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Vers un nouvel âge d’or de l’islam

Le monde musulman apporta par le passé d’extraordinaires contributions à la science et à l’éducation. L’« âge d’or » de l’islam, au cours duquel le savoir et l’enseignement s’épanouirent dans tout le monde musulman, dura plusieurs siècles, et fut notamment marqué par la fondation des premières universités. Aujourd’hui pourtant, les pays à majorité musulmane sont en matière de recherche et d’éducation à la traîne du reste du monde. Si la région veut prendre sa place dans le développement mondial et fournir à une population en plein essor des emplois modernes et une vie meilleure, cela doit changer.
Une seule université du monde musulman, l’université technique du Moyen-Orient, en Turquie, apparaît aujourd’hui dans le classement international des cent meilleurs établissements d’enseignement supérieur et de recherche ; une douzaine seulement figurent parmi les quatre cents premières, selon diverses listes. S’il n’existe pas d’évaluation internationale standard concernant les résultats à l’université en sciences et en mathématiques, les élèves du monde musulman se tiennent dans ces matières en dessous de la moyenne mondiale en fin d’école primaire, à la sortie du premier cycle du secondaire et à l’entrée du second, selon l’enquête internationale sur les tendances des études scientifiques et mathématiques (TIMSS – Trends in International Mathematics and Science Study) ou selon le classement du programme pour l’évaluation internationale des étudiants (PISA – Program for International Student Assesment). Et les écarts se creusent.
Quant à la recherche, telle qu’on peut en mesurer les résultats par le nombre de publications et la fréquence des citations dans la littérature internationale, ou encore par le nombre de brevets, elle est loin d’être au niveau si on la rapporte à la population et aux capacités financières. Les pays musulmans ne dépensent, en moyenne, que 0,5 % de leur PIB dans la recherche et le développement, alors que la moyenne mondiale est de 1,78 % du PIB et que celle des pays de l’OCDE est supérieure à 2 %. Le nombre de personnes travaillant dans le domaine scientifique est également beaucoup plus bas que la moyenne mondiale.
Voici dix-huit mois, s’est constitué un groupe de travail non gouvernemental et non partisan, composé d’experts internationaux, mis en place par l’Initiative pour la science dans le monde musulman (MLWSI – Muslim World Science Initiative) et par le partenariat malais public-privé pour les hautes technologies (MIGHT – Malaysian Industry-Government Group for High Technology), que j’ai eu l’honneur de coordonner, afin de comprendre les raisons du triste état de la science dans le monde musulman et de déterminer comment les universités pourraient améliorer la situation. Une meilleure compréhension des différents problèmes et des remèdes disponibles permettrait à la science de s’épanouir à nouveau en islam, ce qui aurait, pour les économies et les sociétés concernées, des avantages considérables.
Notre enquête sur l’état de la science dans les universités du monde musulman n’a pas seulement tenu compte des budgets et de la recherche ; elle s’est aussi penchée sur des questions comme le statut des femmes dans les cursus et les carrières scientifiques. Nous avons également mené une étude approfondie – la première du genre – sur les méthodes d’enseignement de la science dans le monde musulman, qui s’est intéressée non seulement à la pédagogie, mais aussi aux manuels, aux langues pratiquées dans les cours, à la censure de certains sujets « controversés » (comme la théorie de l’évolution) et au rôle de la religion dans les matières scientifiques.
Dans un rapport qui vient d’être publié, le groupe de travail livre ses conclusions. Si l’état général de la science dans le monde musulman laisse à désirer, beaucoup de choses peuvent être faites pour l’améliorer intelligemment et efficacement. Le groupe de travail fait part de ses recommandations aux institutions scolaires et universitaires, aux autorités nationales de tutelle et aux autres acteurs de la science – académies, pôles industriels et organisations de la société civile.
L’un des premiers objectifs des institutions scolaires et universitaires devrait être de développer la créativité et l’esprit critique des élèves et des étudiants. C’est pourquoi le groupe de travail recommande d’inclure, dans les programmes des étudiants suivant un cursus scientifique, des cours de lettres, de sciences sociales, de langues et de communication. Dans le même temps, il plaide pour l’adoption de vraies méthodes d’enseignement, internationalement pratiquées, notamment celles qui se revendiquent de la pédagogie active et se fondent sur l’expérimentation et l’investigation. Une telle évolution nécessiterait bien sûr qu’on forme des professeurs à ces méthodes.
Les professeurs devraient également être encouragés, plutôt qu’à publier toujours plus d’articles, à prendre en charge eux-mêmes la rédaction des manuels et à mener des missions de sensibilisation aux sciences. Cette recommandation peut surprendre, étant donné la faible productivité de la recherche dans le monde musulman. Mais en réalité, ce genre d’orientation aurait dans la pratique plus de conséquences pratiques positives que la course à la publication, qui débouche parfois sur le plagiat et sur la « junk science ».
Le groupe de travail demande aux autorités nationales de tutelle d’accorder aux universités plus de marges d’innovation (notamment pour ce qui concerne les programmes) et d’évolution (dans les programmes de recherches et les coopérations), pour qu’elles les exploitent chacune à sa manière, selon ses propres forces ou faiblesses. Il incite également toutes les institutions à faire le choix de la méritocratie et à éviter les artifices qui consistent à financer des « collaborations » dans le seul but de pousser les publications. Un bond éphémère dans le classement ne vaut jamais qu’on coure le risque d’une réputation ternie à long terme.
De telles mesures requièrent un programme qui s’appuie sur des initiatives partant de la base. C’est pourquoi le groupe de travail appelle aujourd’hui toutes les universités du monde musulman à rejoindre le réseau d’excellence des universités scientifiques (Nexus – Network of Excellence of Universities for Science) en cours de construction. Supervisée par le groupe de travail, une équipe de pairs cooptés, qui comprendrait des administrateurs d’universités et des professeurs pour qui le changement doit provenir de l’intérieur, mettra en place les mesures préconisées par le groupe de travail.
Nous pouvons espérer que lorsque les initiatives du premier groupe d’universités commenceront à porter leurs fruits, nous serons rejoints par de nouvelles institutions. L’élan ainsi produit créera une pression sur les ministères, les régulateurs et autres autorités de tutelle concernées – où les résistances au changement sont peut-être les plus importantes – qui les entraînera à prendre des dispositions complémentaires.
Les universités sont au carrefour de la recherche, de la pensée critique et du libre débat, le lieu où la prochaine génération doit non seulement être confrontée aux faits et aux théories établis, mais doit aussi apprendre à disséquer les idées, à identifier leurs défauts, afin de contribuer à enrichir et à étendre notre base de connaissances. À l’heure où le monde musulman fait face à des défis sans précédent, on ne saurait surestimer l’importance que revêt la création d’un environnement universitaire et scolaire solide.
Source: L’Orient Le Jour  Traduction François Boisivon. Publié sur Oumma avec l’accord de Nidhal Guessoum (voir ci-dessous entretien OummaTV)

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22 commentaires

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  1. Il y a un nouvel âge d’or de la Chine, dont la civilisation est millénaire, un essort de l’Inde, mais que fait donc la civilisation musulmane : elle prie ?
    Malheureusement, les musulmans ont remplacé l’action positive par un refuge dans une religiosité malsaine qui les rend aveugles : 5 fois par jour le derrière en l’air, le hallal, le jeûne du ramadan, la fête du mouton : ça ne permet pas de répondre aux défits des autres civilisations concurrentes de l’islam endormi depuis des siècles. Les gestes qui rassurent remplacent la réflexion.
    Si vous voulez bouger, il va falloir secouer votre religion. C’est votre boulet.

  2. Voir le lien dans mon commentaire ci-dessous
    Marcel Gauchet met raisonnablement en perspective l’Islam en France.
    Mais il reste l’affectif difficile à juguler.
    Un événement récent illustre ce thème :
    En France pour un non musulman refuser de serrer la main d’une collègue de travail ou d’une femme même si elle n’est pas de sa famille est tout simplement une injure, et selon les tempéraments une injure susceptible de générer des comportements définitivement hostiles de la part de ceux se considérant comme injuriés (la femme et son environnement masculin et féminin).
    Voir ici
    https://www.francetvinfo.fr/monde/iran/video-quand-lambassadeur-diran-en-france-refuse-de-serrer-la-main-dune-journaliste_2726363.html
    On comprend très bien, au niveau intellectuel, les explications des religieux musulmans concernant ce comportement mais pour la plupart comprendre n’est pas accepter.
    En clair beaucoup ne comprennent pas que ce soit aux femmes d’éviter aux hommes obsédés sexuels d’être tentés mais qu’il est du devoir et de la responsabilité de ces derniers de s’éduquer au self-control voire si nécessaire de se soigner.

      • Tout à fait dans le sujet … totalement dans le sujet !
        A mon avis il ne peut y avoir d’âge d’or sans se glisser dans la modernité ce qui fut le cas pendant la révolution des Lumières (1650/1750) en ce qui concerne l’Occident chrétien.
        Lumières que nous avons en Occident encore enrichies depuis au niveau des relations hommes /femmes (mais pas seulement), enrichissement qui continue dans le seul domaine des relations hommes femmes … affaire TR … DSK … Cosby … et d’autes …. s’inscrivent dans ce cadre …
        Donc il vous reste à reprendre entre vous le débat stoppé au 12ème siècle: il y a du grain à moudre ! et à ne pas vous laisser “sidérer” comme le disent les 30 imams par vos décérébrés s’abritant derrière une lecture du 7ème siècle du Divin Coran.
        Vos décérébrés sont en train de réveiller les nôtres de décérébrés et un vent mauvais se lève en Europe depuis l’Est ! Le temps presse !
        Les catholiques pratiquants, les protestants pratiquants, les juifs pratiquants d’Occident ont fait ce travail vis à vis et dans leur propre religion. Les quelques reliquats qui restent de l’ancienne interprétation datée “moyen âge” de leurs livres sacrés sont marginaux et marginalisés actuellement, j’espère qu’ils le resteront certains d’entre eux utilisent dans leur vocabulaire le terme “reconquista” !!!!!!
        Chez vous des individus font cette démarche individuellement mais ils sont encore minoritaires et trop souvent stigmatisés.

        • Le salut asiatique à la chinoise ou à la japonaise, vous connaissez ?
          Mettre un serrage de main comme blocage c’est nul. Le problème est géopolitique et politique. Quand les musulmans seront indépendants de toute oppression don’t worry be happy.
          Encore une fois à toutes les têtes de noeuds, les musulmans vivent dans la modernité depuis toujours.
          Ce n’est pas parce qu’ils ne légalisent pas le mariage gay (sodome et gomorre c’est encore plus vieux et archaïque) qu’ils sont moins modernes.

          • La modernité n’est survenue en Occident que quand la philosophie a dominé la théologie.
            Les théologiens (catholiques et calvinistes) ont persécuté les philosophes jusqu’au moment où ils ont perdu progressivement la partie.
            Ceci est en résumé la trame des débat des “Lumières” en Occident (phase aigue :1650-1750) en Europe.
            Dans le monde musulman ce débat a été au contraire perdu au 12ème siècle par vos philosophres idéologiquement écrasés par vos théologiens.
            Certains donne comme cause : la primauté donnée à la tradition (taqlīd) aux dépens de l’ijtihad (libre-arbitre) au XIIe siècle.
            En ce qui me concerne je suis plutôt un croyant en l’existence chez l’humain d’une tradition primordiale …. tradition qui ne s’intéresse pas à des détails futiles comme les mariages et laisse une place à la modernité.
            NB : nous sommes en Occident ni au Japon ni en Chine. Je vis en France et je n’ai jamais vu un de mes amis asiatiques refuser de serrer la main de ma femme !
            Quand aux têtes de noeuds occidentales c’est vrai sous la pression des vôtres de têtes de noeuds elles relèvent … sans jeu de mots … la tête.
            Comme je le disais le mouvement vient de l’Est de l’Europe qui a été au contact ou colonisé par l’Empire musulman Ottoman.

          • “les musulmans vivent depuis toujours dans la modernité”.
            d’ailleurs, comme ils ont tout appris aux autres, ils ont même enseigné à leurs pères de quelle manière on faisait les enfants.
            et si leur contribution à la marche en avant de l’humanité, est aussi faible depuis cinq siècles, c’est la faute des autres. A tous ces vilains qui n’ont cessé de les opprimer.
            Bon, au moins , on connait les responsables de cette stagnation !
            Ils ne sont pas musulmans, tout le monde sait ça !
            cordialement

          • @Philodeme
            Votre explication ne tient pas la route. Cela ne s’est jamais arrêté. L’empire ottoman était aussi moderne que l’empire germanique pour rappel. Les EAU et la Turquie sont modernes et vivent dans LEUR modernité comme beaucoup de peuples sur terre. Vous n’allez pas réussir à faire passer l’innovation technique et technologique qui aboutissent à l’amélioration des conditions de vie comme une modernité qui s’oppose au religieux qui serait obligatoirement contre. Ceci est l’expérience catholique et certainement pas musulmane.
            Un petit lien : http://muslim-science.com/
            J’ai déjà rencontré des “européens” qui saluent sans forcément serrer la main, surtout quand on est en groupe. Par ailleurs, serrer la main dans la “bourgeoisie nion nion” qu’il m’arrive de fréquenter n’est pas toujours bien vu. Surtout vis à vis des dames et demoiselles, alors apprenez votre culture avant de dire des âneries.
            Par ailleurs, quand j’ai écrit tête de noeuds, je n’ai pas rajouté occidental.

          • À Malik 29 avril 2018 à 16 h 57 min
            Les tabous suivis par une trop importante quantité de sectateurs de l’Islam, je ne parle pas de vous personnellement je ne vous connaît pas  : les tabous bien inutiles : les porcs alors que les moutons fuent aussi infestés de parasites (le tournis), voir les sketchs de Fellag pour les chiens, la tendance à « couvrir » les femmes, à leur imposer des tenues alors que ce sont les névroses masculines qu’il faudrait soigner voire sanctionner, considérer les autres comme des mécréants ou pour ceux qui changent d’avis des apostats, donc votre difficulté à accepter le libre arbitre des vôtres et donc un développement créatif donc un refus de la méthode scientifique…. stop lister tout cela me désole !
            …….. bref tout ce que votre philosophe musulman algérien considère comme des freins faisant de certaines sociétés musulmanes des sociétés primitives engluées/paralysées dans les tabous.
            Rappel …. que disait Malek Bennabi :
            « Quand une société primitive met des tabous autour de ses traditions, de ses convictions, de ses goûts, de ses usages, ce qui est risible là-dedans – à supposer qu’il y ait quelque chose de risible – ce n’est pas le tabou mais le vide culturel, l’inculture qu’elle défend, c’est-à-dire l’ensemble de causes qui maintiennent cette société en stagnation. » (Malek Bennabi)
            Je suis un adepte de la Tradition Primordiale commune à toutes les religions mais pas des développements particuliers engluant l’humain dans une toile d’araignée d’interdictions , j’aurais dit la même chose à mes ancêtres qui vivaient selon les règles de la catholicité triomphante.
            Mais j’exclus de ma relative (je ne suis pas un haineux) vindicte dans chaque religion donc dans l’Islam aussi les croyants de bonne volonté qui ont fait un travail ésotérique consistant à avoir une lecture symbolique de leurs livres sacrés.
            Les ésotériques minoritaires sont en général mal vus parfois persécutés par leurs coreligionnaires exotériques majoritaires dans toutes les religions.

  3. Le problème c’est que vous vous prenez pour des savants qui n’inventent rien. Vous évoquez un passé glorieux qui n’en est pas un. Vous baignez dans l’illusion d’une science théologique. Parce que les arabes ont inventé le zéro vous êtes convaincus d’avoir fait le job. Pour l’astrologie, vous pouvez dire merci aux grecs. Donc une fois de plus vous mentez sur votre vraie nature et votre soit disante culture.
    Puisque vous évoquez l’Andalousie, formidable ! Mais il serait judicieux d’évoquer l’invasion de l’Espagne messieurs les colonisateurs à la mémoire courte ! On attend des excuses et le remboursement d’ailleurs !

    • Bonsoir,
      Il existe une très grande différence entre un savant et un ignorant.
      Le savant, de par sa science, est conscient des limites de son savoir tandis que l’ignorant, de par son ignorance, est inconscient de l’immensité de celle-ci.

  4. Tout ce qui est scientifique est “muslim” et tout ce qui n’est pas scientifique n’est pas “muslim”. La nature est “muslim”, la matière est “muslim”, la vie est “muslim”, l’intelligence est “muslim”, l’esprit est “muslim”, etc. Où est le problème ? Allah est science et c’est tout. Quand un scientifique fait une découverte, il est “muslim” même s’il se croit athée, quand un homme fait une erreur, il s’éloigne de l’islam, même s’il se croit “muslim”. l’islam est un “souffle” qui pousse vers le savoir et quand on trouve ce souffle, on est “muslim”, et quand on ne trouve plus ce souffle, on n’est plus “muslim” …Ce souffle “muslim” peut se trouver à partir d’un texte qui est considéré comme musulman, chrétien, bouddhiste ou athée. Car tout être humain a sa fitrah et il suit l’islam a un moment ou s’en éloigne à un autre, peu importe que cela se nomme islam, christianisme, hindouisme ou athéisme à un moment X. Tout est dans la recherche de son souffle intérieur et dans l’aide que peut procurer si on sait le lire le Coran pour trouver ce souffle qui pousse vers la recherche et le savoir. Si on croit vraiment dans le caractère divin du Coran, on doit y trouver les clefs pour tout appréhender car le Coran est un guide, mais on peut trouver les clefs dans le gigantesque Coran qu’est toute la création et on peut les trouver dans ce Coran encore plus gigantesque qui est notre âme intérieur, notre fit rah. Le Coran n’est qu’un guide et un résumé pour l’action …mais ce guide, nous ne savons même pas le lire à sa juste hauteur.

  5. le tout religieux est un enfermement.
    Ce que dit ce scientifique le démontre assez clairement.
    L’Islam doit de nouveaux faire le pari de l’intelligence.
    Il ne peut se contenter, d’énoncer avec une fierté légitime d’ailleurs, tout l’apport de cette brillante période, que fut l’âge d’or, au monde de son époque, et se tenir à l’écart du monde contemporain, sans y apporter de nouveau sa propre contribution.
    c’est un rendez vous majeur, de mon point de vue, car son avenir en dépend.
    cordialement

  6. Le décor ou cadre de la problématique qui se pose à l’Islam en France (non pas de France!) actuellement a été bien clarifié au niveau des penseurs français actuels par Marcel Gauchet.
    A mon avis au cours du premier âge d’or les savants et intellectuels musulmans ont assimilé et développé l’héritage grec lui-même en lien intellectuel avec la culture de l’Égypte Ancienne des pharaons.
    Cela ne s’est sans doute pas fait sans heurts puisque l’élan semble avoir été stoppé net vers la fin du 11ème siècle.
    Certains situent ce tournant vers 1095 quand Al-Ghazali publie un ouvrage qui s’intitule « L’incohérence des philosophes » (Tahafut al-Falasifa) ????
    Au fond l’Islam a perdu son premier âge d’or et pense pouvoir le récupérer au sein d’une société occidentale qui globalement connaît le sien d’âge d’or actuellement (après avoir frôlé l’Apocalypse en 1945 : avancées allemandes sur le nucléaire stoppées)
    La conversation ci-dessous avec Marcel Gauchet permet de faire le point à la fois sur la société française et sur la problématique de l’Islam en France sans polémiques inutiles et … raisonnablement comme toujours avec Marcel Gauchet !
    https://www.youtube.com/watch?v=-rPW_A6Z12s

    • Très intéressant Marcel Gauchet, comme souvent.
      Sur le déclin de la civilisation musulmane, je pense qu’il faut prendre le problème par un autre bout : pourquoi n’a-t-elle pas donné lieu à une révolution scientifique telle que celle concomitante aux Lumières en occident ? Des scientifiques ont étudié cette question, une réponse intéressante est celle liant ce progrès à la configuration géographique de l’Europe, qui permet le morcellement des nations et donc leur concurrence : le monde musulman était trop grand. Car la même question qu’on pose à ce monde peut l’être à l’empire chinois : pourquoi n’a-t-il pas eu un tel rayonnement ?
      Le monde musulman n’a pas décliné abrupteliclment depuis Algazel (Al-Ghazâli) : de nombreux scientifiques ont émergé après lui (comme exemple, Copernic cite nommément des scientifiques musulmans dans son travail fondateur de l’héliocentrisme), et le déclin est en fait long et sur plusieurs siècles, et aboutira à la disparition du califat.
      Les griefs qu’on fait à Algazel, prenant partie pour Averroès (Ibn roushd), me semblent résulter d’une mauvaise compréhension du débat qui opposa ces deux savants : le premier reprochait aux philosophes musulmans tels Avicenne (Ibn Sina) leurs thèses sur le monde naturel qu’ils reprenaient des grecs, Aristote en particulier : ils pensaient que le monde était éternel et immuable, car devant selon Avicenne refléter l'”intelligibilité” du divin. Cette vision ne laisse pas de place au hasard. Au contraire pour Algazel l’apparente organisation du monde relève de la volonté divine et revêt donc un caractère miraculeux. Ce dernier reproche aux philosophes (Aristote, Avicenne) de mal interpréter (en philosophant mal, cf. “L’incohérence des philosophes”) les réalités empiriques. Avicenne critiqua la réfutation d’Algazel, prenant parti pour les philosophes.
      Un scientifique musulman apporta ultérieurement une vision intéressante à ce débat : Ali Qushjï. Il revendiqua une science (l’astronomie particulièrement) indépendante de la philosophie : d’une certaine manière il valide Algazel, car lui non plus n’est pas d’accord avec les idées des philosophes, mais en utilisant des arguments purement scientifiques, voire matérialistes. D’ailleurs aujourd’hui on voit bien que la plupart des thèses d’Aristote sont caduques : la critique de sa philosophie est donc constructive. Car en effet à son époque, la science était dépendante de la philosophie.
      Quant à votre assertion d’un présent âge d’or de la science occidentale, je vois au contraire qu’il n’y a plus de grandes découvertes, autres qu’en ingénierie, et que la physique en particulier est en crise, de par son impossibilité de mettre en cohérence relativité générale et physique quantique.
      Aussi le retour des musulmans vers ces questions scientifiques ne peut être que bienvenu, malgré le discours apologétique sur les “miracles scientifiques du Coran”, et l’initiative de M. Guessoum saluée : nous avons besoin de nouvelles découvertes !

      • Merci pour les explications dans la première partie de votre commentaire.
        En s’exprimant on généralise, toute généralisation souffre des exceptions nombreuses car il y a toujours des zones de recoupements et de passages entre les groupes humains et donc leurs savoirs.
        Par contre j’apporte un complément à votre dernier paragraphe.
        Dans le sujet : « Le manifeste de la haine islamophobe »
        mon commentaire/réponse : « Philodeme 27 avril 2018 à 11 h 17 min « 
        je répondais indirectement à ces problématiques
        L’heure est plutôt aux découvertes dans tous les domaines ayant des répercussions dans le développement du trans-humanisme.
        Les découvertes ne sont jamais faites dans tous les domaines à la fois.
        Depuis qq décennies les neurosciences semblent être sur le devant de la scène.
        Comme toujours les découvertes sont boostées par des impératifs militaires, elles se font dans des structures liées au militaire discrètes mais très actives.
        En 2010 Dans : quelque évocations …….
        https://www.defense.gouv.fr/content/download/…/file/Travaux_de_l_Irsem_no2.pdf
        Un passage
        « Les travaux de l’Irsem II : Club de réflexion et de recherche stratégique de l’Irsem, Rapport final
        Les applications militaires envisageables sont de divers ordres :
        – Des interfaces branchées directement sur le système nerveux pour réaliser des interfaces
        de commande, voire la modification de la perception et de l’intégration de la notion de
        danger. C’est un usage potentiellement efficace pour le combattant, mais
        indéniablement dangereux pour l’organisme. L’utilisation reste très difficilement
        envisageable pour l’instant, il faudrait que ces implantations soient moins contraignantes
        à réaliser et sans effets secondaires sur l’organisme pour une application chez l’homme.
        – Une meilleure compréhension des mécanismes cérébraux d’apprentissage pour
        optimiser la réalisation de tâches ou de comportements.
        – Des interfaces non intrusives avec le système nerveux. Dans le cadre des
        interfaces hommes systèmes, à l’instar du concept des neuroprothèses développé
        pour des besoins médicaux, l’activité magnéto-encéphalographique et électro-
        encéphalographique pourrait être utilisée comme un mécanisme d’acquisition de
        signaux pour piloter directement des systèmes ou des sous-systèmes technologiques
        (système de pilotage aéronef, de visée …) permettant éventuellement un temps de
        réaction significativement diminué, voire une optimisation de l’action. Des applications
        existent également dans le domaine civil (par exemple dans le domaine du jeu vidéo). »
        A mon avis l’US Army fonce depuis longtemps et sans états d’âme avec des moyens financiers énormes dans cette direction

  7. Salam… l’auteur de l’article, Nidhal Guessoum, est un astrophysicien qui ici, et cela va de soi, parle de sciences et techniques, et l’âge d’or de l’Islam en question doit être en lien avec le sujet de l’article, il s’agit forcément de Bagdad et de l’Andalousie.
    Le développement technique de l’Islam, durant des siècles, a été plus que remarquable… jusqu’à ce que le fiqh (qui originellement signifiait “comprendre” avant de devenir juridisme) prenne le dessus, interdise ceci et cela, ferme la porte de la recherche en Islam, et impose une uniformité qui dure jusqu’à aujourd’hui, excluant tout esprit critique et liberté de concevoir et de percevoir… et en menaçant tout non-conformité à cette façon de voir.

    • @tahar.
      il y a selon moi, beaucoup de justesse dans votre commentaire.
      cette dérive de la pensée, (le juridisme) est en quelque sorte, une fuite, une facilité, un confort, qui en concentrant ses efforts de réflexion sur des aspects secondaires, très souvent d’un archaïsme puéril, occulte le vrai travail de fond, et bien évidemment les remises en cause, que l’approche critique serait susceptible de provoquer.
      Marcel Gaucher explique assez clairement selon moi les conséquences de cette attitude.
      La crainte de voire disparaitre le monde dans lequel on a toujours vécu entraine une crispation.
      Elle se traduit de différentes manières.
      cela va du retour au fondamentalisme, en passant par la dérive idéologique et sectaire, pour finir dans la culture du ressentiment, la victimisation, et pour les plus vulnérables l’action violente et nihiliste (le terrorisme)
      Le monde occidental a profondément changé au cours des 50 dernières années.
      En Europe, particulièrement, ou la religion a été assez largement renvoyée à la sphère privée de chaque individu, pour permettre aux citoyens d’exister autrement qu’au travers de ce prisme.
      Cette évolution, se heurte de plein fouet, à une religion (l’Islam) dont l’immobilisme n’a pas permis de suivre le même parcours.
      D’où le désarroi, l’inconfort intellectuel, moral et spirituel, d’une grande partie de ses adeptes vivant en Europe.
      cordialement

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