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Cadres politiques arabo-musulmans et sociétés juives (1/2)

Conquête et changements

Lorsque les Arabo-musulmans conquièrent le Croissant fertile, ils y trouvent des juifs pour qui les changements découleront de plusieurs nouveautés. La première est la fin de la séparation entre les domaines perses et byzantins. Cette conquête, en effet, instaure une continuité entre Méditerranée et océan Indien d’où va procéder la prospérité de l’espace musulman pendant un demi-millénaire.

La deuxième est la fin de la distinction culturelle entre la zone araméenne du Croissant fertile et la zone hellénisée d’Egypte, vite arabisées l’une et l’autre. De ce fait, la Mésopotamie, lieu florissant du judaïsme, entre en relation avec les judaïsmes de langue grecque.

La troisième est le système de ségrégation de la société musulmane, fondé à la fois sur le principe qu’il ne peut y avoir de contrainte en religion et sur la conscience, pour chaque musulman, de la supériorité de l’islam. C’est le système de cohabitation entre confessions, que l’on appelle la dhimma.

Périodisation de l’histoire musulmane

C’est ainsi que s’ouvre l’histoire des Juifs et des Arabo-musulmans. Il va de soi qu’un millénaire et demi ne se résume pas en quelques paragraphes. Aussi faut-il s’en tenir aux grands traits, lesquels reposent sur une claire périodisation. Il y a d’abord, du VIIe au XIe siècle, un demi-millénaire d’apogée “classique”, période qui correspond au haut Moyen Age européen.

Mais, à partir du XIe siècle, quand l’Occident connaît des progrès, le monde de l’Islam subit une succession de coups de boutoirs. Le premier, au XIe siècle, est une invasion turque “renomadisant” les espaces de l’isthme indo-méditerranéen. Le second est, au XIIe siècle, l’installation des croisés européens au Levant. Le troisième, au XIIIe siècle, est la conquête mongole. Le quatrième, au XIVe siècle, est la Grande Peste, dont on oublie qu’elle a touché l’espace musulman et l’a affaibli. Le cinquième est, au XVe siècle, l’installation de la suprématie de l’Occident dans l’Atlantique et, au XVIe siècle, dans l’océan Indien.

Ensuite, l’on entre dans une ère d’un demi-millénaire où l’Islam se redonne une apparence grâce à l’empire ottoman, qui constitue au XVIe siècle la première force de l’Europe. Mais ce n’est que survie et bientôt les puissances de l’Europe mèneront le jeu.

Les communautés juives dans l’histoire de l’Orient arabe

A toutes ces périodes il y eut des juifs dans ce Proche Orient et ils subirent les coups et contre coups de l’histoire.

L’époque classique

A l’époque classique, entre le VIle et le XIe siècle, ils vécurent la dhimma dans ce qu’elle pouvait avoir de positif. A ce moment, la communauté juive la plus nombreuse était en Mésopotamie. Elle était dirigée par des exilarques* et c’est en fonction de la dhimma que les califes* laissèrent les juifs s’administrer eux-mêmes sous ces exilarques qui jouissaient à la cour d’un grand respect.

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Parallèlement aux exilarques, il existait des directeurs dans deux grandes académies talmudiques, à Sura et Poumbedita. On les appelait les gaonim (singulier : gaon). Ces gaonim exercèrent une influence sur les communautés juives du monde entier. Ils leur envoyaient des “consultations” sur des points de religion, de liturgie, de droit ou autres.

Crises et survie

On peut considérer fini l’âge classique de l’Islam au milieu du XIe siècle. Les académies de Soura et Poumbédita déclinent, le prestige des exilarques et des gaonim n’existe plus. Dès lors, chaque siècle apporte sa catastrophe, la prospérité disparaît, les intrusions se multiplient et la situation des communautés juives va se dégrader.

A cette époque incertaine où les juifs, contre vents et marées résistent et parviennent à survivre, c’est en Syrie, en Palestine et en Égypte, sous la dynastie des Mamelouks*, que leur situation est la moins mauvaise. Ainsi, entre le XIIIe et le XVe siècle, renaissent les centres judaïques de Jérusalem, Hébron, Tibériade et, surtout, Safed, qui sera un lieu majeur de la vie juive au Proche Orient.

Les siècles ottomans

Au XVIe siècle, les Turcs ottomans, maîtres de l’Asie Mineure et des Balkans, commencent à conquérir l’Orient arabe et les juifs passent sous leur administration. Leur sort pourra alors être considéré comme relativement correct pendant les siècles fastes de l’Empire, c’est-à-dire aux XVIe et XVIIe siècles.

Au début de cette période, l’événement est l’arrivée des juifs d’Espagne. Ils apportent des compétences dans les domaines industriels, financiers et scientifiques, une connaissance des langues européennes et la maîtrise de réseaux entre monde musulman et monde chrétien. Ces savoirs, les Turcs en tireront parti et l’on assista même à ce que l’on pourrait appeler des “migrations de compétence”, suivant le système de Sürgün (exil) qui permettait de déplacer des populations arbitrairement. Pour les juifs, ces migrations avaient le plus souvent pour but de transplanter des communautés industrieuses dans des régions à développer.

Par ailleurs, bien que la Mésopotamie ait décliné, Bagdad était la ville arabe où vivaient le plus de juifs. Ils commerçaient avec l’Inde, l’Insulinde, l’Extrême-Orient et, d’un autre côté, la Méditerranée par le comptoir d’Alep. Très assimilés, ils fournirent des hommes de talent et de savoir jusqu’à une époque récente.

Quant aux juifs espagnols, ils virent leurs compétences disparaître par la concurrence des minorités chrétiennes dont les puissances européennes faisaient les vecteurs de leur influence. Alors, aux XVIIe et XVIIIe siècles, la situation se dégrada avec le déclin de l’empire, la pression des puissances européennes et 1’appauvrissement des masses arabes dans un climat où se mêlaient le mépris traditionnel des musulmans à l’égard des juifs et les schémas de l’anti judaïsme chrétien. Les persécutions se multiplièrent au XIe siècle. La plus connue, attisée par le consul de France, est l’affaire de Damas en 1840 qui vit des juifs être accusés du meurtre rituel d’un moine franciscain. Cette persécution ne cessa qu’après l’intervention de notables juifs anglais, français et autrichiens auprès des puissances européennes.

A cette époque, en effet, l’intervention de ces puissances est de plus en plus directe et c’est dans ce cadre que se déroulera le dernier siècle de 1’histoire des juifs au sein des sociétés arabo-musulmanes du Proche-Orient.
A suivre…

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