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A mes marcheurs

C’est un couple d’une soixantaine d’année au plus. Très certainement, d’origine maghrébine. Lui, possède de petites lunettes, et un costume sombre souvent. Elle porte des hijabs fleuris, et des vêtements clairs la plupart du temps.

Dans l’ouest Lyonnais, où je réside, je les croise à longueur d’années le long des routes et des chemins. Il faut dire que dans cette partie favorisée de Lyon, c’est chose peu commune.Qu’il pleuve, qu’il vente, qu’il neige, la tenue est adaptée, mais le pas reste celui de ceux que plus rien ne presse.

Il a souvent le dos courbé, et les mains dans le dos, l’une retenant l’autre par le poignet. Ils ne regardent pas les véhicules ni les passagers. Ils s’arrêtent au printemps pour ramasser des fleurs, qui poussent parfois entre les magasins, de nos grandes zones commerciales, toutes semblables désormais, de Lille à Marseille.

Elle parle beaucoup, et lui semble parfois lui donner la réplique. De quoi parlent-ils, je ne saurai le dire. De leur vie de labeur, passée à construire et éduquer une famille ? De leur jeunesse passée, outre méditerranée, et de la cruauté du départ ? De Dieu le tout puissant, et de la douceur de Son amour ? De ces années communes à œuvrer pour faire de leurs enfants ce qu’ils sont certainement aujourd’hui ( et il m’est plaisant de penser qu’ils ne peuvent qu’être doux ).

Les distances parcourues ne peuvent qu’étonner le marathonien que je suis. Et cependant, la marche n’a jamais lieu, au moment des prières. Connaissent-ils Rousseau, et ses rêveries du promeneur solitaire ? Savent-ils que la littérature regorge, de marcheurs poètes ?

En voyant ce couple, de janvier à janvier, égrener les saisons, sur nos routes où nous nous pressons pour acheter ce qui ne nous manque en fait jamais, mais qu’il nous est toujours absolument nécessaire de posséder aujourd’hui , je ne peux m’empêcher de penser au verset coranique sur l’égalité des sexes.

Qui dira mieux que ce couple de marcheurs, combien nous sommes égaux devant Dieu, au delà de nos sexes ? Combien les polémiques sur la virginité ou l’excision, le mariage forcé ou la condition de la femme, peuvent-elles sembler vaines et fragiles, devant cet amour sans limites , qui attend le jour ou le Grand Architecte décidera de finaliser Son œuvre , en marchant côte à côte, et en usant son temps ?

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Nous sommes comptables de l’image que nous donnons de nous. Le formalisme de mes frères et sœurs me gène parfois, quand dans les rayons de ces mêmes supermarchés, un besoin de se différencier, nous mène à adopter des attitudes vestimentaires forcément provocantes parce qu’extrêmes , et à agresser autrui, avant qu’il ne le fasse.

L’arrogance porte aussi la djellaba et le kamis. N’y tenant plus ce soir, alors que nous rentrions de chez un frère en voiture, j’ai ouvert ma vitre et salué, ce couple d’un grand salam. « Que Dieu vous garde » ais-je dit à ce vieil homme.

Son épouse m’a dit alors : « je marche pour mieux réfléchir » , avec un sourire complice de miel, qui ne m’a pas étonné. Polémiquez sur l’Islam tant que vous voudrez, messieurs les polémiqueurs.

Il existe dans Lyon un couple, qui ne connait pas l’Internet, qui passe ses journées, près de magasins où il ne rentre probablement jamais, qui ne donne jamais de leçon, à qui que ce soit, que je croiserai encore, dans mon quotidien d’homme pressé, si Dieu le veut ,mais qui sans le vouloir, m’a rappelé à l’essentiel d’une vie.

Que Dieu vous garde.

Ces quelques lignes sont pour vous.

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L’exil, dit-il

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