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Ayons la sagesse de concilier les valeurs sacrées !

La crise des caricatures qui oppose le Danemark, et plus généralement l’Europe, au monde musulman prend hélas la tournure d’un mégaconflit. La protestation contre les caricatures prend des allures de plus en plus violentes, comme nous l’avons vu dans certaines capitales de pays musulmans avec l’incendie d’ambassades scandinaves, acte condamnable, qu’il soit spontané ou le résultat d’une instrumentalisation politique.

Le saint Coran nous ordonne d’être équitables envers tout être humain et nous enseigne que nul n’est responsable pour un acte commis par un autre. De plus, la tradition du prophète – la paix et le salut sur lui et sur tous les prophètes – nous apprend que jamais l’envoyé de Dieu (pssl) ne se vengea d’une injure personnelle.

Cette crise révèle deux fléaux qui menacent l’humanité : l’injustice envers l’Autre et l’ignorance de l’Autre.

La réaction des populations musulmanes aux dessins profanant l’image du prophète (pssl), exprime d’abord une frustration et cristallise un sentiment d’injustice éprouvé par les musulmans depuis trop longtemps. Privés de liberté et dominés par des gouvernements souvent illégitimes, ils sont sans cesse agressés militairement, pillés économiquement et humiliés symboliquement par un envahisseur qui change de nom mais utilise les mêmes méthodes d’antan. Le sentiment d’injustice ne peut produire que de la colère, voire de la haine.

L’ignorance de l’Autre engendre, elle aussi, la peur, le conflit et la haine. Depuis plus d’un demi-siècle, j’ai pris conscience du danger que représente ce fléau. En pleine période de colonisation, au moment où l’occupant français interdisait les écoles d’enseignement de l’arabe en Algérie, nous nous efforcions à aiguiser l’appétit des jeunes Algériens pour le savoir, notamment au sein des scouts musulmans algériens, et à les encourager à apprendre les langues étrangères – y compris le français – car elles représentent à notre sens les clés qui ouvrent l’univers de l’Autre et facilitent sa connaissance.

Connaître l’Autre, c’est connaître ses référents, ses symboles, ses valeurs sacrées. Or le contexte international tendu dans lequel nous vivons depuis quelques années ne favorise pas l’entre-connaissance. Dans le monde occidental où l’on méconnaît les valeurs sacrées du monde musulman, on ne mesure pas assez la portée d’une atteinte grave au symbole des musulmans par excellence, le prophète Mohammed (pssl). Dans le monde musulman où les médias sont souvent aux ordres du pouvoir, on ne mesure pas assez l’importance en Occident de l’indépendance de la presse, considérée par certains comme une valeur sacrée, et on va jusqu’à demander à l’appareil exécutif danois de présenter des excuses pour un forfait commis par un journal, ce qui paraît ici, à juste titre, comme une aberration.

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La liberté de la presse est un bien trop précieux pour être traîné dans les bas-fonds de la provocation gratuite, médiocre de surcroît. L’attitude du caricaturiste Lars Refn, qui a accepté de participer à la publication danoise uniquement pour affirmer que « les journalistes de Jyllands Posten sont des provocateurs réactionnaires », comme il l’a précisé dans sa caricature, est à ce titre honorable. Le droit à la liberté d’expression, droit inestimable consacré par l’humanité libre comme universel, ne saurait entrer en contradiction avec le droit à la dignité qui est tout aussi inestimable.

L’équilibre entre d’une part le droit à liberté d’expression, et d’autre part le devoir de lutter contre le racisme, la discrimination, la calomnie, l’antisémitisme et tout appel à la haine, a pu être établi avec le temps par la société occidentale moderne. A l’ère d’Internet et des chaînes satellitaires notre monde prend l’aspect d’un grand village dont les habitants doivent apprendre à vivre ensemble en bonne entente, comme c’est le cas en Suisse, et particulier à Genève, où coexistent pacifiquement des communautés d’origines, de cultures et de religions diverses.

Aussi, non seulement lorsque des valeurs sacrées entrent en conflit, et afin de dépasser le seul cadre juridique, la sagesse commande de rappeler et de souligner que nos différences constituent un trésor nous offrant la chance unique de nous enrichir mutuellement. Et par là, de construire des ponts en vue de nous rapprocher les uns des autres. Une telle démarche relève de la pédagogie et commence bien évidemment à l’école.

Nous devons tous contribuer, chacun à son niveau, d’une manière positive, au dénouement de cette crise grave qui risque de dégénérer davantage, en transformant la colère en sentiment de haine entre les peuples musulmans et les peuples occidentaux amis qui ne peuvent en aucune façon être tenus pour responsables des agissements de quelques journaux irresponsables ou d’une minorité islamophobe.

Bref, il est du devoir de chacun de nous, quelles que soient nos convictions, de faire l’effort nécessaire non seulement de connaître l’Autre, mais aussi de le reconnaître et de lui faire justice en toutes circonstances.

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Lorsque la liberté d’expression sert d’alibi à la haine raciale, elle se réduit elle-même en cendre !

Venir au secours de nos civilisations moribondes