrets du plan comm’

Renvoi d’ascenseur. A la veille de l’interview de Dominique Strauss-Kahn sur TF1, Oumma vous dévoile les ressorts méconnus de la relation spéciale qui lie la chaîne privée au baron socialiste. Décryptage.

Un coup de foudre, un reportage censuré et la garantie d’un entretien confortable : depuis 22 ans, Dominique Strauss-Kahn peut exprimer toute sa gratitude envers TF1.

D’abord, la rencontre amoureuse : celle avec Anne Sinclair, lors d’un débat télévisé en 1989. L’animatrice vedette de l’émission 7/7 deviendra rapidement, selon les biographes de DSK, la clé de l’ascension sociale du professeur d’économie : parfaitement insérée dans les réseaux politiques et médiatiques qui comptent, elle introduira le député socialiste auprès des hommes de pouvoir, notamment ceux de l’association Le Siècle. En retour, elle pourra ainsi investir sur l’avenir politique de son compagnon. Celui-ci n’a pas perdu de temps pour se forger son propre sérail : en 1993, il cofonda le Cercle de l’Industrie, un lobby patronal désormais constitué des personnalités les plus influentes du monde de l’entreprise. Son vice-président est actuellement Pierre Moscovici, fidèle loyaliste du clan Strauss-Kahn.

 

Selon une récente affirmation de Gérard Carreyrou, ex-directeur de l’information de TF1, l’ambition personnelle de la journaliste était dirigée depuis sa jeunesse vers les plus hautes instances du pouvoir. A l’instar d’un Bill Clinton -non seulement épaulé mais aussi coaché par son épouse- Dominique Strauss-Kahn était envisagé par sa femme comme un candidat potentiel pour Matignon. Ou l’homme maritalement compatible sur lequel il fallait miser pour espérer arpenter un jour la voie royale qui mène à l’Elysée.

Le reportage passé à la trappe, ensuite : qui se souvient encore de cette enquête politico-financière qui devait passer, un soir de mai 2000, dans l’émission Sans aucun doute de Julien Courbet ? L’animateur de TF1, réputé pour sa traque des escroqueries en tout genre, avait programmé la diffusion d’un sujet consacré à une affaire complexe, bientôt surnommée le « Koweit Gate ». Il était question d’un détournement -en 1991- d’un brevet d’invention sur fond de malversations internationales.

Pas vu, pas pris

Dans son ouvrage intitulé « La boîte noire » et consacré à la chambre de compensation Clearstream, Denis Robert avait abordé ce problème épineux : « L’expert-comptable niçois, Christian Basano, est le héros malheureux d’une histoire très complexe liée à la Guerre du Golfe. Au lendemain du conflit, des Koweïtiens aidés par des complices occidentaux auraient détourné 16 milliards de dollars provenant de l’aide internationale (et donc, des banques de plusieurs pays). Ces fonds devaient en principe financer l’extinction des puits de pétrole koweïtiens, selon une méthode imaginée par un chercheur génial ayant déposé un brevet. Christian Basano était alors un proche de ce chercheur. Avec lui, il avait créé une société et envoyé des photocopies de son passeport pour obtenir un visa koweïtien. L’affaire Basano a commencé quand ce dernier s’est rendu compte, quelques années plus tard, qu’on s’était servi de son identité et de ses papiers pour transférer, via une banque hollandaise, des fonds provenant du Koweït. Ces fonds seront investis en titres grâce à un compte non publié de Clearstream ».

En 1991, Dominique Strauss-Kahn, en sa qualité de ministre délégué à l’Industrie, avait sous sa tutelle l’Institut national de la propriété industrielle. Christian Basano l’accuse toujours d’avoir alors facilité le détournement du brevet de son associé, Joseph Ferraye, et d’avoir également favorisé le consortium mené par Horwell, filiale de l’Institut du Pétrole-un organisme également sous la tutelle de l’Industrie- pour l’obtention exclusive du marché koweitien.

En 2002, Sophie Coignard, spécialiste des affaires étouffées, interrogea pour son recueil intitulé « Le Rapport Omerta » le journaliste Bernard Nicolas, membre de la rédaction de TF1 qui fut présent sur le plateau de Sans aucun doute pour introduire le sujet finalement déprogrammé. Extraits (page 261) :

 Vous avez déjà été victime de censure dans l’exercice de votre métier ?

Plusieurs fois. Dès lors qu’il était question de personnage politique de premier plan, les ennuis commençaient à TF1… Une fois, j’avais fait un reportage sur une histoire politico-financière compliquée qui devait passer dans l’émission de Julien Courbet. Dans la journée, une autopublicité annonce le thème de mon enquête. La direction de TF1 s’inquiète : cette affaire peut-elle être gênante pour Dominique Strauss-Khan ?… J’étais interloqué  : rien n’indiquait dans mon enquête que DSK fût mêlé en quoi que ce soit à cette affaire. Soit on se trompait en haut lieu, soit on en savait plus long que moi…

Gilbert Collard, avocat engagé initialement dans cette affaire, avait évoqué au cours de cette émission les pressions subies par l’entourage du plaignant. 

Ironie du sort, ces pressions se sont également traduites -entre l’enregistrement du plateau et la diffusion prévue- dans la censure opérée par TF1 de la séquence relative à l’affaire Ferraye-Basano et jamais diffusée à la télévision.

Dans un entretien accordé le 21 décembre 2001 au magazine Entrevue, l’avocat a déploré cette décision prise par la chaîne. En outre, il a relaté l’existence de menaces formulées « à l’encontre de plusieurs personnes qui avaient participé à l’enquête ».

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La revue avait réussi entretemps à se procurer le reportage et à en publier une retranscription partielle à l’intérieur de ses pages.

Oumma vous propose également de découvrir ici cette enquête interdite d’antenne.

Les motifs exacts de la censure restent inexpliqués : à la vue du reportage, les enquêteurs de TF1 n’avaient pas semblé faire la moindre allusion à Dominique Strauss-Kahn ou commettre un quelconque dérapage assimilable à de la diffamation. Pourtant, l’équipe de direction de la chaîne- dans laquelle figurait encore Anne Sinclair– a jugé préférable de « trapper » -pour reprendre le jargon audiovisuel- le sujet dans son intégralité.

Faut-il y voir, au-delà de la précaution préventive, un échange de bons procédés ? TF1 était alors reconnaissante envers Dominique Strauss-Kahn pour ses bons et loyaux services antérieurs : comme l’a rappelé l’an dernier le documentariste Pierre Carles dans son film « Fin de concession », le socialiste avait été, en 1995/96, un « lobbyiste » en faveur de la reconduction automatique d’une faveur étatique accordée à la chaîne privée : la concession -ou l’autorisation d’émettre, négociée en 1987 –lors de la privatisation de l’antenne- pour une durée initialement fixée à dix ans et sous la condition d’une offre de programmation culturelle accrue. Lorsqu’il rejoint le gouvernement Jospin en 1997 en tant que ministre des Finances, de l’Economie et de l’Industrie, Dominique Strauss-Kahn se révéla également hostile au projet formulé par sa collègue en charge de la Communication -Catherine Trautmann- de rogner sur les monopoles des groupes privés audiovisuels. La direction de TF1 a ainsi bénéficié d’un soutien de poids en la personne de Dominique Strauss-Kahn entre 1997 et 1999. Un an après son départ anticipé en raison de l’affaire de la MNEF, la chaîne aura encore la délicatesse de déprogrammer un reportage qui pouvait mettre en lumière les connexions d’une étrange affaire, visiblement dérangeante pour beaucoup. Y compris -et notamment- le baron socialiste.

Enfin, la certitude d’une interview calibrée : en accordant dimanche soir son premier entretien à la chaîne privée, Dominique Strauss-Kahn a fait savoir par ses communicants qu’il s’agissait là d’un moyen efficace de s’adresser au plus grand nombre de Français« Ce sera un one shot car Dominique n’a pas l’intention d’intervenir toutes les semaines pour reparler de l’affaire du Sofitel », précise -avec des mots finement appropriés- l’un de ses proches. L’argument relatif au choix de TF1 est défendable. Mais pourquoi choisir de s’exprimer un dimanche ? Un seul avantage apparaît : la présence au poste du week-end de Claire Chazal. Personnalité préférée de l’opinion publique en 2009, la journaliste bénéficie régulièrement d’une audience solide pour ses éditions du 20h. Problème : la femme est une proche de l’épouse de l’invité.

Sa relation avec Anne Sinclair est particulièrement intime comme le suggère cet extrait d’un entretien réalisé par son ami Marc-Olivier Fogiel et publié en juillet dans Tv Magazine :

Est-ce que tu t’es déjà projetée dans l’avenir ? Tu te sens la capacité de te transformer en autre chose ?
J’espère… J’ai souvent parlé avec Anne Sinclair de cette transformation. Elle m’a toujours dit que c’était à la fois difficile et facile. Après 7 sur 7, elle a eu une période de transition professionnelle, mais au bout du compte elle est restée la même à l’intérieur et dans le regard des autres.

Sauf qu’elle a renoncé à son métier pour un homme. Te connaissant, cela me paraît impossible !
Je n’aurais jamais fait cela et je lui ai dit ! Je respecte son choix. Je crois qu’une femme journaliste indépendante comme elle, ou comme Béatrice Schönberg ou Audrey Pulvar, n’est pas obligée d’abandonner son métier parce que son compagnon ou son conjoint fait une carrière politique. Ça me paraît injustifié  ! 

Anne Sinclair, tu l’as souvent au téléphone depuis l’affaire DSK ?
Non. Je suis avec elle par la pensée et elle le sait… On s’envoie des petits messages de sympathie et de tendresse de temps en temps.

Quand on est aussi proche d’elle que tu peux l’être, comment fait-on pour traiter l’information sur son mari ?
C’est difficile. D’abord, comme pour tout le monde, c’est la sidération, puis la stupéfaction et enfin l’aspect personnel. C’est toujours plus difficile quand on connaît les gens depuis longtemps, forcément, on imagine… On se pose des questions… On compatit avec leur entourage… Néanmoins, cela ne m’empêche pas, avec la rédaction et mon équipe, de faire mon métier avec rigueur et d’être attentive à la victime présumée.

Quand tu vois Anne Sinclair au milieu de ce tourbillon, tu pourrais faire comme elle par amour ?
Je trouve son attitude assez admirable ! Il semble que ses sentiments sont plus forts que tout. Et, dans notre société, les histoires d’amour et de passion nous interpellent fortement. Anne donne l’image d’une femme éperdument amoureuse et c’est étonnant dans cet univers, parfois déshumanisé. Cela nous renvoie presque au romanesque, à la littérature…

La décision de confier l’interview exceptionnelle d’un notable -toujours embarrassé par la justice- à l’amie de son épouse semble parfaitement s’inscrire dans la tradition française du journalisme politique de connivence. Une pratique douteuse que n’a pas manqué de décrier pour cette occasion la presse étrangère. Qu’ils se rassurent : en février 2010, dans un entretien intimiste publié dans la revue Psychologies, Claire Chazal confessait qu’elle avait « adopté la cause féministe ».

Face au compagnon de sa « tendre » amie, la journaliste ne devrait donc pas manquer d’exercer rigoureusement son métier et de soutenir parallèlement la cause des femmes. Comment ? En l’interpellant avec insistance –à la manière des interviewers britanniques- sur les accusations de tentative de viol portées par Naffisatou Diallo et Tristane Banon. Au regard du bilan professionnel-percutant et implacable– de Claire Chazal, la menace paraît sérieuse. Dominique Strauss-Kahn peut, d’ores et déjà, commencer à s’inquiéter.

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