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Vivre-ensemble. Quelle société pour demain?

Un entretien intéressant de notre ami Rachid Benzine paru dans le quotidien belge Le Soir. L'islamologue revient sur l'attentat contre Charlie Hebdo et ses conséquences sur le vivre-ensemble. 

Dans le contexte sociétal que l’on connaît en France (montée du FN, polémiques avec Zemmour et Houellebecq…) comme en Europe (mouvements anti-islam en Allemagne…), quel impact peut avoir cet attentat sur les consciences, sur le « vivre-ensemble » ?
La France tout entière est victime de cet attentat, et l’islam de France avec elle. Remonter la pente va être de plus en plus difficile dans un pays déjà influencé par le FN, Zemmmour, la manif pour tous… Nous n’y arriverons que si nous résistons, notamment à tout ce qui germe de violences dans nos religions, que ce soit l’islam, le christianisme et les autres. Nous sommes dans un climat très difficile entre la radicalisation de certains jeunes qui partent en Syrie et l’islamophobie. La nuance est très difficile à apporter car chacun cherche à détruire l’être en face de lui.
 
Vous êtes pessimiste pour les mois, les années à venir ?

Les mois et les années à venir vont être très difficiles, oui. Nous devons sortir de ces impasses dans lesquelles nous nous trouvons aujourd’hui et qui vont finir par nous tuer. Car il y a, au sein de la société, un vrai soupçon de part et d’autre. Seules les familles musulmanes européennes peuvent nous sauver. Elles sont le meilleur rempart contre l’extrémisme. Parce que, par nature, elles inculquent un islam non violent. Mais elles sont aussi particulièrement malléables car les gens ne sont pas outillés pour acquérir une approche critique de leur religion. Il faut aujourd’hui faire ce travail qui n’a pas été fait pendant quarante ans.
 
Les musulmans doivent aussi se mobiliser…

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Ils doivent descendre dans la rue ce soir, oui, mais en tant que citoyens, parce qu’ils sont Français et que c’est la France qui a été visée. Ensuite un examen de conscience doit être fait par tous : par les politiques comme les responsables religieux. La question est : qu’avons-nous raté ? Il  a eu des ratés ces quarante dernières années dans la lutte contre les discriminations… On peut légitimement penser que ces assassins sont des fils de France, même s’ils sont passés par des réseaux terroristes à l’étranger. Ces jeunes sont en rupture avec leur tradition religieuse, dont ils n’ont que des bribes, avec lesquelles ils se construisent. Plus la société va les rejeter, plus ils vont trouver dans l’identité la plus fermée un élément de justice. Il va falloir trouver comment les inscrire dans notre roman national au lieu d’en faire tout le temps des éléments extérieurs.

Au lieu de dire qu’ils font ça parce que culturellement, religieusement, ils sont incompatibles avec la société française. Ce type de discours finit par créer une rupture. Ce sont ce que j’appelle des prophètes de malheur : à force de prédire des prophéties apocalyptiques, elles se réalisent. Mais les responsables religieux doivent aussi faire leur examen de conscience. Il ne s’agit pas juste de rétorquer que "l’islam, c’est la paix". Quel islam est principalement enseigné dans nos mosquées, dans nos écoles ? N’est-ce pas surtout le wahhabisme saoudien et la vision des frères musulmans, avec des conceptions fondamentalistes, liberticides ? Il faut aujourd’hui donner aux gens les outils, comme l’histoire, pour intérioriser les critiques, même les plus intimes. Si on avait fait ce travail-là il y a 20, 30 ans, on n’en serait pas là.

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